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règne du plus grand de ses rois, a fleuri le plus grand de ses poètes. ›

Le jour où Racine dit ces choses, il fut plus grand que le jour où il composa Athalie.

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Oui, je sais qu'entre ceux qui t'adressent leurs veilles,
Parmi les Pelletiers, on compte des Corneilles,

disait Despréaux dans son discours au roi sur la satire. Sans prendre la défense de ce pauvre Pierre du Pelletier dont le métier était de fabriquer des sonnets à la louange de tous les ouvrages nouveaux, et qu'un auteur moderne a fait moine et ami de ce pauvre Claude Petit ou Le Petit, victime de la violence du vent et de sa verve impie, disons de suite que, bien que Corneille sentît plus que tout autre sa valeur littéraire et drama

tique, il faisait bon marché de ses autres pièces : voici comment il s'exprime dans son remercîment au roi, composé à l'occasion de son admission parmi les soixante savans de l'Europe, à qui l'on accorda des gratifications en 1662:

Pour moi, qui de louer n'eut jamais la méthode,
J'ignore encor le ton du sonnet et de l'ode;
Mon génie au théâtre a voulu m'attacher,

Il en a fait mon sort, je dois m'y retrancher;

Partout ailleurs je rampe et ne suis plus moi-même.

C'était bien modeste de la part d'un homme qui faisait suivre ces vers de celui-ci :

Mais là, j'ai quelque nom, là quelquefois on m'aime,

Là, ce même génie ose de temps en temps

Tracer de ton portrait quelques traits éclatans.

Le second vers surtout :

J'ignore encor le ton du sonnet et de l'ode,

reniait quelques poésies puériles, fleurs tombées de la plume du grand Corneille et dont le parfum a toute la vigueur habituelle à celui qui les créa. Je veux parler du sonnet à maître Adam Billaut, de l'épitaphe en sonnet de damoiselle Élisabeth Ranquet et de quelques autres pièces; mais je dois d'abord parler des poèmes de notre héros sur les victoires du roi.

Le père Charles de La Rue, jésuite, avait fait un poème latin sur les victoires du roi, en l'an

née 1667, intitulé: Regi Epinicion. Pierre Corneille ayant lu ces vers latins qui sont vraiment fort beaux, les traduisit, non pas si fidèlement, comme il le dit lui-même dans la préface, qu'il ne soit enhardi plus d'une fois à étendre ou resserrer les pensées, donnant pour raison la diversité du génie de la langue et prenant cette liberté, afin que ce qui est excellent en latin ne devînt pas insupportable en français. » La pièce de Corneille fut bientôt connue et répandue partout, tandis que l'original demeurait enseveli dans la poussière du collége. Aussi dans un avis au lecteur, imprimé cette même année 1667, Corneille a-t-il soin de prévenir le public. « Quelque favorable accueil que Sa Majesté ait daigné faire à cet ouvrage, et quelque applaudissement que la cour lui ait prodigué, je n'en dois pas faire grande vanité puisque je n'en suis que le traducteur....... Le public m'aura du moins l'obligation d'avoir déterré ce trésor qui, sans moi, serait demeuré enseveli dans la poussière d'un collége, et j'ai été bien aise de pouvoir donner par là quelque marque de reconnaissance aux soins que les PP. jésuites ont pris d'instruire ma jeunesse et celle de mes enfans, et à l'amitié particulière dont m'honore l'auteur de ce panégyrique. >

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La pièce de Corneille renferme de fort beaux vers, dont un est la traduction de la fameuse devise de Louis XIV indiquée dans deux vers de

l'original du P. de La Rue, unicus uni nec pluribus impar: voici le vers de Corneille :

Unique dans le monde et qui suffit à tous.

La réputation qu'eut cette pièce de vers et la conduite aussi modeste que généreuse de Corneille en indiquant l'original dans sa préface, lui valut une fort belle épître en vers latins du P. de La Rue, intitulée : Ad clarissimum virum Petrum Cornelium tragicorum principem (1).

Les vers du P. de La Rue sont vraiment fort beaux, et le maître ne fut point en retour de reconnaissance avec l'élève. Il prend Corneille pour son maître en l'art des vers et lui donne le titre de son protecteur sur le Parnasse. La pièce finit par une longue énumération des titres que Corneille a acquis à la gloire. Comme je l'ai dit, la pièce entière est fort belle et les vers ont une éloquence et une pureté toute virgilienne. Mais je ne puis résister d'en citer un passage vraiment remarquable et qui eût fait honneur à un poète latin du temps d'Auguste.

Il s'agit de l'état de la tragédie en France quand apparut Corneille :

Scilicit exæsá divinâ tragœdia pallâ

Annorumque situ et rugâ deformis anili

Squalebat tristi noctis demersa barathro,

(1) Caroli de La Rue, Societatis Jesu Idyllæ, Parisiis, M DC LXXII, p, 3 et seq.

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