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tant pour les sentimens de piété qui s'y rencontrent que pour la noble et agréable expression des plus solides maximes de la perfection chrétienne. >

Le jour où la traduction de Corneille sera enfin remise en l'honneur qu'elle mérite, les Entretiens solitaires de Brébeuf sortiront aussi de l'oubli dans lequel ils ont été si longtemps plongés. Il faut espérer que ce temps n'est pas loin, et que l'on n'en sera plus réduit, pour trouver de la poésie religieuse, aux éternelles odes-cantiques de J.-B. Rousseau, ce Pindare si glacial, et aux froideurs didactiques de Louis Racine, et que Jean Racine partagera bientôt le supplice glorieux qu'on lui inflige tous les jours en le faisant épeler et anonner par les écoliers de tout âge et en les débitant en pensums de toute sorte.

Des pensées où Corneille a dépassé son modèle, comme dans ces deux vers au chapitre XX :

Tire-moi de la fange où ma chute m'engage,
De ce bourbier, Seigneur, arrache ton image!

Des vers d'une charmante simplicité, tels que ceux-ci, au chapitre XXII :

Quelle était la fortune et de Jean et de Pierre ?

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font de la traduction de l'Imitation une œuvre qui se soutient jusqu'au bout: si l'on y trouve

des longueurs, des barbarismes, des phrases étranges, il ne faut point les supprimer pour cela; sans doute une collection de morceaux choisis serait un bouquet d'une admirable fraîcheur; mais il pourrait pécher contre l'harmonie, et Corneille vaut bien la peine qu'on l'étudie dans ses faiblesses et dans ses défauts.

Nous savons bien que la plupart des commentateurs, à propos de quelques pièces de Corneille, de sa traduction des Psaumes, des hymnes du Bréviaire, du poème de saint Bonaventure et enfin de sa traduction de l'Imitation, s'écrient en chœur qu'ils ne reconnaissent pas le grand Corneille à des enfans si dégénérés de leurs aînés, et si inférieurs à quelques-uns de leurs cadets. Pour eux, le Corneille qui a écrit ces choses, est un autre Corneille que celui du Cid et de Cinna : soit; mais cet autre Corneille, si on l'examine, a souvent une figure aussi noble et aussi hardie que le premier cet autre Corneille semble de plus avoir le don d'être universel: puis il n'est point aussi collet-monté, aussi fier avec ses auditeurs : il passe avec bonheur du madrigal au sonnet et manie avec la même perfection toute espèce de strophe. Le Corneille qu'ils admirent est un, entier, coulé en bronze d'un seul jet, sans fautes: il est si grand qu'il imprime le respect et qu'on n'ose l'aborder; le Corneille que nous examinons et que nous avons à cœur de faire connaître et de défendre, est presque une encyclopédie; à la

satire près, il a réussi dans tous les genres. Il est souvent sévère et grand, parfois enjoué et observateur : il est toujours convenable; mais il semble quelquefois se pencher sur son piédestal et sourire, alors il vous apparaît si bonhomme, si rond et si honnête, que vous prendriez avec bonheur la main qu'il semble vous offrir.

Ce fut pendant que Pierre Corneille, retiré du théâtre, travaillait dans la solitude à traduire l'Imitation de Jésus-Christ, que s'accomplit un des événemens littéraires les plus impatiemment attendus qu'il y ait eu jamais, je veux parler de l'apparition de la Pucelle de Chapelain, si vantée d'avance par les beaux esprits, et dont il fut fait six éditions en dix-huit mois. On dit que la mère de Chapelain désirait à son fils les lauriers de Ronsard, qu'elle avait connu. Son vœu fut exaucé. Tous deux virent leur front ceint de couronnes de laurier pour tous deux ce signe de la victoire se changea en couronne d'épines; et si Ronsard fut honoré jusqu'à la fin de ses jours, les sanglantes épigrammes et les admirables vers de François de Malherbe durent rudement stigmatiser son orgueil. Plus tard ils furent confondus dans la haine de Despréaux, qui déclara Ronsard jugé comme Théophile, et renvoya son langage grécolatin à la nomenclature des plantes.

Boileau maniait si bien la langue française, et ses caustiques harangues sentent l'huile de si loin, que long-temps la postérité n'a pas osé en

appeler des jugemens de l'Aristarque. Et puis, cet homme fier et de rude écorce, a un tel vernis d'austérité et semble si sûr de la justesse de sa critique; il se dévoue si bien à son rôle de bourreau des ignares et des sots, qu'on dit après l'avoir lu: fecit indignatio versum. Mais à force d'indignation et d'habitude flagellante, l'esprit s'aigrit et le jugement se rétrécit. D'ailleurs Despréaux était janséniste, ce qui le portait naturellement à de froids jugemens et à une étroite appréciation des choses. Ses successeurs en critique, sa monnaie, comme on disait des généraux qui remplacèrent Turenne, s'aperçurent enfin de l'injustice réelle qui parfois avait dicté certains vers, et tâcha timidement de réhabiliter certains auteurs maltraités. Chose étrange! le premier auteur réhabilité fut Quinault. L'élève de Tristan, si maltraité de son vivant, devint l'enfant gâté de la critique. Pourtant Quinault méritait en partie la haine de Despréaux. Mais sa manière làche et molle allait trop bien aux bourgeois du dix-huitième siècle pour qu'ils laissassent échapper l'occasion de le remettre en honneur. On se prit aussi à avoir pitié de ce pauvre abbé Cotin; on alla jusqu'à lui trouver du talent et de l'esprit; on oublia que Molière, pour écraser cet abbé galant et madrigalesque, s'était cru obligé de reprendre la satire d'Aristophane. Lui qui ordinairement était de ces honnêtes gens

Qui attachent leur haine au péché seulement,

et qui se contentait d'attaquer corps à corps les travers de son siècle, oublia sa réserve jusqu'à endosser sur la scène un habit de l'abbé Cotin, et mit publiquement au pilori deux de ses madrigaux; mais on négligea son compagnon de malheur, l'abbé Cassaigne, probablement à cause de l'éloge qu'en fait le P. Tournemine dans sa défense du grand Corneille; puis on réhabilita Boursault, qui avait eu le bon sens de se raccommoder avec Molière; on alla même jusqu'à trouver bon poète le fade et filandreux Perrault, et l'on plaignit ce pauvre Pradon, dont on alla jusqu'à lire la Statira et le Régulus. A tout prendre, Saint-Amand méritait la plupart des critiques de Boileau, et Colletet fils allait vraiment crotté jusqu'à l'échine; SainteGarde, Desmarets, Scudéry et le P. Lemoine étaient de plats entrepreneurs de poèmes épiques et de tristes aligneurs d'alexandrins; aussi, presque "tous ces gens-là ont eu des défenseurs. Ronsard même, estimé si barbare long-temps après le jugement de Despréaux, a repris faveur plus récemment, et à l'heure qu'il est beaucoup de gens l'estiment au moins l'égal de son rival Malherbe, et pourtant Boileau avait encore raison d'appeler Ronsard barbare. Mais Théophile, Brébeuf, Chapelain et le grand Corneille sont restés fort longtemps sans vengeurs, et même à l'heure qu'il est personne ne lit la Pucelle, pas plus que la Pharsale ou le Pyrame et Thisbé. Et cependant, s'il fut un homme méconnu de Boileau, ce fut l'auteur

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