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I.

nifme.

Iren. l. 1.

C. 3.

Hift. l. v.

n. 8.

SECOND DISCOURS
Sur l'Hiftoire Ecclefiaftique.

L

E lecteur eft maintenant en état de juger Etabliffe. fi j'ai tenu parole: & fi j'ai montré, commeat divin me j'avois promis dans la preface, que la reduChriftia ligion Chrétienne eft purement l'ouvrage de Dieu. On a vû qu'elle s'eft établie en peu de tems par tout l'empire Romain, & même au de-là non-feulement fans aucun fecours humain, mais malgré toute la réfiftance des hommes. Dès le tems de faint Irenée & de Tertullien, c'est-à-dire dès la fin du fecond fiécle, tout étoit plein de Chrétiens: non-feulement de particuliers, mais d'églifes nombreuses, conduites par des paftears, & unies par une correfpondance mutuelle D'où étoient-elles venues? n'étoit-ce pas ces mêmes peuples depuis tant de fiecles plongez dans l'idolâtrie & v. Mœurs la débauche qui les avoit ainfi changez tout à Chr. n. 4. coup qui leur avoit fait méprifer les coûtumes de leurs peres; quitter des religions qui favorifoient toutes leurs paffions, & embraffer une vie fi fericufe & fi penible? Ll falloit qu'ils euffent vû d'étranges merveilles, & qu'ils euffent été terriblement frapez des miracles & des vertusde ceuxqui annonçoient cette nouvelle religion.

Tertull. apol. c. 37.

Mais encore que leur promettoit cette religion: Rien de prefent ni de fenfible: une vie future, des biens invifibles; & en ce monde des perfecutions & des perils continuels. Vous. avez vú comme les Chrétiens ont été traitez pendant trois fecles entiers. Je ne me fuis pas contenté de dire en general, qu'il y eut un grand nombre de martyrs, ni de rapporter leurs

noms & les principales circonftances de leur martyre. Je vous les ai mis devant les yeux : je vous ai rapporté les actes, c'est-à-dire les procez verbaux de queftion & d'execution à mort. J'ai bien voulu m'expofer à ennuyer quelque lecteur délicat, pour ne rien perdre de la force de la preuve & de l'impreffion que doit faire un fi grand objet. Ces exemples étoient nouveaux. Les Grecs & les Romains fçavoient mourir pour leur patrie: mais non pas pour leur religion & pour le feul interêt de la verité. Il eft vrai qu'il y avoit eu quelque peu de martyrs chez les Juifs: auffi avoient-ils la vraie religion, & l'églife les honore comme faints.

II.

Martyrs.

De republ.

Toutefois ce qui étoit fi commun chez les Chrétiens étoit regardé par les philofophes, & avec raifon, comme le comble de la vertu. Le jufte parfait, dit Platon, eft celui qui ne cher- 1. 2. che pas à paroître bon, mais à l'ètre: autrement il feroit honoré & récompenfé, & on pourroit douter, s'il aimeroit la justice pour elle-même, ou pour l'utilité qui en reviendroit. Il faut le dépouiller de tout, hors de sa juftice: il doit n'en avoir pas même la reputation, paffer pour injufte & pour méchant, & comme tel être fouetté, tourmenté, crucifié, confervant toûjours fa juftice jufques à la mort. Ce philofophe ne femble-t-il pas avoir prévu Jefus-Chrift & les martyrs fes imitateurs? Etant les plus juftes & les plus faints d'entre les hommes, ils ont paffé pour des impies & des abominables: ils ont été traitez comme tels, & ont pouffé le témoignage de la verité jufques à la mort, & aux plus cruels tourmens ; & ce n'a pas été un petit nombre de philofophes: mais une multitude innombrable de tout âge, de tout Lexe, & de toutes conditions.

Encore les Chrétiens n'euffent été at

Chr.

17.

พ. 16.

Hift. liv.

III. n. 21.

2. 37, 47.
7.
51. 1. v.

v. Maurs taquez que par la fureur des peuples & l'aute rité des magiftrats; on pourroit penfer, qu'ils fe feroient roidis contre la force deftituée de raifon. Mais on employoit tout contre eux en même tems: la violence, les calomnies, les railleries, les raifonnemens; & leurs ennemis avoient bien plus de liberté de les attaquer, qu'ils n'en avoient de fe défendre. Ils écrivirent toutefois quelques apologies: je les ai rap portées; vous avez vû fi elles étoient folides & convaincantes: mais elles eurent peu d'effet, tant les hommes font peu touchez de la raifon. On ne fe détrompa que par une longue experience. A force de bien faire, les Chrétiens diffiperent les calomnies, dont on les avoit noircis: à force de fouffrir ils montrerent l'inutilitě des perfécutions. Enfin au bout de trois cens ans la verité prit le deffus, & les empereurs fe déclarerent eux-mêmes protecteurs du Chriftia→ nifme.

2. 4.5.& 2.39.

