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composé de deux interminables monologues, eut un si prodigieux succès que tout le monde voulait la savoir par cœur. On y trouve parfois des vers d'une grâce charmante. Quant aux métaphores de mauvais goût, il fallait être Corneille pour secouer le joug de son siècle, et encore, dans certaines pièces du grand homme, le goût s'est-il parfois trouvé compromis.

On attribue encore à Théophile, outre une part assez grande dans la Sophonisbe de son ami Mairet, une tragédie de Pasiphaë.

Outre deux bergeries, François Bernier de la Brousse composa deux tragédies intitulées, l'une l'Embryon Romain, et l'autre, les Heureuses infortunes.

Les deux bergeries ne manquent pas de certaine beauté de style et sont même traitées avec assez de délicatesse. Mais les descriptions rappellent malheureusement trop souvent la manière de faire de Piron et ses sujets favoris, moins la littérature blafarde de ce dernier.

L'Embryon Romain est en effet un embryon de tragédie romaine, embryon informe et d'un style grossier. Mais rien de semblable aux Heureuses infortunes, n'a jamais été mis sur le théâtre. Qu'on se figure, avec d'autres noms, l'histoire d'OEdipe, commettant sciemment son inceste, et qui, pour comble d'horreur, abuserait de sa fille Antigone : après cinq actes de forfaits semblables la pièce

finit, et l'auteur, comme satisfait de ses premières armes, se met sur nouveaux frais à composer cinq autres actes où il fait passer une princesse par toutes les vicissitudes du monde, et il ne manque pas de la faire aller où Pierre Troterel avait déjà conduit sa sainte Agnès. On ne saurait concevoir que de telles choses aient été écrites et tolérées dans un temps où Théophile passa deux ans en prison et fut brûlé en effigie, pour avoir fait de mauvais livres.

Sous le nom de tragédies et histoires saintes de Jean Boissin de Gallardon, se trouvent imprimées en 1618, la Perséenne, la Fatale, les Urnes Vivantes, le Martyre de saint Vincent et le Martyre de sainte Catherine.

Les trois premières n'ont rien qui puisse justifier leur titre de saintes, et même les héros qu'elles mettent en scène n'ont aucun sentiment de leur dignité. Persée et Andromède, dans la première, se disputent un baiser, comme pourraient le faire une Marinette et un Gros-Réné, et dans les Urnes Vivantes, Phélidon et Polibelle se disent les adieux et les bonjours les plus libres. Quant aux deux dernières, ce sont des espèces de mystères. On y voit des anges, des animaux savans, etc..... Le roi, après avoir condamné saint Vincent à être grillé et avoir ordonné qu'on livrât son corps aux bêtes après sa mort, fait d'agréables plaisanteries sur le rôti que ces animaux devront trouver cuit a point, et la pièce finit par un combat que se

livrent, sur le corps du saint, un corbeau, un lion et un loup.

C'est aussi la date de 1618 que porte la première pièce de Pierre du Ryer, qui se trouva plusieurs fois le rival de Corneille, et dont la vie est si intéressante. Cette première pièce, assez mal faite, fut pourtant reçue avec un tel applaudissement, que M. le duc d'Orléans l'appelait sa pièce.

De là, jusqu'à l'apparition de la Mélite de Corneille, peu de pièces remarquables parurent : c'est toujours la même médiocrité et la même indécence. Sous la date de 1619, Gilbert Giboin fit imprimer deux tragi-comédies en cinq actes: l'une, sur les Amours de Philandre et de Marisée, et l'autre, sur les Amours du seigneur Alexandre et d'Annette.

En 1620, toujours des amours avec Coignée de Bourron qui, outre la pastorale d'Iris, composa les Amours d'Angélique et de Médor, tirée de l'Arioste, en cinq actes et en vers; avec de La Tour une espèce de bergerie héroïque, intitulée Isolite ou l'Amante courageuse, et une tragédie pastorale, intitulée Lycoris ou l'Heureux berger, avec Basire d'Amblainville. Tout cela est empreint de la plus singulière morale et, des réflexions les plus intempestives.

Le théâtre ne fut pas beaucoup plus heureux avec la tragédie des Amours de Zerbin et d'Isabelle, princesse fuitive, imprimée en 1621, sans nom

d'auteur, et avec les Amours de Dalcméon et de Flore, imprimés la même année, et dont l'auteur est Étienne Bellone. Cette dernière pièce est une rapsodie sanglante, qui finit par une ordonnance d'inhumation.

En 1622, fut imprimée une sorte de pièce politique, intitulée la tragédie des Rebelles, et en 1623, une tragédie extraite de l'Arioste, intitulée Madonthe, et dont l'auteur est Pierre Cottignon.

Toutes ces pièces ne valent pas mieux que l'étrange composition imprimée en 1625, intitulée Antioche, ou le Martyre des enfans machabéens, et dont l'auteur est Pierre-Jean-Baptiste Le Francq, religieux, et dans laquelle se trouvent mêlés, la prose et les vers, la fable et l'histoire, des chœurs, de la musique et des ballets, le tout parlant un langage peu digne du sujet.

Beaucoup de commentateurs placent la première représentation de Mélite en 1625 Corneille alors n'avait pas encore vingt ans, et quand bien même Mélite n'eût été représentée qu'en 1628, la différence de cette pièce avec les contemporaines est inouïe. Un seul auteur, digne de remarque, doit encore nous occuper avant le grand Corneille je veux parler du marquis de Racan, dont les Bergeries furent imprimées en 1625. Bien que les Bergeries ne soient point, à proprement parler, un ouvrage de théâtre, vu la longueur des monologues, qui sont autant d'élé

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HISTOIRE DE P. CORNEILLE.

gies, et la profusion des idylles qui entrent dans le cours du poème, néanmoins, l'élève de Malherbe avait tant de grâce et de naïveté dans ses vers, que la pièce eut un fort grand succès. Les critiques du temps admirèrent un style si pur, et une simplicité pastorale, rappelant souvent Daphnis et Chloé ; l'on pardonna à l'auteur le peu d'intérêt qu'il y avait dans sa pièce, et Boileau, d'ordinaire si sévère, disait encore dans sa neuvième satire :

Racan pourrait chanter à défaut d'un Homère.

Et au premier chant de son art poétique :

Malherbe d'un héros peut chanter les exploits,
Racan chanter Phyllis, les bergers et les bois.

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