ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

pourra

que

véritable solution de la question, et l'on ne du moins nier la compétence du juge. La seconde utilité du poème dramatique, dit Corneille, se rencontre en la naïve peinture des vices et des vertus qui ne manque jamais à faire son effet quand elle est bien achevée et les traits en sont si reconnaissables, qu'on ne les peut confondre l'un dans l'autre, ni prendre le vice pour vertu. Celle-ci se fait alors toujours aimer, quoique malheureuse, et celui-là se fait toujours haïr, bien que triomphant. Les anciens se sont fort souvent contentés de cette peinture sans se mettre en peine de faire récompenser les bonnes actions et punir les mauvaises....... Notre théâtre souffre difficilement de pareils sujets....... C'est cet intérêt qu'on aime à prendre pour les vertueux qui a obligé d'en venir à cette autre manière de finir le poème dramatique par la punition des mauvaises actions et par la récompense des bonnes....... En effet, il est certain que nous ne saurions voir un honnête homme sur notre théâtre sans lui souhaiter de la prospérité et nous fâcher de ses infortunes. Cela fait que quand il en demeure accablé, nous sortons avec chagrin et remportons une espèce d'indignation contre l'auteur et les acteurs. Mais quand l'événement remplit nos souhaits, et que la vertu y est couronnée, nous sortons avec pleine joie et remportons une entière satisfaction et de l'ouvrage et de ceux qui l'ont représenté. Le succès heureux de

la vertu, en dépit des traverses et des périls, nous excite à l'embrasser, et le succès funeste du crime ou de l'injustice est capable de nous en augmenter l'horreur naturelle par l'appréhension d'un malheur. >

Les autres utilités dramatiques sont expliquées à leur tour dans ces discours. Le but moral que doit se proposer l'auteur, et l'impression qu'il doit faire sur les spectateurs, y sont détaillés fort au long, et cela en prose fort nette et fort belle; car il ne faudrait nullement juger du style de Corneille par son discours académique. A notre sens, sa prose est généralement d'une pureté insigne, et si Racine et Boileau sont d'admirables exemples de prose française dans leurs lettres et divers autres ouvrages, Corneille ne leur cède en rien dans ses trois discours. On raconte, pour prouver avec quel soin Despréaux composait la prose, qu'il put réciter de mémoire tout le dialogue des héros de romans qu'il avait composé. Certes alors les phrases, les mots et les syllabes avaient été de sa part l'objet d'une discussion préliminaire bien minutieuse... Mais je doute qu'il ait produit un morceau plus achevé que ne l'est la lettre dédicatoire qu'envoya Corneille au pape, en l'accompagnant de la traduction de l'Imitation de Jésus-Christ, et dont nous avons parlé à notre chapitre sur cet excellent ouvrage..

CHAPITRE XXXVI.

[DERNIÈRES ANNÉES DE PIERRE) CORNEILLE.

Après Suréna, comme nous l'avons vu, Pierre Corneille se retira du théâtre : Suréna avait été représenté en 1674, et le grand homme avait alors soixante-huit ans. En jetant un regard sur sa vie passée, sur cette longue suite de victoires, le grand Corneille ne pouvait guère trouver de fautes notables à se reprocher; quelques mouvemens d'orgueil bien légitimes, deux ou trois accès de flatterie intempestive qui ne firent après tout de mal à personne, sont les seules taches l'on que peut trouver dans la vie privée de ce grand homme. Aussi, attendait-il la mort avec ce calme et cette

force d'âme que peut seul avoir le juste au móment suprême. Il avait confiance en la miséricorde de Dieu, qu'il n'avait jamais renié, et il aimait à attribuer cette heureuse persévérance à l'excellente éducation qu'il avait reçue chez les jésuites et aux rapports qu'il avait conservés avec ses anciens maîtres. Ne disait-il pas, en 1668, au P. Delidel :

Je suis to n disciple, et peut-être
Que l'heureux éclat de mes vers
Eblouit assez l'univers

maître.

Pour faire peu de honte au
Par une plus sainte leçon
Tu m'apprends de quelle façon
Au vice on doit faire la guerre.

Puissé-je en user encor mieux,

Et comme je te dois ma gloire sur la terre,
Puissé-je te devoir un jour celle des cieux!

Corneille avait trois fils, comme le témoigne une pièce dont nous avons parlé au chapitre des pièces fugitives; le cadet fut tué vers 1676, l'aîné devint gentilhomme ordinaire et le jeune fut fait abbé d'Aiguevive. Nous avons vu aussi, et c'est une chose si admirable qu'elle a passé à la postérité, et que le récit en est populaire, comment les frères Corneille vivaient ensemble sans partager leur bien, et quelle union intime existait entre les deux familles. Thomas, alors âgé de près de cinquante ans, continuait toujours à user de cette fécondité qui le rendit aussi productif que Rotrou, et qui lui fit dépasser

le chiffre des pièces de son aîné, pour donner presque tous les ans une nouvelle pièce au théâtre. C'est ainsi que le comte d'Essex, qui rappela les beaux jours de Timocrate et d'Ariane, et sur lequel Voltaire a encore daigné faire des remarques, est de 1678. Une seule chose eût pu désunir les deux frères, et il fallait une union aussi intime, une amitié aussi admirable que celle des deux frères Corneille, pour résister à une pareille épreuve.

Nous avons dit que le père des deux Corneille avait été ennobli par lettres patentes du roi Louis XIII, comme récompense de bons et loyaux services qu'il lui avait rendus en sa qualité de maître ès-eaux et forêts; mais nulle part l'histoire ne nous apprend que le roi ait permis à son fidèle sujet d'ajouter aucun nom à celui de Corneille, qu'il avait reçu de ses ancêtres (1). Cependant Thomas, par une vanité aussi mal placée que peu intelligente, ne se contentant pas du beau titre de noblesse que la renommée de son frère et ses propres travaux avaient donné à sa famille, prit le titre de Thomas Corneille, écuyer, sieur de l'Isle. Molière, à qui les ridicules ne pouvaient échapper, et qui ne faisait pas grâce aux ridicules, s'était beaucoup moqué de cette absurde prétention. Le grand Corneille, qui certes plus que

(1) Seul de tous les historiens, Thomas Corneille, dans son Dictionnaire géographique, prétend que son père fut ennobli en 1636, et le Cid n'y fut point étranger. - Et le cardinal? que

« ÀÌÀü°è¼Ó »