1. VIII. n.

45.

Hift. liv.

xv. n. 15. #. 7.

On vit alors la difference de la veritable rez ligion d'avec les faufles. L'idolâtrie tomba d'elle même, fi-tôt qu'elle ne fut plus appuyée par la puiffance publique. Pour le montrer fenfiblement, Dieu permit cinquante ans après l'apoftafie de l'empereur Julien, qui avec toute 1a puiflance de l'empire & tout le fecours de la philofophie & de la magie ne put rétablir le paganifme. Il s'en plaint lui-même en plufieurs endroits de fes écrits; & particulierement contre le peuple d'Antioche. La réforme chimerique qu'il vouloit introduire chez les payens, lui faifoit rendre malgré lui un témoignage glorieux à la fainteté du Chriftianifme; qu'il s'efforcoit d'imiter; & fa perfe cution, toute finguliere & artificieuse qu'elle étoit, ne fervit qu'à affermir la verité. Son regne fut le dernier foupir de l'idolâtrie; &

Rome n'a plus eu depuis que des princes Chré-tiens.

III.

Après les martyrs vient un fpectacle auffi merveilleux, les folitaires. Je comprens fous Moines. ce nom ceux que l'on nommoit Afcetes dans les premiers tems, les moines & les anachoretes. On peut les appeller les martyrs de la penitence, dont les fouffrances font d'autant plus merveilleufes, qu'elles étoient plus volontaires & plus longues: & qu'au lieu d'un fuplice de quelques heures, ils ont porté leurs croix fidelement pendant des cinquante ou foixante ans. Je m'y fuis étendu, peut-être trop au gré des fçavans & des curieux, qui n'eftiment pas affez l'oraifon & les pratiques de pieté. Mais je crois que la vie des faints eft une grande partie de l'hiftoire ecclefiaftique, & je regarde ces faints folitaires comme les modeles de la perfection Chrétienne. C'étoit les vrais philofophes, comme l'antiquité les nomme fouvent. Ils fe féparoient du monde pour méditer les chofes celeftes: non pas comme ces Egyptiens que décrit Porphyre, qui fous un fi grand nom n'entendoient que la géometrie ou l'aftronomie: ni comme les philofophes Grecs, pour rechercher les fecrets de la nature, pour raifonner fur la morale ou difputer du fouverain bien & de la diftinction des vertus.

Les moines renonçoient au mariage & à la focieté des hommes pour le délivrer de l'embarras des affaires & des tentations inévitables dans le commerce du monde: pour prier c'est-à-dire, contempler la grandeur de Dieu, mediter fes bienfaits: les préceptes de fa fainte toi, & purifier leur cœur. Toute leur étude étoit la morale, c'est-à-dire, la pratique des vertus; fans difputer, fans prefque parler, fans méprifer perfonne. Ils écoutoient avec docilite

Porph.de vita Pyth. v. Traité

des Etudes

.4.

Hift, tiv.

xx. n. 3.

Caff. coll. 24. hift. xx.n.6.

les inftructions de leurs anciens; plufieurs ne
fçavoient pas même lire, & méditoient l'écri-
ture fur les lectures qu'ils avoient oüies Ils fe
cachoient aux hommes autant qu'ils pouvoient,
ne cherchant qu'à plaire à Dieu. Ce n'étoit
que l'éclat de leurs vertus & fouvent leurs mi-
racles qui les faifoient connoître; & nous igno-
rerions qu'ils ont été pour la plûpart, fi Dieu
n'avoit fufcité des curieux, comme Rufin &
Caffien pour
les aller chercher dans le fonds
de leurs folitudes, & les forcer à parler.

Au refte on ne peut les foupçonner d'aucune efpece d'interêt. Ils fe réduifoient à une extrême pauvreté, gagnoient par le travail le peu qu'il leur falloit pour vivre, & en avoient même de refte pour faire l'aumône. Quelquesuns avoient des heritages qu'ils cultivoient de leurs mains: mais les plus parfaits craignoient que des menageries & des revenus à adminif trer ne les fiffent retomber dans l'embarras des affaires, qu'ils avoient quittées: & préferoient des métiers fimples & fédentaires, pour vivre au jour la journée. Quelquefois auli ils recevoient des aumônes, pour fuppléer à leur travail: mais je ne vois point qu'ils en demandaffent. Ils étoient fideles à deux obfervances comme effentielles, la ftabilité & le travail des mains. Chaque moine demeuroit attaché à fa communauté, & chaque anachorete à fa cellule, s'il n'y avoit des raifons fort puiflantes d'en fortir: parce que rien n'eft plus contraire à l'oraifon parfaite & à la pureté de cœur qu'ils fe propofoient, que la legereté & la curiofité. Ils avoient un tel foin d'écarter la multitude des pensées, & de rendre leur ame tranquille & folide, qu'ils évitoient les beaux_payfages & les demeures agréables, & paffoient la plupart du tems enfermez dans leurs cellules

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