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exemples que l'OEdipe de Sophocle. Sarrasin, homme d'un grand esprit d'ailleurs, et ami de Scudéry, voulait faire valoir la pièce. Aussi adressat-il à l'Académie française un discours sur l'Amour Tyrannique. Mais comme au demeurant c'était une conscience droite que Sarrasin, et que si l'ami de Scudéry ne pouvait aimer Pierre Corneille, le littérateur devait l'honorer et l'estimer fort, il prit un moyen terme et se déguisa sous le pseudonyme de Sillac d'Arbois, sous lequel il put tout à son aise louer Hardy sans nommer Corneille, et exalter Scudéry, Aristote à la main.

L'Amour Tyrannique, que l'on voulait opposer aux chefs-d'œuvre de Corneille, n'est pas du reste une pièce sans mérite. Sans doute la longue exposition que demande le sujet jette tout d'abord une grande confusion dans l'esprit; mais à tout prendre il y a de fort beaux vers et la remontrance du gouverneur à Tiridate est d'un bel effet. Aussi, forts qu'ils étaient de cette parole du cardinal, qui dit après l'avoir vu représenter : Cette pièce n'a pas besoin d'apologie, elle se défend assez d'elle-même; les courtisans et les amis de Scudéry purent répandre que la pièce avait eu du succès. Mais c'était là le dernier éclair de cet orage de galanterie héroïque dont le théâtre avait été rempli depuis si long-temps; malgré la famille Scudéry, l'afféterie et la carte de Tendre allaient être bannies du théâtre par le génie mâle de Pierre Corneille. Quelle comparaison, en effet,

peut-on faire entre l'Amour Tyrannique et Horace? et cette dernière pièce renferme-t-elle un seul morceau comme le billet ridicule que Tigrane écrit à Polixène, pour lui demander du poison:

Prête-moi ton secours pour terminer mes peines,
Trouve-moi ce poison qui me délivrera.

Si je n'étais chargé de chaînes,

J'irais baiser la main qui me le donnera.

Horace est autant au-dessus de pareilles choses que le Cid est au-dessus de Clitandre : mais l'admiration pour la pièce de Corneille devra encore être bien plus grande si nous la comparons aux autres productions contemporaines de ceux qui furent quelquefois ses rivaux.

La Lucrèce et la Clarigène, de Pierre du Ryer, sont deux pièces d'une infériorité remarquable et ne valent guère mieux que la Panthée d'un certain d'Urval, imprimée cette même année 1639.

Rotrou et Mairet ne furent pas plus heureux que Pierre du Ryer. Les quatre pièces du premier, datées de 1639, ne valent rien du tout, et le choix serait fort embarrassant entre les Deux Pucelles, la Belle Alphrède, Antigone et Laure persécutée : cette dernière peut-être est la plus passable; et que dire d'une pièce où le roi appelle son fils, lâche sang de mon sang, et où l'on trouve des vers comme ceux-ci que dit Octave au commencement de l'acte second:

Je reconnais, amour, ton pouvoir immortel,
Mon âme t'est un temple et mon cœur un autel.
Mais n'en exige point ce honteux sacrifice,
Fais plutôt que l'autel et le temple périsse.

Et ceux-ci que déclame le prince furieux au troisième acte:

Ah! ciel; ce n'est point toi qui régis la nature,
Tes astres impuissans errent à l'aventure;

La région du feu n'a point de pureté,

La terre, quoi qu'on die, est sans stabilité;

L'ombre produit le corps et les corps suivent l'oibre,
L'astre du jour est fixe et sa lumière est sombre;

Le visage de Laure a de douteux appas,

Et rien n'est assuré puisqu'elle ne l'est pas.

Quant à Mairet, il fit imprimer, en 1639, sa Mort de Mustapha ou le Grand et dernier Solyman, pièce dans laquelle se trouvent des vers comme ceux-ci :

Vous-même ayez soupçon du soupçon qui vous ronge.

(Acte II, scène vi.)

Prince, vos ennemis brassent votre trépas.

(Acte III, scène 11.)

Va la faire résoudre à quoi que je lui die.

(Acte III, scène iv.)

Quand on songe que de pareilles choses s'imprimaient en 1649, l'année où l'on joua Horace et Cinna!

Il est une maxime peu suivie de nos jours et à laquelle a donné un croc-en-jambe l'école qui prit Shakspeare et Lopez de Véga pour modèles

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dans l'agencement des scènes, la multiplicité des événements, le nombre des personnages, les intrigues doubles ou triples renforcées de poison, d'assassinats et de poignards, non plus cette fois rentrant dans le manche comme le poignard classique, mais bien droits et bien affilés comme la miséricorde du moyen âge, ou recourbés comme le cimeterre oriental. Cette maxime était que le Théâtre-Français ne veut point étre ensanglanté. Un meurtre sur la scène fut long-temps regardé par nos devanciers comme une monstruosité, et les deux exemples cités à l'appui de leur raisonnement étaient l'Orosmane de Voltaire qui poignarde Zaïre dans la coulisse et Horace qui ne tue point sa sœur sur la scène : même à ce sujet il courait une anecdote assez naïve pour être vraisemblable, assez populaire pour être vraie.

Le comédien Beaubourg, qui succéda à Baron, en 1692, était un fort bel homme qui débitait la tragédie à pleins poumons et se faisait bien venir du public par sa taille avantageuse et ses belles manières. Jouant un jour Horace et voyant que Camille, dans son enthousiasme et dans sa fuite précipitée, après les imprécations, s'était laissé choir sur le théâtre, il prit une pose gracieuse, Jui tendit galamment la main pour la relever et la conduisit dans la coulisse où il devait la frapper de son épée.

Les partisans de la bonne grâce quand même, devaient applaudir fort à cette urbanité. Ceux,

au contraire, qui trouvaient l'action d'Horace trop cruelle, précisément parce qu'elle est trop réfléchie, eussent voulu la voir frapper en plein théâtre et continuer la tradition qu'un accident eùt mise à la mode.

D'autres trouvant probablement cette discussion oiseuse, dissertent longuement sur la valeur de ce vers qui vient immédiatement avec le fameux qu'il mourût :

Ou qu'un beau désespoir alors le secourût.

L'avis du prince de Condé, qui le trouvait un vers faible, prévalut si long-temps que je ne sais quel correcteur officieux proposa de le remplacer par celui-ci, aussi faux de pensée que dénué de rime :

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Quant à nous nous avons toujours pensé que le meurtre de Camille, après réflexion, est bien véritablement l'action d'un Romain qui, auprès des cadavres de ses frères et en présence d'ennemis ses cousins et dont un était l'amant de sa sœur, a trouvé assez de présence d'esprit pour calculer les blessures de ses adversaires, et les a ensuite égorgés avec le plus grand sang-froid, et nous nous rangeons à l'avis de ceux qui ont démontré que si le qu'il mourût est le cri du Romain, le vers

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