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fions que l'on peut appeller grands ou principaux caractères, fourniffent affez à l'intrigue avec les défauts qui les fuivent, fans avoir recours aux caractères épifodiques. Plaute dans fa Comédie de l'Aulularia, nous a donné l'idée du caractère de l'Avare mais il n'a pas, au fentiment des Modernes, tiré de fon fujet tout l'avantage dont il étoit fufceptible au lieu que Moliere qui connoiffoit parfaitement le cœur humain, a donné dans fa Comédie de l'Avare deux compagnes à l'avarice, qui font la défiance & l'ufure ; & comme elles en font prefque toûjours inféparables, elles ont naturellement fourni à cette Piéce les épifodes néceffaires. Il eft vrai qu'il peut fe trouver un avare qui ne foit pas ufurier; mais fi on l'examine avec attention, on fentira

que s'il ne l'eft pas, c'est peutêtre fon rang, fes emplois, fa dignité, ou quelqu'autre puiffant motif qui l'en détourne; & que fi l'on connoiffoit le fond de fon cœur, on le trouveroit auffi incliné à l'ufure, qu'il paroît avare en effet.

Pour infpirer au Spectateur l'horreur d'un vice, il faut le peindre avec les couleurs & les traits les plus capables de bien caractériser ce même vice; mais on doit prendre bien garde qu'il doit toûjours être préfenté par le côté ridicule & comique, & non par le côté bas & ferieux : les hommes fe corrigent moins aifement des vices que des ridicules.

Les fujets,ou les Fables les plus fimples, étoient autrefoisles plus eftimés, mais aujourd'hui qu'ils plairoient moins auxSpectateurs,

on eft obligé de les charger un fi on cherche à plaire en corrigeant les mœurs.

peu,

Les Auteurs qui veulent s'accommoder à ce goût, fe trompent ordinairement dans la conftruc tion de leurs Fables. Ils ne s'attachent pas affez à tenir un juste milieu entre le fimple ou le vrai, & l'outré & l'impoffible; ils paf fent fouvent les bornes de la nature, & défigurent la vérité. On doit caractériser les paffions dans le grand, mais il ne faut pas les charger jufqu'à bleffer la vraifemblance. Moliere qui connoif foit fi bien ce point de jufteffe, n'a point outre la vérité : il n'a fait que ce qu'il croïoit nécessaire pour plaire au Spectateur, fans forcer la nature. Si dans l'Avare il a chargé le caractére, il l'a fait fans détruire la vraisemblance: on ne dira point qu'il n'y a ja

mais eu d'avares ufuriers, mais on dira feulement qu'ils ne le font pas tous, ou que quand ils le font, ils tâchent de ne le point paroître : ainfi Moliere a parfaitement fuivi ce que l'intention de fa Fable exigeoit de lui pour attacher les épisodes au caractére.

Il y a des espéces de paffions Variété

dont chacune

dans fournir des un peut feul cafujets également bons & conve- ractére. nables à la Tragédie, à la Comédie, & à la Farce ; & c'est de quoi l'on peut fe convaincre par les Ouvrages de Moliere.La jaloufie par exemple, eft de cette efpece: elle peut être felon le rang ou le caractére du perfonnage jaloux, adaptée au férieux comme au comique, & ce n'eft plus alors que l'affaire de l'art & du génie de l'Auteur. Je fuppofe, par exemple, que de deux maris également

jaloux de leur femme, & qui pensent tous deux que leur honneur eft bleffé, l'un eft brave & violent, & l'autre lâche & pacifique : fi le Poëte les représente tous deux avec les fentimens convenables à leurs caractéres, le premier fera un Hérode, & le fecond un Sganarelle. Pour mieux faire fentir ici la fineffe de l'art, il ne faut que comparer Moliere avec Moliere même ; & l'on Exem-apprendra dans le Prince Jaloux, ples de le Cocu Imaginaire, & George rieté, Dandin, à tirer d'une feule paffion une fi grande diverfité de fujets.

cette va

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