XXXVI
Affaires d'I-

A Rome le pape Jean aïant reçû plufieurs plaintes contre Romain archevêque de Ravenne, le cita AN. 881. au concile qu'il devoit tenir le vingt-quatrième de Septembre 881. Il trouvoit mauvais entr'autres cho- talic. fes, que fans fon autorité, Romain eût ordonné un Ep.271 272 évêque à Faïence. C'est pourquoi il défendit à cet 273-275évêque d'en faire aucune fonction; & donna com- Ep. 274 miflion à un évêque voifin, de prendre foin de cette Ep. 308 église comme vacante, en qualité de visiteur. L'archevêque de Ravenne n'étant point venu au concile de Rome, y fut excommunié, jufques à ce qu'il fe prefentât; & l'excommunication notifiée à fon clergé & à fon peuple, par une lettre du quatrième d'Oc- Ep. 278. tobre 881. mais on voit par celles de l'année suivan- Ep. 300. 304, te, qu'il étoit reconcilié avec le pape.

Le couronnement de l'empereur Charles n'avoit

encore procuré aucun fecours à Rome, depuis près Ep. 269. 177. d'un an: comme font voir les plaintes du pape, en Ep.279. tr'autres dans une lettre de l'onziéme Novembre. Elles continuerent l'année suivante 882. & le pape Ep. 193. 98: s'adreffa même à l'imperatrice Richarde : mais le tout fans fruit.

Le fiége de Geneve étant venu à vaquer, l'empereur Charles fit élire pour le remplir un clerc nommé Optandus: mais Otram archevêque de Vien Epif 295. ne, qui reconnoiffoit Bofon pour fon roi, refufa de facrer Optandus, comme n'aïant été ni ordonné, ni baptifé dans cette églife, & y ordonna un autre évêque. Cependant le pape pour ne pas laiffer cette église vacante, & à la priere de l'empereur, confacra lui-même Optandus, & ordonna au clergé & au Vuu iij

Epift. 1810

Epift. 288.

AN. 882. peuple de Geneve de le recevoir : déclarant toutefois, que par cette confecration extraordinaire, il n'entendoit point préjudicier aux droits du métropolitain. Il écrivit enfuite à Otram; lui reprochant de favorifer le parti de Bofon, qu'il traite de tyran & d'ufurpateur; & lui ordonnant fous peine de dépofition de venir à Rome fe juftifier. L'archevêque n'obéït pas; au contraire, il fit prendre Optandus, & le mit dans une étroite prifon. Le pape l'aïant appris, lui ordonna de le délivrer dans huit jours, & de venir à Rome se défendre, au concile qui fe devoit tenir le vingt-quatrième de Septembre indiction premiere l'an 882. Le pape cita à ce même concile Adalbert évêque de Maurienne, avec Bernaire évêque de Grenoble, qu'Adalbert avoit enlevé à main armée de fon églife, où il celebroit matines, & l'avoit traité indignement.

Ep. 292. 295.

Ef. 296

Romain archevêque de Ravenne avoit été fans doute abfous de l'excommunication; puifque le pape n'en fait aucune mention, en lui écrivant le vingt-huitiéme d'Août de cette année 882. indiction quinziéme, en faveur de deux diacres. Dans les trois fuivantes, qui font de la même date, il se plaint de Mainbert clerc de l'église de Bologne, comme de l'auteur de la divifion entre l'archevêque Romain & fon clergé, à qui il ordonne de le prendre & le mettre entre les mains du duc Jean envoïé du pape, pour l'amener à Rome. Il enjoint à quatre autres ducs de lui prêter mainforte, fous peine de cent pieces d'or chacun d'amende, & d'abstinence du vin & des viandes cuites,

L'archevêque Romain mourut peu de tems après; & AN. 882. pape écrivit à fon clergé & à fon peuple une lettre,

le

où il témoigne en être affligé, & les exhorte à prier Epist. 304
pour lui: ce qui marque encore mieux leur reconci-
liation.

Mort de Jean

pape.
Vita to. 9. conce

Le pape Jean VIII. mourut lui-même cette année. XXXVII. 882. le quinziéme de Decembre, après avoir rempli vII. Marin II. le faint fiége pendant dix ans. Il refte de lui 320. lettres, où l'on voit qu'il étoit fort occupé des affaires temporelles de l'Italie & de tout l'empire François, & qu'il prodiguoit les excommunications: enforte qu'elles paffoient prefque en formule. Il faifoit moderer les penitences en faveur du voïage de Rome. En voici un exemple.

