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plus élevé, mais qui ne vaudrait rien du tout, en quoi je réussis parfaitement. ›

Pour expliquer cette boutade du grand Corneille et cette pièce faite ridicule à plaisir, il faut se reporter au temps où la pièce fut écrite. Mélite n'avait donné aucun essor à la comédie, et les auteurs continuaient à entasser à qui mieux mieux folies sur folies, absurdités sur absurdités.

Pour en donner une idée, jetons les yeux sur les pièces de théatre-alors en vogue auprès du public et même des gens de lettres les plus estimés.

En cette même année 1632, où fut représenté Clitandre, furent imprimées chez Claude Collet deux tragi-comédies d'un certain Richemont Banchereau, avocat au parlement.

La première est intitulée l'Espérance glorieuse, la seconde, intitulée les Passions égarées, est dédiée au comte de Fiesque, un Mécène du temps, sur qui l'abbé d'Aubignac s'appuyait encore pour marier sa Zénobie à Cinna.

S'il y a quelque chose de plus fou et de plus indécent que l'Espérance glorieuse, c'est certainement la tragi-comédie des Passions égarées. C'est un absurde imbroglio arrangé de façon à ce que

Nec pes, nec caput uni
Reddatur formæ.

Les positions les moins équivoques et les plus obscènes y fourmillent. On se croirait revenu au

temps de Troterel, sieur d'Aves, moins le style que le Falaisien avait beaucoup meilleur. Lisons plutôt quelques vers de cette tragédie.

Aronte est un vieillard amoureux de Céliante, à qui il fait une déclaration : cette vierge modeste lui répond par une longue tirade de vers dont voici quelques uns :

Un peu de crin blanchi d'âge et non de raison,
Collé dessus un os accueilli de poison,
Où mille vermisseaux ont déjà fait un siége,
Qui sert à l'odorat de poison et de piége;
Un parchemin rouillé qui fut autrefois front,
Lorsqu'on pouvoit encore y tracer un affront...
Deux cavernes de cire où je fais un serment
Que vous en faites trop pour votre enterrement...
Un corps qui passeroit pour l'ombre d'un atome
Si l'on lui déroboit le titre de fantome...

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...

... Enfin vos cheveux gris, vos yeux cavés en tête,
Vos os pareils à ceux de quelque vieille bête,
Demandent bien plutôt quelque prompt monument
Que de vous arrêter à me voir seulement.

Si maintenant nous passons de cet échantillon de la pièce aux éloges dont fut couvert l'auteur, notre étonnement doit encore être bien plus grand en voyant des auteurs tels que Racan, Mairet, Desfontaines et Gombaud, lui prodiguer les louanges les plus outrées. Voici les vers de Gombaud :

Oh! que je vois d'appas dedans tes Passions,
Et que ces belles fictions

Que ta plume nous a tracées

Si doucement flattent l'esprit,

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Que je ferois serment qu'un ange les écrit,

Et que l'amour lui seul en trouve les pensées.

Dans la même année, Duguast imprima un Palémon et une Niobé, d'un nommé Fénicle, conseiller du roi et général de la cour des Monnaies. Le Palémon est une imitation du Pastor fido, et, comme pendant, Fénicle imagina une Fidèle bergère en cinq actes et en vers, avec chœurs, prologue, préface et argument. Tout cela est alambiqué, distillé, italien; mais, comme au demeurant le style en est bon et que les situations n'ont rien de trop ridicule, on n'adressa point d'éloges à l'auteur, et la fabrique de sonnets et madrigaux ne battit point monnaie pour lui.

En revanche, les éloges les plus flatteurs se lisent en tête de la Dorimène, tragi-comédie en cinq actes et en vers, qu'imprima en la même année 1632, Cardin Besongne, l'éditeur des Soupirs amoureux de Berthelot, libraire au palais, au haut des degrés de la Sainte-Chapelle, à l'enseigne des Roses vermeilles. Aussi est-ce une des plus plates rapsodies qu'on ait jamais faites : voici les quatre derniers vers d'une plainte que l'amoureux Tyrcis décoche à Dorimène :

Sus donc, ô beau soleil, qui ravissez mon âme,
Sortez de l'Océan pour montrer vos clartés,
Et vous verrez bientôt un rayon de ma flamme
Monter dedans le ciel pour joindre vos beautés.

Si les Passions égarées de Banchereau avaient

reporté aux temps des comédies licencieuses de Pierre Troterel, le Mercier inventif, d'un auteur inconnu, chez Nicolas Oudot, 1632, ramène la scène au temps de Gautier Garguille, et n'a de pendant pour la licence que les comédies d'Aristophane et les Gasconnades que l'on représentait à Béziers le jour de l'Ascension.

On ne saurait imaginer rien de plus bizarre et de plus extravagant que la pastorale de L. de la Charnais, qui porte aussi la date 1632, avec le nom de l'éditeur Toussaint Dubray : le titre seul est aussi embrouillé et aussi vantard que l'annonce d'un montreur de géans ou d'animaux féroces. Voici le style d'une déclaration faite à un vieux sorcier par un des héros de la pièce; un enchantement lui fait prendre le sorcier pour une femme, et il lui dit,

Vos grâces, vos attraits, vos appas et vos charmes,
Exercent leur pouvoir jusques dessous mes armes.
Vos grâees, vos attraits, vos charmes, vos appas,
Font naître à tout moment des fleurs dessous mes pas;
Vos charmes, vos attraits, vos appas et vos grâces,
Laissent dessus mon cœur de favorables traces;
Vos grâces, vos appas, vos charmes, vos attraits,
Jettent dedans mon sein des invisibles traits.

A côté de ces pièces ridicules et échafaudées à si grands frais de charpente, qu'on dirait les appareils de Fontana pour dresser les obélisques de Rome, ou le luxe du bois qui se cache derrière le feu d'artifice d'une réjouissance publique, nous

trouvons des pièces morales, religieuses même, mais de l'ennui le plus profond. Une allégorie de Nicolas de Grouchy, sur les amours de Théoys (Fils de Dieu) et de Carite (la grâce), imprimée en 1632, et dédiée au cardinal de Richelieu, n'a pas pas moins de dix poèmes dramatiques en cinq actes, d'une enflure insupportable et d'un style allégorico-filandreux dont il faut renoncer à donner une idée, sous peine de provoquer un bâillement prolongé. Tous les noms y sont allégoriques et, comme dans la nomenclature des plantes, il faut savoir le grec pour soulever le voile de mille assemblages barbares de voyelles et de consonnes; ou bien c'est encore le chaos inextricable des Aventures de Policandre et de Basolie, de Du Vieuget, ou les traductions de Vion-Dalibray, qui mit en scène l'Amour, les Pleurs, la Jalousie, les Soupirs, Sémiramis, Cléopâtre, etc., ou bien le Ravissement de Florise, de Cormeil, rapsodie mêlée de dieux de la fable et de sibylles: la Lismène de G. de Corte nous ramène aux pastorales et aux plaisirs champêtres qu'un berger vante en un nombre considérable de vers dont voici quelques

uns:

Nous voyons les troupeaux descendre d'une butte,
Avec leur conducteur qui joue d'une flute,
Et les petits bergers, derrière les buissons,
Chantent à leur patois de plaisantes chansons, etc.

Indécence et extravagance ou froideur et ennui,

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