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quer la mort d'un pape ou d'un empereur: tout cela fans liaifons οι par des tranfitions forcées. Il vaut bien mieux anticiper quelques années ou y remonter, pour reprendre un fait important dès fon origine, & le conduire jufques à la fin. Le meilleur ordre eft celui qui conduit l'efprit le plus naturellement, pour entendre les chofes & les retenir; & l'on remedie à la confufion en marquant les dates.

Mais il eft de la bonne foi de ne les marquer que quand on les fçait; & il n'eft pas du devoir d'un hiftorien de paffer fa vie à les rechercher. Cependant l'émulation des fçavans du dernier fiecle a pouffé la chronologie à une telle exactitude, que la vie de Noé n'y fuffiroit pas. I faudroit calculer exactement toutes les éclipfes dont on a connoiffance, & fixer leurs places. dans la periode Julienne. Sçavoir les époques. de toutes les nations, leurs differentes efpeces d'années & de mois, & en faire la réduction à la nôtre examiner toutes les infcriptions des marbres antiques & des médailles : corriger les faftes confulaires : conferer toutes les dattes qui fe trouvent dans les hiftoriens; & quand on defcend plus bas, venir aux cartulaires & aux titres particuliers. Quand finiront ces recherches & comment s'affurera-t'on de ne s'être point mécompté ? Encore peut-on les fouffrir dans des faits dont il importe de fçavoir le tems: mais combien y en a-t'il qui ne font d'aucune confequence? combien de difputes fur le fens d'une infcription ou fur l'occafion d'une médaille, qui au fonds ne nous apprend rien : pour fçavois l'âge d'un empereur, le jour précis de famort, d'autres faits femblables, dont on ne veut rien conclure, finon que Baronius ou Scaliger fe font trompez. N'eft-ce point là ce que faint Paul appelle languir après des queftions,

qui ne produisent que des jaloufies & des querelles? On retient bien plus les faits que les da tes: dans nôtre propre vie fouvent nous nous fouvenons d'avoir fait ou dit telle chofe, en tel lieu, avec telle perfonne, en telle faifon; fans nous fouvenir du jour ni de l'année. La plûpart des hiftoriens, & fur tout les hiftoriens fatrez ont écrit ainfi, & n'ont marqué les téms que quand ils étoient néceffaires, comme les dates des propheties. Il importe pour la fuite de la tradition de fçavoir la fucceffion continue des papes & des autres évêques des fieges apoftoliques: auffi les anciens nous l'ont-ils fidele ment confervée. Mais il eft impoffible de fçavoir la durée de chaque pape pendant les deut premiers fiecles; & quand on la fçauroit, l'utilité en feroit petites puifqu'on ne fçait prefque rien de leurs actions.

Voilà les raifons qui m'ont empêché de m'enz foncer dans les recherches de chronologie, afin d'avoir plus de teins pour examiner la fubftance des faits & les mettre en évidence. Je me fuis fervi du travail de ceux qui m'ont precedé fans toutefois les fuivre aveuglement : j'ai mar qué les dates qui m'ont paru folidement éta blies; je n'en ai point mis aux faits dont je n'ai point trouvé le tems certain, & je les ai placez dans les intervalles les plus vrai-femblables: toûjours prêt à corriger mes fautes quand je les aurai reconnues. J'ai fuivi les mêmes regles pour la geographie; je m'en fuis rapporté à ceux qui en ont fait une étude particuliere. Mais j'ai foigneufement obfervé de nommer les lieux conformément à l'ufage de chaque tems. Pendant ces premiers fiecles, je dis toujours la Gaule, la Germanie, la Grand'Bretagne, la Lufitanie. Il me femble que c'est faire un anachronisme de parler autrement; & de

nommer France ou Angleterre les pays où les Francs & les Anglois n'étoient pas encore. J'ai été plus embarraffé pour la traduction des noms propres, qui ne font pas familiers en nôtre lanque; & j'ai mieux aimé pour la plupart les laiffer entiers, comme on les prononce en grec & en latin, que de les trop défigurer, ou en rendre la prononciation incommode. Quant aux noms de dignitez & de fonctions, ou de certaines chofes qui regardent les mœurs, je les ai fouvent laiffez dans leur langue originale: les expliquant par circonlocution, plutôt que de les rendre par les mots qui fignifient parmi nous des chofes aprochantes, mais qui tiennent trop de nos mœurs. Ainfi je ne dis point un colonel, mais un tribun, je dis des licteurs plûtôt que des fergens : je ne parle ni de gentilshomines, ni de bourgeois; mais de nobles, de citoyens, d'esclaves; enfin je conferve le caractere des mœurs antiques autant que notre langue le peut fouffrir, & peut-être avec un peu trop de hardieffe.

