페이지 이미지
PDF
ePub

170

HISTOIRE DE P. CORNEILLE.

suivant est le cri du père : le vieil Horace, tout Romain et tout stoïcien qu'il est, ne saurait, sans pleurer sa race, se voir d'un seul coup privé de ses trois fils.

CHAPITRE X.

CINNA.

L'envie ne pouvait plus attaquer Corneille sur ses ouvrages: elle alla donc chercher dans sa vie privée si elle ne trouverait point quelque défaut à révéler. Bien lui en prit de faire lui-même bon marché de la gaucherie de son extérieur, de la lourdeur de ses manières et de l'embarras de sa langue. Encore répandait-on le bruit que Corneille n'était bon à entendre qu'à l'Hôtel-de-Bourgogne, et l'abbé de Bois-Robert répondit-il malicieusement à quelques personnes qui l'interrogeaient sur certains vers de notre héros: Comment ne les trouverais-je pas beaux dans la bou

[ocr errors]

che des autres, puisque je les trouvais admirables quand il nous les récitait?...

Cette fois ce ne fut point à son maintien que l'on s'en prit, mais on crut toucher la corde sensible en nommant son avarice, et en appelant dédicaces à la Montauron, toutes celles qui flattaient bassement quelque traitant obscur et fort riche, pour en obtenir de grasses récompenses. Nous avons déjà examiné cette accusation d'avance portée contre le grand Corneille, et nous n'entreprendrons point de décider d'une façon péremptoire si vraiment l'amour de l'argent le porta à comparer le sieur de Montauron à l'empereur Auguste, comme parle Voltaire. Nous nous contenterons de dire que ce dernier se contente d'ajouter: Si pourtant la reconnaissance arracha ce singulier hommage, il faut encore plus en louer Corneille que l'en blåmer mais on peut toujours l'en plaindre. Et si nous voulions défendre notre héros de cette imputation, nous en renverrions l'invention calomnieuse à l'éditeur de Pélisson, avec le P. Tournemine, qui dit dans sa défense du grand Corneille Il (l'édiditeur de Pélisson) rapporte, sur l'autorité du commentateur de Despréaux, que Corneille dédia Cinna à Montauron, célèbre financier, protecteur libéral et éclairé des belles-lettres et très digne de leurs hommages, parce qu'il paya plus cher l'épître dedicatoire que le cardinal Mazarin à qui elle avait été destinée. La preuve sans réplique

de la fausseté de cette maligne imputation est dans ce beau remerciment de Corneille au cardinal Mazarin: Non, tu n'es point ingrate, ô maitresse du monde! Ce poète reconnaissant dit au cardinal Mazarin, que ce ministre l'a prévenu par ses bienfaits qu'il n'avait pas demandés, qu'il n'attendait pas. ›

Quoi qu'il en soit, cette dédicace existe, et même en supposant que Corneille ait dédié Cinna à Montauron, pour avoir un peu plus d'argent, ses contemporains ne lui en surent pas mauvais gré, et Cinna obtint un succès d'enthousiasme, au moins à en juger par la lettre que Balzac écrivit à Corneille à ce sujet : voici cette lettre tout entière. Elle exprime mieux que nous ne saurions le faire, ce que pensaient de Cinna les beaux esprits de ce temps-là.

< MONSIEUR,

‹ J'ai senti un notable soulagement depuis l'arrivée de votre paquet, et je crie miracle! dès le commencement de ma lettre. Votre Cinna guérit les malades: il fait que les paralytiques battent des mains : il rend la parole à un muet, ce serait trop peu de dire à un enrhumé. En effet, j'avais perdu la parole avec la voix, et puisque je les recouvre l'une et l'autre par votre moyen, est bien juste que je les emploie toutes deux à votre gloire, et à dire sans cesse, la belle chose! Vous avez peur néanmoins d'être de ceux qui

il

sont accablés par la majesté des sujets qu'ils traitent, et ne pensez pas avoir apporté assez de force pour soutenir la grandeur romaine. Quoique cette modestie me plaise, elle ne me persuade pas, et je m'y oppose pour l'intérêt de la vérité. Vous êtes trop subtil examinateur d'une composition universellement approuvée; et s'il était vrai qu'en quelqu'une de ses parties vous eussiez senti quelque faiblesse, ce serait un secret entre vos muses et vous, car je vous assure que personne ne l'a reconnue. La faiblesse serait de notre expression, et non pas de votre pensée : elle viendrait du défaut des instrumens, et non de la faute de l'ouvrier: il faudrait en accupas ser l'incapacité de notre langue.

:

• Vous nous faites voir Rome tout ce qu'elle peut être à Paris, et ne l'avez point brisée en la remuant. Ce n'est point une Rome de Cassiodore, et aussi déchirée qu'elle était au siècle des Théodorics c'est une Rome de Tite-Live, et aussi pompeuse qu'elle était au temps des premiers Césars. Vous avez même trouvé ce qu'elle avait perdu dans les ruines de la république, cette noble et magnanime fierté; et il se voit bien quelques passables traducteurs de ses paroles et de ses locutions, mais vous êtes le vrai et le fidèle interprète de son esprit et de son courage. Je dis plus, Monsieur, vous êtes souvent son pédagogue, et l'avertissez de la bienséance, quand elle ne s'en souvient pas. Vous êtes le réformateur du

« 이전계속 »