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semée, ce dont vous convenez vous-même au commentaire sur le quatrième acte (1).

Vous reprochez à Prusias d'être un père dindon, et vous reprochez à Corneille d'avoir ravalé un roi en lui donnant ce caractère d'imbécillité. Corneille, dans le caractère de Prusias, n'a eu que le tort de se rappeler un peu trop le personnage de roi dans l'ancien théâtre, et Prusias est peut-être le dernier de ces monarques parfois bons, mais en général chargés d'un rôle peu brillant dans la pièce, et dont nous avons des exemples dans Pyrame et Thisbé de Théophile, dans Clitandre et dans le Cid de Corneille. Au lieu de chercher à rabaisser Nicomède, laissons-nous aller au charme des beaux vers qui y fourmillent, et au lieu de déclarer Pertharite une œuvre pitoyable, lisons attentivement la pièce, nous y trouverons encore de fort beaux morceaux, comme nous verrons au chapitre suivant,

(1) Ces vers ont arraché un cri d'admiration à Voltaire.

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Reprenez hautement ce noble caractère;
Un véritable roi n'est ni mari, ni père,
Il regarde son trône et rien de plus, Régnez,
Rome vous craindra plus que vous ne la craignez.

CHAPITRE XXI.

PERTHARITE,

Voici un grand échec subi par Pierre Corneille, l'enfant gâté du succès. Dans un avis au lecteur imprimé en 1653, année de l'unique représentation de cette pièce, c'est avec une amère modestie que le vieillard convient lui-même qu'il est sans doute temps qu'il se retire, que les charmes de ses pièces sont sans doute des charmes surannés; mais au milieu de cet aveu rempli d'hésitation et de doute sur la bonté du jugement public, perce, une certaine conscience de talent, une certaine velléité de se poser contre la foule et de se dire : J'ai pourtant raison, ma pièce est bonne, le peu

ple cette fois-ci me condamne comme les duumvirs; mais j'ai conscience d'avoir fait une bonne chose :

Victrix causa diis placuit, sed victa Catoni.

Aussi Corneille cite-t-il avec soin ses auteurs, Paul Diacre, Erycius Puteanus et son traducteur Antoine du Verdier, et dans son examen de Pertharite, il finit, après avoir examiné les causes de la chute de la pièce, par convenir avec lui-même que les sentimens en sont assez vifs et nobles, les vers assez bien tournés, et que la façon dont le sujet s'explique dans la première scène ne manque pas d'artifice.

Mais on ne se souvint que de la chute de Pertharite, et ceux qui eurent le courage d'en entreprendre la lecture, frappés de quelques vers comme ceux-ci :

Mais quelquefois, madame, avec facilité,

On croit des maris morts qui sont pleins de santé;
Et lorsqu'on se prépare aux seconds hyménées,
On voit par leur retour des venves étonnées.

qui semblent plutôt appartenir à La Fontaine dans sa Matrone d'Éphèse qu'à Corneille dans une tragédie;

Et comme celui-ci :

Et qui veut vivre aimé n'a qu'à vous en conter,

qui semble une épluchure de Boileau ou de Ré

gnier; ceux-là, dis-je, se sont réunis pour déclarer Pertharite une pièce mauvaise en tout point et digne en toute façon d'être ensevelie dans l'onbli: ils ont jeté le livre avec dédain et n'ont point achevé avec attention la lecture de la pièce.

Aussi Voltaire, qui était de ceux-là, déclare-t-il que, malgré l'assertion de Corneille, les vers de Pertharite sont presque tous d'une prose comique rimée plus loin il s'étonne de ce que Corneille tomba si bas, qu'on ne peut supporter ni la conduite, ni les sentimens, ni la diction de plusieurs de ses dernières pièces : il compare ensuite Corneille à Lulli, et finit par déclarer que c'est à regret qu'il imprimerait la pièce de Pertharite, s'il ne croyait y avoir découvert le germe de la belle tragédie d'Andromaque.

Que Pertharite n'ait point réussi, c'est là un fait constant et qu'on ne peut démentir, puisque la pièce n'eut qu'une seule représentation; mais qu'elle soit aussi mauvaise que le parterre du temps et Voltaire l'ont pensé, c'est ce que l'on peut contester. D'abord voici des vers qui ne nous semblent point de la prose comique rimée. C'est Rodelinde qui parle à la scène deuxième du premier acte :

Je ne vous cèle point qu'ayant l'âme royale,
L'amour du sceptre encor me fait votre rivale;
Et que je ne puis voir d'un cœur lâche et soumis,
La sœur de mon époux déshériter mon fils.
Mais que dans mes malheurs jamais je me dispose
A les vouloir finir, m'unissant à leur cause,

A remonter au trône où vont tous mes désirs,
En épousant l'auteur de tous mes déplaisirs !
Non, non, etc.

Si, malgré la parole et donnée et reçue,

Il cessa d'être à vous au moment qu'il m'eut vue,
Aux cendres d'un mari tous mes feux réservés,
Lui rendent les mépris que vous en recevez.

L'idée de ce vers : aux cendres d'un mari, est prise fort heureusement au quatrième livre de l'Enéide. Je prends encore au troisième acte l'arrivée de Pertharite, ce bon mari qui préfère sa femme à un trône, une des causes de la chute de la pièce, si nous en croyons Corneille lui-même, le meilleur juge, quoique dans sa propre cause :

Il est honteux (dit-il) de feindre où l'on peut toutes choses,
Je suis mort, si tu veux, je suis mort, si tu l'oses,

Si toute la vertu peut demeurer d'accord,

Que le droit de régner me rend digne de mort.

Puisque le sort trahit ce droit de ma naissance,
Jusqu'à te faire un don de ma toute-puissance,
Règne sur mes États que le ciel t'a soumis,
Peut-être un autre temps me rendra des amis...
Use cependant mieux de la faveur céleste.....

Si Rodelinde enfin tient ton âme charmée,

Pour voir qui la mérite, il ne faut point d'armée.

Je suis roi, je suis seul; j'en suis maître, et tu peux
Par un illustre effort faire place à tes vœux.

Cet acte troisième finit par un monologue de
Garibalde, où je trouve ces six vers :

Ce funeste retour, malgré tout mon projet,

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