En general j'ai moins fait d'attention à l'éxactitude du ftile qu'au fond des chofes, & j'efpere que le lecteur équitable prendra le même efprit; qu'il ne cherchera dans l'histoire ecclefaftique que ce qui y eft; & qu'il s'appliquera plûtôt à en profiter, qu'à la critiquer. Quelques-uns trouvent mauvais que l'hiftoire, ne dife pas tout. Pourquoi, difent-ils,

avons

nous fi peu de chofe des apôtres; de leurs premiers difciples, des premiers papes? pourquoi les anciens ne nous ont-ils pas expliqué plus en détail les cérémonies, la difcipline & la police des églifes, les dogmes même de la religion C'étoit la plainte des Centuriateurs Tem 1. aveugles, qui ne voyoient pas que ces plaintes attaquent la providence divine & la pro

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mefle de J. C. d'affifter perpetuellement fon églife! Adorons avec un profond refpect la conduite de la fageffe incarnée, fans rien défirer au de-là de ce qu'il lui a plû de nous donner. C'eft fans doute par de très-folides raifons que J. C. lui même n'a rien écrit, & que fes apôtres ont écrit fi peu. Il y en a fept dont nous n'avons pas un mot, & plufieurs dont nous ne fçavons que les noms. Mais ce que les actes nous racontent de faint Pierre & de faint Paul fuffic Four nous faire juger des autres. Nous y voyons comment ils prêchoient aux Juifs, aux gentils, aux ignorans, aux fçavans; leurs miracles leurs fouffrances, leurs vertus. Quand nous fçaurions le même détail des actions de faint Barthelemi ou de faint Thomas nous n'en tirerions pas d'autres inftructions: la curiofité feulement feroit plus fatisfaite, mais elle eft de ces paffions que l'évangile nous apprend à mortifier. Au contraire le filence des apôtres eft d'une grande inftruction pour nous. Rien ne prouve mieux qu'ils ne cherchoient point leur propre gloire, que le peu de foin qu'ils ont pris de conferver dans la mémoire des hommes les grandes chofes qu'ils ont faites. Il fuffifoit pour la gloire de Dieu & pour l'inftruction de la pofterité qu'une petite partie fût connuë: l'oubli qui enfevelit le refte eft plus avantageux aux apôtres que toutes les hiftoires, puifqu'il ne laiffe pas d'être conftant, qu'ils avoient converti des peuples innombrables. Tant d'églifes, que nous voyons dès le fecond fiécle dans tous les pays du monde, ne s'étoient pas formées toutes feules; & ce n'étoit pas par hazard, qu'elles confervoient toutes la même doctrine & la même difcipline. La meilleure preuve de la fagcffe des architectes & du travail des ouvriers eft la grandeur & la folidité des édifices.

Ex fcript. elest. n. 27.

Les difciples des apôtres fuivirent leurs ma→ ximes: S. Clement Alexandrin fi proche de leur tems en rend ce témoignage remarquable: Les anciens n'écrivoient point, pour ne fe pas détourner du foin d'enfeigner, ni employer à écrire le tems de méditer ce qu'ils devoient dire. Peut-être auffi ne croyoient-ils pas que le même naturel pût réüffir en l'un & en l'autre genre. Car la parole coule facilement & enleve promptement l'auditeur: mais l'écrit eft expofé à l'examen rigoureux des lecteurs. L'écrit fert à affurer la doctrine, faifant paffer à la pofterité la tradition des anciens: mais comme de plufieurs matieres l'aiman n'attire que le fer: ainfi de plufieurs lecteurs les livres n'at tirent que ceux qui font capables de les entendre. Ce font les paroles de S. Clement. Il faut avouer toutefois que nous avons perdu un grand nombre d'anciens écrits. Sans compter ceux dont Eufebe & les autres font mention expreffe, on ne peut douter que les évêques des grands. fieges & les papes en particulier n'écriviffent fouvent des lettres fur diverfes confultations: on en peut juger par celles du pape faint Corneille, que faint Cyprien & Eufebe nous ont confervées, & par celles du pape faint Jules, au fujet de faint Athanafe. Mais la perte de tant d'écrits fi précieux n'eft pas arrivée fans cette même providence, fans laquelle un paffereau ne tombe pas à terre.

Laiffant donc les vains défirs, appliquonsnous à profiter de ce qui nous refte: confiderons dans toute la fuite de l'hiftoire ecclefiaftique la doctrine, la difcipline, les mœurs. Ce ne font point ici des raifonnemens ni de belles idées, ce font des faits pofitifs, qui n'en font pas moins vrais; foit qu'on les croye ou non qu'on les étudie ou qu'on les néglige. On voit

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