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du soldat qui présente les armes à son supé

rieur.

Je ne parlerai point de quelques pièces faites pour des mascarades, ni de deux chansons, dont l'une parle de maîtresse et d'amour, avec la brutalité d'un homme qui chante ou méprise le vin, tout en ayant bu de l'eau toute sa vie : je ne m'arréterai pas non plus sur quelques sonnets qu'il fit en divers temps de sa vie, comme celui qu'il fit à la reine dans la dédicace de Polyeucte, en 1653, ou de celui qui fut imprimé, en 1674, dans le Mercure Galant sur la prise de Maestricht. Il en écrivit un aussi dans l'approbation du Parnasse, mise en tête des Chevilles de Maître Adam Billaut. Ce sonnet, qui se trouve confondu dans un tas d'autres de tous les poètes connus ou ignorés du temps, et qui coudoie toutes sortes de calembourgs tirés du métier de menuisier arrangés en forme de louange pour Maître Adam Billaut, est remarquable par son allure franche, noble, belle, simple et calme. La poésie en est une et soutenue jusqu'à la fin. Mais le meilleur de tous, sans contredit, est celui qu'il fit pour l'épitaphe de damoiselle Élisabeth Ranquet, femme de monsieur du Chevreul, écuyer, sieur d'Esturnville. C'était alors la mode de ces sortes d'épitaphes, témoin le fameux sonnet de Malherbe, plus Mars que Mars de la Thrace. Au reste, aucun des deux n'ont été inscrits sur la tombe de leur héros. Les religieux de Saint-Denis, au dire de Segrais, qui prétend l'a

voir entendu dire à M. le duc d'Orléans, Gaston de France, refusèrent de mettre le sonnet de Malherbe sur le tombeau du duc d'Orléans, à cause de Mars, divinité païenne. Quant à l'épitaphe de Corneille, on la trouve dans la vie de la bienheureuse damoiselle Élisabeth Ranquet, imprimée pour la première fois en 1655, et pour la seconde fois, en 1660, chez Charles Savreux. Nous verrons bientôt Corneille en parallèle avec Malherbe, dans la traduction des psaumes huit et cent vingt-huit; en attendant, on peut comparer le sonnet de Corneille à ceux de Malherbe, pour servir d'épitaphe à feu Mgr le duc d'Orléans, et à celui fait pour l'épitaphe de mademoiselle de Conti, Marie de Bourbon; enfin, à celui qu'on lui fait faussement faire pour l'épitaphe de sa femme, et qui commence ainsi :

Celle qu'avait hymen, etc.,

et qu'il a fait au nom de M. Puget, depuis évêque de Marseille. Nous avons vu que Corneille ne le cédait en rien à Despréaux dans le passage du Rhin, et je crois que ce sonnet peut dignement soutenir le parallèle avec ceux de Malherbe; le voici :

Ne verse point de pleurs sur cette sépulture,
Passant; ce lit funèbre est un lit précieux,
Où gît d'un corps tout pur la cendre toute pure,
Mais le zèle du cœur vit encore en ces lieux.

Avant que de payer le droit à la nature,

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HISTOIRE DE P. CORNEILLE.

Son âme, se levant au-delà de ses yeux,
Avait au Créateur uni la créature:

En marchant sur la terre elle était dans les cieux.

Les pauvres bien mieux qu'elle ont senti sa richesse;
L'humilité, la peine étaient son allégresse,

Et son dernier soupir fut un soupir d'amour.

Passant, qu'à son exemple un beau feu te transporte,
Et loin de la pleurer d'avoir perdu le jour,

Crois qu'on ne meurt jamais quand on meurt de la sorte.

Cette citation nous fera passer naturellement à l'examen des poésies sacrées de Pierre Corneille.

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La traduction de l'Imitation de Jésus-Christ n'est point le seul blâme sur lequel Charpentier eût pu broder sa fable absurde, et il eût pu tout aussi bien attribuer à des pénitences de confession la traduction d'un poème de saint Bonaventure, en l'honneur de la sainte Vierge, la version des hymnes de saint Victor et la traduction de quelques psaumes de David. Cela eût encore, comme nous l'avons dit, prouvé que Çorneille allait souvent à

confesse et faisait ses pénitences en conscience. Dans une préface au lecteur, mise au devant de la traduction du poème de saint Bonaventure, il prend, du reste, soin de nous informer lui-même pourquoi il a traduit ce petit ouvrage.

La pièce que je traduis, dit-il, n'a pas l'élévation d'un docteur de l'Église; mais elle a la simplicité d'un saint, et sent assez le zèle de son siècle (1).

Et plus loin:

Si ce coup d'essai ne déplaît pas, il m'enhardira à donner de temps en temps au public des ouvrages de cette nature, pour satisfaire en quelque sorte à l'obligation que nous avons tous d'employer à la gloire de Dieu du moins une partie des talens que nous en avons reçus. Je suis si peu versé dans la théologie et dans la dévotion, que je n'ose me fier à moi-même quand il en faut parler. Je les regarde comme des routes inconnues, où je m'égarerais aisément, si je ne m'assurais de bons guides, et ce n'est pas sans beaucoup de confusion que je me sens un esprit si fécond pour les choses du monde et si stérile pour celles de Dieu. Peut-être l'a-t-il ainsi voulu pour me donner d'autant plus de quoi m'humilier devant lui et rabattre cette vanité si naturelle à ceux qui se mêlent d'écrire quand ils ont eu quelques succès avantageux. ›

(1) Corneille, qui traduisait Santeuil, ne semble-t-il pas avoir deviné la beauté et la simplicité des hymnes du Bréviaire Romain?

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