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été averti de fa méprife, & il nous a donné la véritable tête d'Alexandre dans le tableau du paffage du Granique, & dans celui de fon entrée à Babylone. Il en prit idée d'après le buste de ce Prince qui fe voit dans un des bofquets de Verfailles fur une colonnel, & qu'un Sculpteur moderne a déguifé en Mars Gaulois, en lui mettant un coq fur fon cafque. Ce bufte, ainfi que la colonne qui eft d'albâtre Orien tal, ont été apportés d'Alexandrie.

La vraisemblance poëtique exige auffi qu'on représenté les Nations avec leurs vêtemens, leurs armes & leurs étendarts. Qu'on mette dans les enfeignes des Athéniens, la Chouette; dans celles des Egyptiens, la Cigogne; & l'Aigle dans celles des Romains; enfin qu'on fe conforme à celles de leurs coutumes qui ont du rapport avec l'action du tableau. Ainfi le Peintre qui fera un tableau de la mort de Britannicus, ne représentera point Néron & les autres convives affis autour d'une table; mais bien couchés fur des lits.

L'erreur d'introduire dans une action des perfonnages qui ne purent ja mais en être les témoins, pour avoir

vécu dans des tems éloignés de celui de l'action, eft une erreur groffiere où nos Peintres ne tombent plus. On ne voit plus un faint François écouter la prédication de faint Paul, ni un Confeffeur le Crucifix en main, exhorter le 'bon Larron.

Enfin la vraisemblance poëtique demande que le Peintre donne à fes perfonnages leur air de tête connu, foit que cet air de tête nous ait été tranf mis par des médailles, des ftatuës, ou par des portraits; foit qu'une tradition, dont on ne connoît pas la fource, nous. l'ait confervé ; foit même qu'il foit imaginé. Quoique nous ne fçachions pas bien certainement comment faint Pierre étoit fait, néanmoins les Peintres & les Sculpteurs font tombés d'accord par une convention tacite de le repréfenter avec un certain air de tête & une certaine taille qui font devenus propres à ce Saint. En imitation, l'idée reçuë & généralement établie, tient lieu de la vérité. Ce que j'ai dit de faint Pierre, peut aufli fe dire de la figure fous laquelle on répréfente plufieurs autres Saints, & même de celle qu'on donne erdinairement à faint Paul, quoiqu'elle

ne convienne pas trop avec le portrait que cet Apôtre fait de lui-même. Il n'importe, la chofe eft établie ainfi. Le Sculpteur qui représenteroit faint Paul plus petit, plus décharné, & avec une barbe plus courte que faint Pierre, seroit repris, autant que le fut Bandinelli, pour avoir mis à côté de la statuë d'Adam qu'il a faite pour le dômede Florence, une ftatuë d'Eve plus haute que celle de fon mari (a).

Nous voyons par les Epîtres de Sidonius Apollinaris (b) que les Philofophes illuftres de l'Antiquité avoient auffi chacun fon air de tête, fa figure & fon gefte qui lui étoient propres en peinture. Per Gymnafia pinguntur Zeufippus cervice curva, Aratus panda, Zenon fronte contracta, Epicurus cute diftenta, Diogenes barba comante, Socrates coma candente, Ariftoteles brachio exferto, Xenocrates crure collecto, Heraclitus fletu oculis claufis, Democritus rifu

(a) Ces deux ftatuës ne font plus dins l'Eglife cathédrale de Florence; elles en ont été ôtées en 1722 par ordre du Grand Duc Cofme III, pour être mifes dans la grande Salte du vieux Palais. On leur a fubftitué un groupe que Michel-Ange avoit laiffé imparfait, & qui repréfente un Chrift defcendu de la Croix.

(b) Libro none, Epift. nona.

labris apertis, Chryfippus digitis propter numerorum indicia conftrictis, Euclides propter menfurarum fpatia laxatis, Cleanthes propter utrumque corrofis. Raphaël s'eft bien fervi de cette érudition dans fon tableau de l'Ecole d'Athènes. Nous apprenons auffi de Quintilien (a) que les anciens Peintres s'étoient affujettis à donner à leurs Dieux & à leurs Héros la phyfionomie & le même caractere que Zeuxis leur avoit donné, ce qui lui attira le nom de Légiflateur. Ille verò ita circumfcripfit omnia, ut eum legum latorem vocent, quia Deorum & Heroum effigies quales ab eo funt traditæ, cœteri tanquàm ita neceffe fit fequuntur.

L'Obfervation de la vraisemblance me paroit donc, après le choix du fu. jet, la chofe la plus importante dans le projet d'un poëme ou d'un tableau. La régle qui enjoint aux Peintres comme aux Poëtes de faire un plan judicieux, & d'arranger leurs idées de ma niere que les objets fe débrouillent fans peine, vient immédiatement après la régle qui enjoint d'obferver la vraifemblance.

(a) Inftit. lib. 12. 6. X.

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SECTION XXXI.

De la difpofition du Plan. Qu'il faut divifer l'ordonnance des Tableaux en compofition Poëtique & en compofition Pittorefque.

MEs réflexions fur le plan des Poëmes ferons bien courtes, quoique la matiere foit des plus importantes. Ce que l'on peut dire touchant les Poëmes de grande étenduë, fe trouve déja dans Je Traité du Poëme Epique par le Pere le Boffu, dans la pratique du Théâtre par l'Abbé d'Aubignac, comme dans les differtations que le grand Cornéille alfaites fur fes propres piéces. Ce qu'on peut dire touchant les petits ouvrages de Poëfie, eft très court. S'ils font le récit d'une action, ils faut qu'ils ayent', ainfi que les piéces de théâtre, une expofition, une intrigue & un dénouement. S'ils ne contiennent pas une action il faut qu'il y ait un ordre ou fenfible ou caché; & que les pensées y foient difpofées de maniere que nous les concesions fans peine, & que nous

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