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échangées des injures, non plus que l'année où le public préféra Scévole à Théodore.

La même année encore fut représentée la pièce de l'Hôpital des Fous, par Charles de Beys, pièce d'une froideur glaciale et dont l'auteur, parfaitement ignoré maintenant, dut jouir d'une grande réputation, témoin la strophe de Scarron qui commence ainsi :

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CHAPITRE IX.

HORACE.

Corneille avait alors trente-trois ans. Parvenu à la force et à la maturité de l'âge, l'esprit affermi et non aigri par cette grande querelle qu'il eut à soutenir à propos du Cid, il résolut, comme il nous l'apprend lui-même, de répondre à ceux qui l'accusaient de plagiat et d'imitation espagnole, en publiant un ouvrage où son imagination ne pût être mise en doute, et Horace parut. en vain, dans sa préface de cette pièce, Voltaire prétend-il qu'on doit le louer d'avoir transporté sur la scène française les plus beaux morceaux de Tite-Live, cinq pages de cet historien latin où se

trouve relatée l'histoire d'où a été pris le sujet d'Horace, ne sauraient constituer autre chose qu'une matière stérile que le génie seul de Corneille pouvait féconder. Et à ce sujet, si nous comparons les deux grands hommes de cette époque, Corneille et Racine, en y ajoutant même leurs suivans dans la carrière, Rotrou, Du Ryer et les autres, avec certains auteurs en renom dont on ne peut que vanter l'érudition romaine ou grecque, une différence très grande nous apparaît au premier abord; nous voulons parler de la couleur locale.

Qu'on ait reproché à Racine d'avoir peint sous des noms grecs et romains les seigneurs et les marquises de la cour de Louis XIV avec leurs minauderies et leurs talons rouges, rien de plus juste, et nous ne chercherons point à prouver qu'Agamemnon, Phèdre ou Britannicus agissaient et parlaient réellement comme Racine les fait agir et parler; mais, à coup sûr, l'auteur commettait sciemment ces anachronismes, et s'il eût voulu peindre l'habitude de la vie antique dans ses minutieux détails, nul plus que lui n'était au courant des mystères de vêtemens ou de cuisine, dévoilés dans Homère, dans Cicéron ou dans Pline l'ancien; s'il eût voulu nous peindre un repas grec, il eût facilement introduit Achille et ses écuyers recouvrant les dards aigus de viandes opimes, et Ulysse méconnu dans son palais se serait chez lui présenté sans difficulté savourant les délices du dos

succulent d'un des membres du troupeau d'Eumée. Sans doute l'agencement du triclinium latin ne lui était point inconnu, et s'il eût voulu nous montrer que les héros de Britannicus étaient vraiment Romains, il eût pu les faire coucher sur des lits somptueux et les appuyer nonchalamment sur le coude; il eût fait servir sur cette table princière le grand plat à la surprise des Romains, et Agrippine eût délicatement dégusté l'olive arrachée au ventre du rossignol. Que Racine ait méprisé tout cela comme il méprisa dans Bajazet les détails orientaux, rien de mieux, et les partisans de la couleur locale auraient toujours beau jeu contre le tendre ami de Despréaux. Mais s'il fut au monde un homme qui sut peindre les héros antiques et mettre sur la scène de vrais Romains, ce fut Corneille, et personne n'a jamais songé à lui reprocher le manque de couleur latine. Au contraire, ses ennemis mêmes conviennent que le vrai caractère des personnages est parfaitement observé par lui; autrement Boileau, qui cherchait toutes les occasions de le critiquer, n'eût pas manqué de dire, en retournant un vers appliqué à la Calprenède :

Tout a l'humeur normande en un auteur normand.

Mais, comme le fit depuis celui que l'on appelle son rival, Corneille méprisa ces vains détails de costume et d'ornemens accessoires. La vraie cou

leur locale est chez lui l'étude du cœur de ses héros, et certes le qu'il mourût du vieil Horace prouve mieux son droit de bourgeoisie dans la cité républicaine que la tenue savante de son glaive, ou l'harmonieux agencement des plis de sa toge. Cette négligence de la superfluité, ce dédain de l'érudition nous ont toujours semblé la marque distinctive du talent supérieur, et la ligne de démarcation qui sépare la science d'avec l'invention, le goût d'avec le génie. Aussi, les tragédies d'Horace, de Cinna, de Pompée, sont-elles des œuvres de génie et des chefs-d'œuvre parfaitement originaux. Pierre Corneille seul pouvait en être l'auteur, et nul autre que lui n'eût conçu ces grands caractères romains, eût-il été le plus érudit du monde sur l'architecture de Vitruve et l'agriculture de Columelle ou de Varron, cet homme eût-il su son Tite-Live et son Salluste par

cœur.

Corneille sentait si bien sa force et avait une telle conscience de l'individualité de son génie, que quand on le menaça d'un second examen, semblable à celui qui fut fait à l'occasion du Cid, sachant bien qu'on ne trouverait point là de vers espagnols traduits ou de Chimène, qui dût blesser les canons, il fit cette fière réponse : « Horace fut condamné par les duumvirs, mais il fut absous par le peuple. En effet, le succès de la pièce fut immense, et Voltaire, d'ordinaire si peu juste envers notre héros, est le premier à en convenir:

D

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