Un nommé Leontard aïant commis un homi

י

cide, avoit été mis en penitence par fon évêque ; & l'aïant accomplie avoit reçû l'abfolution. Enfuite il avoit eu ordre, avec d'autres, de poursuivre des voleurs; à la charge de ne les point tuer, s'il les pouvoit prendre. En aïant pris un, ils lui arracherent les yeux, enforte qu'il en mourut. Leontard demanda penitence à son évêque, qui lui défendit de communier qu'à la mort: de boire du vin & manger de la chair, excepté les dimanches & les fêtes', de couper les cheveux: de fe marier, de converfer avec les hommes, de commander à fes ferfs & jouir de fon bien, & prendre de fief d'un feigneur. Leontard alla à Rome, & le pape écrivit à son évê- Ep. 81. que, que la penitence lui paroiffoit trop rude: l'exho tant à la moderer, de peur de jetter le penitent dans le defespoir : laiffant toutefois le tout à

AN. 882.

hift.

Papebr. con.

XXXVIII.
Inftruction

d'Hincmar au

An. Bertin. 882,

Fuld. 882.

fa discretion. On voit ici, que l'on mêloit quelquefois à la penitence des peines temporelles, ce qui la rendoit odieufe. Ce pape étant confulté par les évêque's de Germanie, fi ceux qui étoient tuez à la

re,

guer

combattant contre les païens, pour la religion & pour l'état, recevoient la remiffion de leurs pechez: répondit, que ceux qui mouroient ainfi avec la pieté Chrétienne, recevoient la vie éternelle; & qu'il leur donnoit l'abfolution entant qu'il en avoit le pouvoir. Ce fut par ordre du pape Jean VIII. que Jean diacre de l'églife Romaine, & auparavant moine du mont-caffin, écrivit en quatre livres la vie de S. Gregoire le grand, qui avoit vécu trois cent ans aupara

vant.

Après la mort du pape Jean VIII. le S. fiége vaca huit jours ; & le dimanche vingt-troifiéme du même mois de Decembre 882. on élut pour le remplir Marin second du nom, qui avoit été legat à C. P. & en Bulgarie, & qui étoit déja évêque: mais, comme l'on croit, fans être attaché à aucun fiége, & seulement, pour travailler à la miffion chez les Sclaves, Il ne tint le faint fiége que quatorze mois.

Loüis roi de Germanie étoit mort dès le vingtiéme de Janvier de la même année 882. & l'empereur R. Carloman. Charles fon frere avoit réüni fous fon obéiffance toute la France Orientale. Louis roi de Neuftrie mourut le quatrième d'Août, laiffant à fon frere Carloman toute la France occidentale. Alors les feigneurs du roïaume prierent Hincmar, comme le plus ancien évêque d'âge & d'ordination, de leur donner des inftructions pour la conduite de ce

Opufc. 14. to. 2. p. 201.

jeune

uniéme de Décembre 882. & fon corps fut rapporté à Reims à l'églife de faint Remi, & mis duns le tombeau qu'il s'étoit préparé derriere celui du faint,avec l'épitaphe qu'il avoit compofé. Il étoit fort âgé, & avoit tenu le fiége de Reims plus de trente fept

ans.

C'étoit alors l'évêque le plus celebre de France; & fes écrits, dont j'ai fait mention, au moins de la plûpart, font connoître qu'il avoit bien lû l'écriture & les peres, mais il étoit moins theologien que canonifte;& fa principale étude étoit de la discipline de l'églife, qu'il maintint avec une grande vigueur, contre les entreprises des princes & des papes-mêmes. Son ftyle eft diffus & embaraffé, fon difcours plein de parentheses & accablé de citations, & il montre par tout plus de mémoire & d'érudition, que de choix & de justesse d'esprit. Après lui l'église de France tombe dans une grande obfcurité; toutefois l'école de Reims fe foûtint long-tems.

AN. 882.

Sup. liv.

XLVIII. n. 28.

XL.

Ravages des

Dès l'année précedente 881. les Normans avoient fait d'étranges ravages. En Neuftrie ils prirent le Normans. monaftere de Corbie & la ville d'Amiens. En Lor

An. Be. $81. Metenj. 881.

raine étant entrez par le Vahal, ils fe logerent à Nimegue; qu'ils brûlerent, & revinrent au mois de Novembre fur la Meufe. Ils ravagerent le païs & brûlerent Liége, Mastrict, Tongres, Cambrai; & en une autre course Cologne, Bonne, Zulpic, Juliers, Fuldenf. 881, & enfin Aix, où ils firent leur écurie de la belle chapelle de Charlemagne : & les monafteres d'Inde, de Malmedy & Stavelo. Tout cela fut reduit en cendres. Les religieux & religieuses, qui fe purent sau