semble la raison de sa tragédie (1). Puis il note dans le courant de la pièce les vers qu'il a tra duits de son auteur chéri, ce qui l'a fait comprendre dans le jugement de Boileau ; comme (1) Peut-être ne sera-t-on pas fâché de lire la traduction de ce passage par Brébeuf. C'est Caton qui parle : Enfin les cieux, dit-il, nous ravissent un homme Les progrès éclatans de sa jeune raison Ont enrichi l'État bien plus que sa maison. Il sut prendre au besoin ou mettre bas les armes : Il adorait la Paix au milieu des alarmes, Et d'un visage égal il a pris ou quitté L'éclat de la puissance et de l'autorité. On n'a vu ses trésors que dedans ses largesses, EL pour nous d'un grand poids au fort de nos traverses. Brébeuf, il a entassé les montagnes de morts, et si j'osais porter un jugement que Corneille lui-même eût confirmé, si l'on en croit l'anecdote qui le fait renoncer à traduire la Pharsale, après Brébeuf, je dirais que très souvent dans les vers que Corneille a traduits de Lucain, il me semble inférieur à celui-ci. Si Brébeuf a entassé sur les rives, De morts et de mouraus cent montagnes plaintives, au moins n'a-t-il pas, comme l'auteur de la Mort de Pompée, abusé de l'image révoltante d'un champ de bataille et peint ces cadavres Que la nature force à se venger d'eux-mêmes, Et dont les troncs pourris exhalent dans les vents Dans la même scène, Corneille a traduit de Les remords de la honte et l'instinct du devoir Et pourvu que sans vie on me garde au vainqueur, Cette traduction n'a que le défaut d'être un peu longue, mais elle renfeține certés de fort beaux vers, et je n'y vois point de fatras obscur. Lucain presque tout le discours de Photin, que l'auteur latin introduit également au huitième livre de sa Pharsale, pour répondre à Achorée. Voici le début de Corneille : Seigneur, quand par le fer les choses sont vidées, Et qui veut être juste en de telles saisons, En voulant renchérir sur l'original, Corneille est devenu obscur : Brébeuf avait simplement traduit : Quand on se rend, dit-il, l'appui des misérables, Corneille avait encore ces beaux vers latins à traduire : Nec soceri tantùm arma fugit, fugit ora senatûs Et metuit gentes quas uno in sanguine mixtas En voulant encore cette fois dépasser l'original, il l'a affaibli; il a mis : César n'est pas le seul qu'il fuie en cet état, Il fuit Rome perdue, il fuit tous les Romains, Leurs trônes mis en cendre et leurs sceptres brisés. Brébeuf avait dit : César est en tous lieux pour cette âme tremblante, Corneille a montré plus de goût dans le récit de la mort de Pompée que fait au second acte Achorée à Cléopâtre. Ce récit tout entier, pris dans Lucain, est plein d'interminables détails que l'auteur français a retranchés avec raison. Ainsi Corneille a beaucoup abrégé le discours que Pompée adresse à sa femme pour l'engager à ne pas l'accompagner, et il a surtout fait preuve de discernement en retranchant toutes ces pensées intérieures de Pompée pendant qu'il meurt, sorte d'effort stoïque du patient, et de bavardage du poète, qui nuisent beaucoup à l'intérêt; mais nous ne saurions nous empêcher de regretter l'original latin au moment de la mort, et la traduction de Brébeuf nous semble encore ici supérieure. Corneille écrit : Il se lève, et soudain pour signal, Achillas Derrière ce héros tirant son coutelas, Septime et trois des siens, lâches enfans de Rome, ..... D'un des pans de sa robe il couvre son visage, Et dédaigne de voir le ciel qui le trahit, De peur que d'un coup d'œil contre une telle offense Ne se montre en mourant digne d'être frappé... Sa vertu dans leur crime augmente ainsi son lustre, Voici le passage de Brébeuf : Sous un pan de sa robe il voile son visage; Il semble consentir à cet assaut farouche. Il se tient immobile et s'éprouve en mourant. Quant à la narration d'Achorée au troisième acte, que Corneille déclare la plus belle de son poème, elle est presque tout entière de lui, et la forme: vive et pressée, la joie mal dissimulée de César à la vue de la tête de son rival, sont des coups de pinceau bien supérieurs à l'original, et ces |