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certes, qui soient dans la langue française; les

voici :

Si tu veux vers le ciel marcher en sûreté,

C'est d'affermir tes pas sur le mépris du monde.

Gerson était seul digne de penser ces choses, Corneille de les mettre en vers et Bossuet de les sculpter en prose.

On raconte qu'un plaisant étant un jour allé trouver le vieux Fontenelle, lui demanda son sentiment sur ces deux vers :

On la verrait offrir d'une âme résoluc

A l'époux sans macule une épouse impollue.

Le vieillard, choqué des latinismes redoublés du second vers, s'écria : « Quel est donc le Ronsard qui a pu écrire ainsi?» « C'est, lui répliqua le citateur triomphant, votre cher oncle, le grand Corneille, dans sa tragédie de Théodore. »

Sans vouloir défendre ce ronsardisme qui, pris tout seul et détaché de sa tirade, ne peut offrir à l'oreille qu'un assemblage de mots barbares, tombant complaisamment et lourdement à la fin de chaque hémistiche, on pourrait répondre victorieusement en récitant la tirade tout entière, fort belle assurément, et qui renferme des vers que le grand Corneille était seul capable de faire. Aussi n'est-il point dit que les beaux esprits de l'hôtel de Rambouillet, si grands ressasseurs de

mots et si méticuleux éplucheurs de syllabes, aient trouvé à redire à ce vers et en aient fait des observations à l'auteur, bien que, comme nous l'avons vu, ils ne lui ménageassent pas leurs critiques.

Je ne sais s'il ne faudrait point modifier un peu l'avis de Corneille sur sa propre tragédie, quand il félicite son siècle de la pureté de mœurs qui lui fait rejeter même l'idée de l'infamie à laquelle on veut exposer son héroïne, si dans ce compliment n'entrait point un peu d'ironie, ironie sans fiel assurément, puisqu'il prend soin de la défendre quelques lignes plus bas.

« Dans ma disgrâce, dit-il, j'ai de quoi congratuler la pureté de notre scène, de voir qu'une histoire qui fait le plus bel ornement du second livre des Vierges de saint Ambroise se trouve trop licencieuse pour être supportée.

»

Puis il analyse le récit de saint Ambroise, et avoue avoir mis toute son industrie à voiler ce que la modestie de notre temps ne saurait supporter.

Ce n'est point ici le lieu de renouveler ce qui a tant de fois été dit, et de faire un parallèle entre l'immoralité et la liberté de langage. Souvenonsnous seulement que saint Ambroise, dont nous parlions tout à l'heure, ne reprochait au satirique Perse que son obscurité, et que saint Jean Chrysostome avait toujours sous son chevet un exemplaire des œuvres d'Aristophane.

Aussi, la tragédie de Théodore est-elle une des productions les plus chastes qu'on puisse lire : si la pensée de certaines choses a pu sembler impure à quelques précieux et précieuses du temps, ce ne peut être certes qu'à ces pédantes anagrammatisées et à ces savans en us que nous a montrés Molière dans ses Femmes savantes, dont la pudeur grammaticale demande à grands cris à limer des radicaux et à råcler des désinences.

Corneille trouvait en outre le caractère de Théodore froid; il n'est que digne; l'amour terrestre de la femme chrétienne est la tendresse de l'épouse et point l'attachement de l'amante. Elle attend de grandes choses de son époux, puisque Théodore lui demande comme une chose toute naturelle de la tuer pour lui éviter le déshonneur. Cette froideur va bien à une âme énergique et résolue, et je ne saurais me ranger à l'avis de l'auteur, qui finit en disant que, pour parler sainement, une vierge et martyre sur un théâtre n'est autre chose qu'un terme qui n'a ni jambes ni bras, et par conséquent point d'action. Théodore est le parallèle de Polyeucte, et nous ne pouvons être de l'avis des biographies et des commentaires où on lit des phrases telles que celles-ci : « Lorsque après Rodogune on ouvre Théodore, on est confondu d'étonnement, et l'on se croirait parvenu au temps de l'entière décadence de Corneille, si l'on ne se hâtait d'ouvrir Héraclius.»

Une chose étonnante et à laquelle n'ont peut

"

être pas réfléchi les détracteurs de Théodore, c'est que cette pièce est de toutes les pièces de Corneille celle qui est le mieux conduite, ordonnée et agencée, selon les règles d'Aristote. Autrement l'abbé d'Aubignac, que nous verrons si acharné contre Sertorius, n'aurait pas écrit que Théodore est la meilleure pièce de Corneille, lui qui était si grand partisan du philosophe grec et qui avait fait Zénobie.

Ce fut peut-être au sujet des tracasseries ridicules que lui attirèrent, de la part de certaines gens, Polyeucte et Théodore, que Corneille conçut ce projet qu'on lui attribue de faire un livre intitulé la Défense du Theâtre; dans son épître dédicatoire il appelle le théâtre le plus utile divertissement de l'esprit humain. Là-dessus, grande clameur de Voltaire qui prend fait et cause pour les comédiens et veut les défendre théologique

ment.

Nous n'entrerons point dans une discussion au sujet de laquelle nous reconnaissons notre 'incapacité. Nous ferons senlement observer qu'il est hors de doute que Corneille ne crût, en composant des tragédies, faire non seulement des chefs-d'œuvre, mais de bonnes actions aussi personne ne songea-t-il jamais à les lui imputer à crime. Les cardinaux Richelieu et Mazarin, dont le premier faisait lui-même des pièces de théâtre, le protégèrent; le pape Alexandre VII ne sut jamais mauvais gré à l'auteur de Cinna et du Cid

de lui dédier sa traduction de l'Imitation, et les Jésuites, ses maîtres, qui le virent briller si fort dans l'art dramatique, non seulement ne le blâmèrent point, mais ils l'encouragèrent et le louèrent; et pourtant si Polyeucte et Théodore avaient choqué les conciles, si les décisions prises contre des pièces immorales et impies avaient pu toucher Pierre Corneille, ils l'eussent d'abord averti, puis enfin abandonné.

Une chose remarquable, c'est que la tragédie de Théodore, si mal accueillie sur la scène de Paris, réussit merveilleusement dans les provinces, contrairement, dit Corneille à la suite du Menteur, dont les comédiens de province ne voulurent point se charger, malgré le succès qu'avait eu cette pièce à sa reprise.

Les causes énoncées par Corneille et toutes celles que l'on peut tirer de la nature du sujet, ne me semblent point légitimer la chute de Théodore; mais je trouve la véritable cause du peu de retentissement qu'elle eut, si on la compare au triomphe ordinaire de toutes les pièces du grand Corneille, dans la représentation du Scévole, de Pierre du Ryer, dont l'histoire est trop curieuse et dont la vie se trouve trop souvent mêlée à celle de notre héros pour que nous n'en fassions pas ici quelque mention.

Il était né à Paris, un an avant Corneille. Un an avant lui, il entra à l'Académie Francaise, sa seule qualité de Parisien lui ayant donné cet

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