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Ils crurent alors que des actions allé goriques pouvoient être des fujets de Comédie. Nous avons encore une Piéce qui fut représentée aux nôces de Philibert Emmanuel Duc de Savoye, & de la Sœur de notre Roi Henri II. dont l'action eft purement allégorique, Paris y paroiffoit comme le pere de trois filles qu'il vouloit marier, & ces trois filles étoient les trois principaux quartiers de la Ville de Paris, l'Univerfité, la Ville proprement dite, & la Cité,que le Poëte avoit perfonnifiés. Mais ou la raifon,ou l'instinct nous ont fait quitter ce goût très-propre à faire compofer de mau vaifes piéces par de bons Auteurs ; & les Poëtes qui depuis quelques années ont voulu le renouveller, n'y ont pas réuffi. Les actions allégoriques ne conviennent qu'aux Prologues des Opera deftinés pour fervir d'une espece de Préface à la Tragédie, & pour enfeigner l'application de fa morale. Quinault a montré comment il y falloit traiter ces actions allégoriques, & les allufions qu'on y pouvoit faire à des événemens récens dans les tems où les Prologues font représentés. maab

SECTION XXVI.

Que les fujets ne font pas épuisés pour les Peintres. Exemples tirés des Tableaux du Crucifiement.

ON plaint quelquefois les Peintres

& les Poëtes qui travaillent aujour d'hui, de ce que leurs prédéceffeurs leur ont enlevé tous les fujets. Ces Artifans s'en plaignent fouvent eux-mêmes; mais je crois que c'eft à tort. Un peu de réflexion fera connoître que les Artifans qui travaillent préfentement, ne doivent point être reçus à s'excufer fur la difette des fujets, quand on leur reproche quelquefois que leurs nouveaux ouvrages ne font point nouveaux. La Nature eft fi variée qu'elle fournit toujours des fujets neufs à ceux qui ont du génie. Por

Un homme né avec du génie voit la Nature, que fon Art imite,avec d'autres yeux que les perfonnes qui n'ont pas de

génie. Il découvre une dice infi

nie entre des objets, qui aux yeux des autres hommes paroiffent les mêmes,

& il fait fi bien fentir cette différence dans fon imitation, que le fujet le plus rebatu, devient un fujet neuf fous fa plume ou fous fon pinceau. Il eft pour un grand Peintre une infinité de joies & de douleurs différentes qu'il fçait varier encore par les âges, par les tempéramens, par les caracteres des nations & des particuliers, & par mille autres moyens. Comme un tableau ne repréfente qu'un inftant d'une action, un Peintre né avec du génie, choifit l'inf tant que les autres n'ont pas encore faifi, ou s'il prend le même inftant, il l'enrichit de circonftances tirées de fon imagination,, qui font paroître l'action un fujerneuf. Or c'eft l'invention dé ces circonftances qui conftitue le Poëte en Peinture. Combien a-t'on fait de cruci fiemens depuis qu'il eft des, Peintres ? Cependant les Artifans doués de génie, n'ont pas trouvé que ce fujet fût épuifé par mille tableaux déja faits. Ils ont fçû l'orner par des traits, de Poëfie nouveaux, & qui paroiffent néanmoins tellement propre au fujet, qu'on eft furpris que le premier Peintre qui a médité fur la compofition d'un crucifiement, ne fe foit pas faifi de ces idées,mor reta

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Tel eft le tableau de Rubens qu'on voit au maître-Autel des Récollets d'An vers. Jefus Chrift paroît mort entre les deux Larrons qui font encore vivans. Le bon Larron regarde le Ciel avec une confiance fondée fur les paroles de Jefus-Chrift, & qui fe fait remarquer à travers les douleurs du fupplice. Rubens, fans mettre des diables à côté de fon mauvais Larron, comme l'avoient pratiqué plufieurs de fes devanciers, n'a pas laiffé d'en faire un objet d'horreur, Ils'eft fervi pour cela de la circonftance du fupplice de ce réprouvé qu'on lit dans l'Evangile Que pour hâter sa Imort, on lui caffa les os. On voit par = la meurtriffure de la jambe de ce malheureux, qu'un bourreau l'a déja frappée d'une barre de fer qu'il tient à la main. L'impreffion d'un grand coup nous oblige à nous ramaffer le corps par un mouvement violent & naturel. Le mauvais I arron s'eft donc foulevé fur fon gibet, & dans cet efort que la douleur lui a fait faire, il vient d'arracher la jambe qui a reçû le coup, en for çant la tête du clou qui tenoit le pied attaché au poteau funefte. La tête du clou eft même chargée des dépouilles

hideufes qu'elle a emportées en déchi rant les chairs du pied à travers lequel elle a paffé. Rubens qui fçavoit fi bien en impofer à l'œil par la magie de fon clair obfcur, fait paroître le corps du Larron fortant du coin du tableau dans cet effort, & ce corps eft encore la chair la plus vraie qu'ait peint ce grand Colorifte. On voit de profil la tête du fup. plicié, & fa bouche dont cette fituation fait encore mieux remarquer l'ouvertu re énorme, fes yeux dont la prunelle est renversée, & dont on n'apperçoit que le blanc fillonnée de veines rougeâtres & tenduës; enfin l'action violente de tous les muscles de fon visage, font prefque ouir les cris horribles qu'il jette. On découvre derriere la Croix des fpectateurs qui la font avancer, & qui femblent tellement enfoncés dans le tableau, qu'à peine ofe-t'on croire que toutes ces figures foient placées fur * une même fuperficie.

Depuis Rubens jufqu'à Coypel, le fujet du crucifiement a été traité plufieurs fois. Cependant ce dernier Peintre a rendu fa compofition nouvelle. Son tableau représente le moment où la Natu re s'émut d'horreur à la mort de J. C.le

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