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fies'des Romains, nous touchent, comme celles qui font dans les Pocfies des Grecs touchoient les Romains. Les amoureux que les uns & les autres ont introduits dans leurs Ouvrages, ne font pas de froids galans; mais des hommes livrés, malgré eux, à des tranfports qui les maîtrifent, & qui font fouvent des efforts inutiles pour arracher de leur cœur des traits dont la morfure les défefpere. Tel eft l'Eglogue de Virgile qui porte le nom de Gallus,

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SECTION XIX,

De la galanterie qui eft dans nos Poëmes. JE vais encore rapporter aux Fran

çois ce que dit un autre Ecrivain Angiois fur la galanterie de nos Poëtes, Les rapports ont un attrait fi piquant, qu'on ne fçauroit dre d'aimer fe a les entendre ; & en des matieres pareilles à celles dont il s'agit ici, il n'eft ni mal-honnête, ni dangereux, de contenter la curiofité des perfonnes inté reflées,

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Monfieur Perrault (a) avoit reproché aux Anciens qu'ils ne connoiffoient point ce que nous appellons galanterie, & qu'on n'en voyoit aucune fleur dans leurs Poëtes; au-lieu que lés écrits des Poëtes François, foit en vers, foit en profe, ces derniers écrits font les Romans', fe trouvent parfemés de ces gentilleffes. Monfieur Woton qui a pris le parti des Modernes en Angleterre, & qui a défendu contre Mylord Orery la même caufe que Monfieur Perrault avoit foutenue en France, abandonne fon compagnon d'arme dans cette lice. Il ne veut point paffer à nos Poëtes pour un mérite, ce jargon plein de fadeur, felon lui, qu'on appelle galanterie. C'eft, ajoute l'Auteur Anglois (b), un fentiment qui n'eft pas dans la nature, une des affectations extravagantes que le mauvais goût du fiécle a mis à la mode. Ovide & Tibulle n'ont point mis de galanterie dans leurs écrits. Dira-t'on qu'ils ne connoiffoient pas le cœur humain, & les tempêtes que toutes les paffions amoureufes y fçavent

(a) Paralléles des Anciens & des Modern. Tom. 2.)

(b) Woton fur le fçavoir des Ancient & des Modernes ; chap. 4.

exciter? L'émotion qu'on éprouve en lifant leurs vers, fait bien fentir que la nature même s'y explique en fa propre langue. Les Poëtes & les faileuts de Romans, continue Monfieur Woton (a), comme d'Urfé, la Calprettede & leurs femblables, qui, pour avoir occafion de faire parade de leur efprit, nous peignent leurs perfonnages pleins à la fois d'amour & d'enjouement, & qui en font des difcoureurs fi gracieux, ne s'écartent pas moins de la vraifemblance, que Varillas s'écarte de la vérité. Or comme la vérité eft l'ame de l'hiftoire, la vraisemblance eft l'ame de touté fiction & de toute Poëfie. C'eft le vraifemblable qui nous émeut, & qui nous fait faire cas d'un Ouvrage & de fon Auteur...

Quand je dis que Monfieur Woton a défendu la même caufe que Monfieur Perrault; je dois ajouter que Monfieur Woton, en mettant le fçavoir des Modernes au deffus de celui des Anciens dans la plupart des Arts & des Sciences, tombe d'accord néanmoins que dans la poëfie & dans l'éloquence les Anciens ent furpaffé les Modernes de bien-loin..

(a) Pag. $2.

C'eft ainfi qu'il s'en explique lui-même dans le chapitre que j'ai déja cité. Voici même ce qu'il ajoute: (a) Monfieur Perrault n'étoit point affez fçavant, il n'entendoit point affez bien le Grec & le Latin pour faire même un bon Paralléle entre P'Eloquence & la Poëfie des Anciens & des Modernes. La digreffion feroit trop longue fi j'allois entreprendre de faire une énumé ration exacte de fes bévës; on me regarderoit d'ailleurs dans toute l'Europe com· me un téméraire, fi je me mêlois d'écrire fur ce fujet après ce que M. Defpréaux vient d'en dire dans fes Réflexions critiques fur Longin. Il y venge les Auteurs illuftres de l'Antiquité, auffi-bien qu'il les fçait imiter.

Pour revenir à la galanterie, un de fes traits énerve fouvent l'endroit d'un poëme le plus pathétique. Il fait ceffer pour un tems l'affection qu'on avoit prife pour le perfonnage. Renaud amoureux malgré lui, & parce qu'il eft fubjugué par les enchantemens d'Armide, m'intéreffe vivement à fa fituation : je fuis même touché de fa paffion, quand il ouvre la fcène, en difant à fa maitreffe qui le quitte pour un moment : (a) Pag. 56.

Armide, vous m'allez quitter (a) ; & lorf qu'il ne lui réplique, après qu'elle lui a dit le motif important qui l'oblige à s'éloigner de lui, que les mêmes paroles qu'il lui avoit déja dites, Armide, vous m'allez quitter, Renaud me paroît alors un homme livré tout entier à l'amour. L'amour ne fçauroit mieux fe faire fentir que par cette répétition: c'eft la marque de l'yvrefle de la paflion, que de n'entendre pas les raifons qu'on lui oppofe. Mais un moment après Renaud devient un amant précieux & un amoureux affecté, lorfqu'il répond à fa maîtreffe qui lui dit, Voyez en quel lieu je vous laiffe, par ce fade compliment, Puis-je rien voir que vos appas.

C'eft en qualité d'Hiftorien que je rapporte ici ce que nos voifins difent de nous. Si je fréquente les Nations étran geres pour apprendre leurs fentimens, c'eft fans renoncer aux fentimens de la mienne. Je puis dire comme Seneque: (b) Soleo fæpe in aliena caftra tranfire, non tanquam transfuga, fed tanquam explorator. C'est à nos Poëtes d'examiner jufqu'à quel point ils doivent dé

(a) Opera d'Armide, Act. 5, Scen. prem (b) Epift. feca

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