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guérir. Ainfi, fans ces deux perfonnages, la paffion principale ne trouveroit rien dans la Piéce qui pût le corriger. Car tout ce que les Acteurs difent en l'absence de l'Avare, ne fait rien à sa correction, & ne fournit pour f'ordinaire que du Comique, mais fans inftruction. Moliere après avoir exécuté ce que l'enthoufiafine de fon génie lui demandoit, eft revenu fur fes pas, & n'a rien oublié pour corriger la faute qu'il avoit faite dans le caractére de Cléante. Il lui fait dire à fon pere, dans la derniere Scéne, que fon tréfor eft retrouvé, & qu'il lui fera rendu, s'il veut confentir à fon mariage avec Marianne: il ajoute que la mere de Marianne lui laiffe la liberté du choix, & finit par fu. plier fon pere de lui céder fa Maitreffe. Moliere s'eft imaginé avec

raifon, qu'il feroit fentir par-l que fi Cléante avoit eu en effet des fentimens contraires à fon devoir, bien loin de venir apprendre à fon pere que la caffette étoit retrouvée, il l'eût gardée avec foin, ou qu'il lui eût demandé le bien de fa mere que celui-ci ne pouvoit lui refufer. En lui faisant faire une pareille démarche, Moliere a prétendu donner une preuve incontestable des bons fentimens de ce fils, & montrer que s'il a manqué de foumiffion & de refpect, on ne doit l'imputer qu'à la honte que lui caufe l'avarice de fon pere, & à l'injustice qu'il lui fait du côté de l'amour, & de l'argent qu'il lui fait acheter fi cher.

Malgré les défauts que je viens de remarquer dans l'Avare de Moliere, & malgré ceux qui peut-être me font échapés, je croi

cependant pouvoir avec justice propofer cette Piéce comme un modéle parfait de la belle Comédie. Ceux qui connoiffent le Théatre, trouvefont dans la peinture des caractéres, cette vérité qui eft fi néceffaire à la Scéne; ils y découvriront l'art ingénieux. du Poëte dans la conduite, dans les liaisons, & dans le nœud de l'action car bien que l'action foit double, le caractére de l'Avare a réuni & confondu, pour ainfi dire, les deux actions. C'est dans cette partie, comme nous l'avons dit, que Moliere feul est le grand Maître; c'eft de lui feul qu'il faut apprendre l'art de compofer une Fable d'action double d'embraffer deux actions, & de les entrelacer fi bien qu'elles ne paroiffent en faire qu'une, femblables à une chaîne dont tous les anneaux ne forment qu'un

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feul tout. Et l'on peut dire qu'il cft prefque le feul dont les Ou vrages plaisent à ceux qui entendent le Théatre, & à ceux qui ne l'entendent pas; tout y eft h ingénieufement amené, que le Comique s'y préfente naturellement à chaque inftant, & fe trou ve à la portée de tous les Spectateurs, parce qu'il eft tiré du fonds de la chofe même, ou du ridicu Le du caractére.

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Uoique j'aïe donné, dans le cours de cet Ouvrage, le Théatre de Moliere pour le modéle de la bonne Comédie, je n'ai pas prétendu le donner auffi pour un modéle, par rap

port aux mœurs. En propofant de l'imiter, je n'avois en vûe que l'art & le génie du Poëte. Čependant fi Moliere s'eft quelque fois écarté des régles de la bienféance, je croi qu'il faut moins s'en prendre à lui qu'au ton de fon fiécle; fes Piéces font infiniment plus châtiées que celles des Auteurs qui l'ont précedé, & que les fcandaleufes rapfodies des Italiens fes Contemporains. S'il avoit écrit de nos jours, il n'eft pas douteux que porté naturellement comme il l'étoit à la vertu, & n'étant plus obligé de fe conformer à un goût moins épuré, il n'eût produit des choLes plus correctes du côté des mœurs, fans rien perdre du côté de l'Art & du vrai Comique. Lorfqu'il commença à écrire, la Scéne étoit depuis fon origine en proïe au libertinage: non moins

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