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tel que je le propose, alléguent donc leur véritable excufe: c'eft que le fecours de la Poëfie des Anciens leur étant néceffaire, pour rendre leur verve féconde, ils aiment mieux traiter les mêmes fujets que les Poëtes Grecs & les Poëtes Latins ont traités, que des fujets modernes où ils ne pour roient pas s'aider auffi facilement de la Poëfie, du ftyle & de l'invention des premiers. Nous dirons encore quelque chofe dans la fuite fur ce fujet-là.

SECTION XXIV.

Des actions allégoriques & des perfonnages allégoriques par rapport à la Pein

ture.

NOTRE matiere nous conduit naturellement à traiter ici des compofitions & des perfonnages allégoriques, foit en poëfie, foit en Peinture. Parlons d'abord des Allégories Pittorefques.

La compofition allégorique eft de deux efpeces. Ou le Peintre introduit

des perfonnages allégoriques dans une compofition hiftorique, c'eft-à-dire, dans la représentation d'une action qu'on croit être arrivée réellement, comme eft le facrifice d'Iphigénie, & c'est ce qu'on appelle faire une compofition mixte: Ou le Peintre imagine ce qu'on appelle une compofition purement allégorique; c'eft à-dire, qu'il invente une action qu'on fçait bien n'être jamais arrivée réellement, mais de laquelle il fe fert comme d'une emblême, pour exprimer un événement véritable. Avant que de nous étendre davantage fur ce fujet, parlons des perfonnages allégoriques.

Les perfonnages allégoriques font des êtres qui n'exiftent point, mais que l'imagination des Peintres a conçus, & qu'elle a enfantés en leur donnant un nom, un corps & des attributs. C'est ainfi que les Peintres ont perfonnifié les vertus, les vices, les royaumes, les provinces, les villes, les faifons, les paffions, les vents & les fleuves. La France représentée fous la figure de femme; le Tibre repréfenté fous une figure d'homme couché ; & la Calom nie fous une figure de Satyre, font des perfonnages allégoriques.

Ces perfonnages allégoriques font de deux efpeces. Les uns font nés depuis plufieurs années. Depuis longtems ils ont fait fortune. Ils fe font montrés fur tant de théâtres, que tout homme un peu lettré les reconnoit d'abord à leurs attributs. La France représentée par une femme, la couronne fermée en tête, le fceptre à la main, & couverte d'un manteau bleu femé de fleurs de lys d'or: le Tibre représenté par une figure d'homme couché, ayant à fes pieds une Louve qui allaite deux enfans, font des perfonnages allégoriques inventés depuis longtems, & que tout le monde reconnoît pour ce qu'ils font. Ils ont acquis pour ainfi dire, le droit de bourgeoifie parmi le genre humain. Les perfonnages allégoriques modernes font ceux que les Peintres ont inventés depuis peu, & qu'ils inventent encore pour exprimer leurs idées. Ils les caractérisent à leur mode, & ils leur donnent les attributs qu'ils croyent les plus propres à les faire re

connoître.

Je ne parlerai que des perfonnages allégoriques de la premiere efpece, c'est-dire, des aînés ou des anciens. Leurs

cadets,

cadets, qui depuis une centaine d'années font fortis du cerveau des Peintres, font des inconnus & des gens fans aveu, qui ne méritent pas qu'on en faffe aucune mention. Ils font des chiffres dont perfonne n'a la clef, & même peu de gens la cherchent. Je me contenterai donc de dire à leur fujet que l'inventeur fait ordinairement un mauvais ufage de fon efprit, quand il l'occupe à donner le jour à de pareils êtres. Les Peintres qui paffent aujourd'hui pour avoir été les plus grands Poëtes en peinture, ne font pas ceux qui ont mis au monde le plus grand nombre de perfonnages allégoriques. Il eft vrai que Raphaël en a produit de cette efpece, mais ce Peintre fi fage ne les employe que dans les ornemens qui fervent de bordure ou de foutien à fes tableaux dans l'appartement de la fignature. Il a même pris la précaution d'écrire le nom de ces perfonnages allégoriques fous leur figure. (a) Quoique Raphaël fût très-capable de les rendre reconnoiffables, néanmoins on ne trouve pas que cette précaution foit inutile, & l'on

(a) Ces figures allégoriques ont été gravées par G. Audran.

Tome I.

I

fouhaite même quelquefois qu'il l'eût pouffée jusques à nous donner une explication des fymboles dont il les orne. Car bien que l'infcription apprenne leur nom, on a encore beaucoup de peine à deviner la valeur & le mérite de tous les attributs emblématiques dont ils font ornés.

Revenons aux perfonnages allégoriques anciens, & voyons l'ufage qu'il eft permis d'en faire dans les compofitions hiftoriques. Le fentiment des perfonnes habiles eft, que les personnages allégoriques n'y doivent être in troduits qu'avec une grande difcrétion, puifque ces compofitions font destinées à représenter un événement arrivé réellement, & dépeint comme on croit qu'il eft arrivé. Ils n'y doivent même entrer dans les occafions où l'on peut les in troduire, que comme l'écu des armes ou les attributs des perfonnages prin cipaux, qui font des perfonnages hifto riques. C'eft ainfi qu'Harpocrate, le Dieu du filence, ou Minerve, peuvent être placés à côté d'un Prince pour défigner fa difcrétion & fa prudence. Je ne pense pas que les perfonnages allégoriques y doivent être eux-mêmes

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