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confidence à Fabian, comme craignant d'être entendu; il allait même jusqu'à mettre la main sur l'épaule de son confident, recommandant le secret et préparant à découvrir le fond de son cœur par ce geste familier. On note aussi la manière dont il anonçait ce vers :

Servez bien votre Dieu; servez votre monarque.

Parlant de ce Dieu comme d'un maître inconnu à qui ses serviteurs peuvent devoir du respect, et du monarque comme du maître actuel que lui, Sévère, honorait par-dessus tout et pour lequel il avait conquis des provinces.

Ce fut quelques années après Polyeucte que Rotrou donna sa tragédie du véritable Saint-Genest qui ne manqua pas d'avoir un 'certain succès. Le nom de l'auteur, sa grandeur d'âme et l'amitié dont on le savait lié avec le grand Corneille, et l'éloge qu'il en fait dans sa pièce, éloge que nous avons cité plus haut, ne furent pas sans influence sur l'esprit du public. D'ailleurs le véritable Saint-Genest est une pièce plus soignée que ne le sont ordinairement les pièces de Rotrou, et l'auteur a profité de ce qu'avait omis Corneille, je veux dire l'opposition raisonnée du catholicisme au paganisme. Ainsi dans la pièce de Rotrou, un certain Marcel veut persuader à Genest de rester dans la religion de ses pères, et lui dit :

O ridicule erreur de vanter la puissance

D'un Dieu qui donne aux siens la mort pour récompense,
D'un imposteur, d'un fourbe et d'un crucifié!

Qui l'a mis dans le ciel? qui l'a déifié? etc.

Genest répond :

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Vous verrez si les dieux de métal et de pierre
Seront puissans au ciel comme on les craint en terrė;
Alors les sectateurs de ce crucifié,

Vous diront si sans cause ils l'ont déifié, etc.

Une scène dans ce goût ne pouvait manquer de réussir; quant à la pièce, Corneille avait déjà ouvert la voie, et voilà comment Corneille fut en cette circonstance le père de Rotrou.

Si d'excellentes raisons n'étaient là pour défendre Corneille et Rotrou contre l'hôtel de Rambouillet, et ceux qui proscrivent les tragédies saintes, il y en aurait une décisive à notre sens.

On raconte que lorsque Louis XIV sortit de la représentation de Cinna, il avoua avoir été si porté à la clémence par le rôle d'Auguste, et les vers magnifiques de Pierre Corneille, que si quelqu'un eût pris ce temps pour lui demander la grâce du chevalier de Rohan, il l'eût infailliblement accordée, et pourtant la haine de Louis contre le chevalier était bien forte. Qui sait si les raisonnemens admirables et la conduite d'un héros chrétien ne pourraient point faire revenir les auditeurs à de bons sentimens, et si Dieu ne pourrait point se servir de cet instrument pour les toucher? Certes, nous condamnons avec tous

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les esprits sensés l'étalage sur la scène d'une cession chrétienne, et nous déplorons avec tous les amis de la religion la profanation des habits sacerdotaux, quelquefois exposés à la risée ou au mépris, mais nous ne croirons jamais que de beaux vers et de bonnes raisons puissent être des choses dangereuses pour la foule. Nous croyons au contraire qu'il y a là pour elle charme et instruction, et par conséquent profit.

CHAPITRE XII.

LA MORT DE POMPÉE.

:

Nous avons vu au chapitre de Cinna comment le tendre et naturel Fénelon avait blâmé certaine emphase, dans laquelle il ne pouvait reconnaître les discours de l'Auguste de Suétone bien loin de penser comme lui, les beaux esprits qui applaudissaient Cinna et Polyeucte ne pouvaient s'empêcher de regretter le naturel de certains vers: Polyeucte pour eux n'avait pas assez de héros; ce qui détermina Corneille à faire la Mort de Pompée, où il y en a trop.

Un nommé Chaumer avait déjà fait représenter sous ce titre une tragédie, trois ans avant la pièce de Corneille, et il l'avait dédiée au cardinal de Richelieu. La pièce de Corneille n'a aucun rapport avec celle de Chaumer, et la principale cause qui détermina notre héros à traiter ce sujet, fut son amour pour Lucain, comme il l'explique luimême dans sa préface où il dit : « Je me contenterai d'avertir que celui dont je me suis le plus servi a été le poète Lucain, dont la lecture m'a rendu si amoureux de la force de ses pensées et de la majesté de son raisonnement, qu'afin d'en enrichir notre langue j'ai fait cet effort pour réduire en poème dramatique ce qu'il a traité en épique.

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Nous avons vu comment cet amour pour cain lui était commun avec Malherbe; il avait aussi ce point de ressemblance avec Brébeuf, ce grand poète ignoré et encore écrasé sous l'anathème injuste de Boileau.

S'il fallait, dit Corneille dans sa préface, donner le texte ou l'abrégé des auteurs dont cette histoire est tirée, je ferais un avant-propos dix fois plus long que mon poème et j'aurais à rapporter des livres entiers de presque tous ceux qui ont écrit l'histoire romaine. » Aussi ne cite-t-il que peu de chose et en premier lieu l'épitaphe ou plutôt l'éloge funèbre de Pompée, au livre neuvième de la Pharsale de Lucain, épitaphe qui

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