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deux beaux vers appartiennent en propre à l'auteur français:

L'aise de voir la terre à son orgueil soumise,
Chatouillait malgré lui son âme avec surprise.

Mais dans la narration que fait Philippe au com. mencement du cinquième acte, en apportant à Cornélie les cendres de Pompée, la supériorité de Corneille est évidente: son récit est simple, digne, et convient bien au sujet. L'auteur de la Pharsale entre ici dans une foule de détails puérils et peu nobles; il nous montre Cordus rallumant le bûcher éteint; il nous dépeint les poutres brisées et le bois qu'il emploie. Pompée apparaît un instant après demi-grillé : peu s'en faut que, comme saint Anand, il ne mette les poissons du rivage aux fenêtres pour regarder les funérailles d'un si grand héros. Corneille n'a point de tout cela, et cette fois ses vers sont bien supérieurs à ceux de Brébeuf, simple traducteur de la Pharsale, et forcé de suivre l'original.

Si, ayant à comparer Corneille à Lucain, nous avons cité la traduction de Brébeuf, et si l'on nous accuse d'avoir à son sujet une complaisance mal placée, nous dirons pour notre défense que citer Brébeuf c'est faire à notre sens une réhabilitation méritée : nous ne saurions comprendre l'injustice du satirique envers lui, et nous aurons encore à l'apprécier et à le mettre en parallèle avec Cor

neille, quand nous compareronsies Entretiens soltaires avec la traduction de l'Imitation de JésusChrist..

Comme nous l'avons dit, ceux qui n'avaient point trouvé assez de héros dans Polyeucte et dans Cinna, durent être satisfaits par la tragédie de Pompée, presque entièrement composée de narrations héroïques. Pompée, César, Cornélie, Philippe et même Ptolomée, qui meurt en grand roi, sont des personnages d'un courage et d'une vertu modèles. Le fidèle Achorée lui-même, narrateur assidu et confident patient de tant de hauts faits, doit participer à la grandeur d'âme des héros qu'il fréquente; Photin et Achillas seuls sont des monstres qui ne peuvent manquer de recevoir leur punition au milieu de tant d'honnêtes gens. La pompe des vers, la noblesse des sentimens et la profusion d'héroïsme répandus dans cette pièce, ne manquèrent donc pas de faire réussir cette pièce. Ajoutez à cela cette façon de déclamer que nous avons vue appartenir en propre aux acteurs de ce temps-là, et nous aurons la certitude que la pièce ne pouvait manquer de plaire. Elle plut donc, et beaucoup; mais, hélas! le public de ce temps n'avait point le goût épuré sans s'en rendre compte, il applaudissait les platitudes comme les beautés, et pourvu qu'un sujet eût une certaine apparence de noblesse, il ne pouvait manquer de réussir.

Nous avons vu au chapitre précédent comment

la chute d'une certaine Sainte Catherine de Pujet de la Serre aurait influencé le jugement de l'hôtel de Rambouillet. Vers ce temps, cet insipide prosateur composa un Thomas Morus, en cinq actes et en prose, une des tragédies les plus mauvaises et une des œuvres les plus ennuyeuses peut-être qui jamais aient été faites. Il faut pourtant croire que cette rapsodie eut un succès d'enthousiasme et nuisit au succès de Pompée; car voici comment l'auteur du Parnasse réformé fait parler la Serre au sujet de cette tragédie : « On sait que mon Thomas Morus s'est acquis une réputation que toutes les autres comédies du temps n'avaient jamais eue. M. le cardinal de Richelieu a pleuré dans toutes les représentations qu'il a vues de la pièce; il lui a donné des témoignages publics de son estime, et toute la cour ne lui a pas été moins favorable que Son Éminence. Le Palais-Royal était trop petit pour contenir ceux que la curiosité attirait à cette tragédie. On y suait au mois de décembre, et l'on tua quatre portiers, de compte fait, la première fois qu'elle fut jouée. Voilà ce qu'on appelle de bonnes pièces. M. Corneille n'a point de si bonnes preuves de l'excellence des siennes, et je lui céderai volontiers le pas quand il aura fait tuer cinq portiers en un jour. »

Voilà ce que c'était qu'un succès en ce tempslà; et c'est en présence d'un siècle semblable et devant des jugemens pareils, que l'on a accusé Corneille de manquer de goût!

Ce fut vers ce temps que Guyon Guérin de Bouscal, auteur plein de talent d'ailleurs, introduisit sur la scène française le roman de Cervantes. L'histoire de Dom Quichotte de la Manche et de son fidèle Sancho est contenue dans trois grandes comédies en cinq actes et en vers : la dernière est intitulée Le gouvernement de Sancho Pansa. Tout le roman espagnol y passe, et les idées que l'auteur a ajoutées ne manquent point d'agrément et d'esprit. Dans la première pièce qui finit par l'histoire du cheval de bois, Dom Quichotte voyant se lever le jour, fait une description pompeuse de l'aurore:

Apollon a quitté la couche de Nérée,

Les étoiles de peur se cachent à nos yeux, etc.
L'ombre s'évanouit, la clarté suit ses pas,

Et bref, il est grand jour, et nous ne partons pas.

Sancho, animé par de si belles paroles, veut suivre l'exemple de son maître ; aussitôt commence

une dissertation fort bien faite, et qui rappelle Paris à cinq heures du matin :

Déjà dedans Séville, à la place publique,

On entend jargonner maint courtaud de boutique...

...

Et déjà maint buveur, pour soulager sa tête,
Dedans le cabaret prend du poil de la bête..., etc.
Rossinante et Grison ronflent après l'aveine,
Ilutôt qu'après le pas de nos sanglans combats;
Et bref, il est grand jour, et nous ne partons pas !

Dans la pièce du gouvernement de Sancho, il

veut condamner une bohémienne pour vol; celle

ci lui répond :

Le larcin est un crime

A qui souvent l'on donne un pardon légitime.
Par exemple, la mort nous dérobe le jour,

Le silence le bruit, et l'absence l'amour.

Les extrêmes malheurs nous dérobent des larmes, etc.

Guérin de Bouscal n'était point un auteur médiocre, il avait donné en 1637 une tragédie romaine intitulée la Vengeance et la mort de César, tragédie froide à la vérité, mais où l'on trouve un certain rôle de Porcie, femme de César, taillé à la Corneille. C'est elle qui dit :

La fille de Caton naquit parmi les armes,

Les horreurs des combats ont pour elle des charmes...

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Que nos cruels tyrans, par de nouvelles gênes,
Portent au plus haut point leur rigueurs et mes peines,
Si je puis par ma mort t'exempter du trépas,

J'en atteste le ciel, je ne me plaindrai pas.

Aussi, bien que de Bouscal soit parfaitement inconnu à l'heure qu'il est, Corneille devait l'estimer bien plus que les Scudéry et les Bois-Robert, qui n'avaient alors à donner à l'admiration du public que l'Andromire et les Deux Alcandres, et l'excursion que fit cet auteur dans la littérature espagnole de 1640 à 1642, put bien être pour Corneille une invitation à retourner à ses premiers auteurs, et c'est sans doute à ce Guérin que nous devons la comédie du Menteur, représentée en 1642, et la suite du Menteur représentée en 1643.

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