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SCENE III.

CONSTANCE, ARGANT.

CONSTANCE.

Vous m'avez ordonné de vous attendre ici;

Sans quoi je vous aurois prévenu.
ARGANT d'un ton fâché.

CONSTANCE.

Yous paroiffez émû?

ARGANT.

Me voici.

Je fuis même en colere.
Je fors de chez Sophie; elle tient de fa Mere.
L'entretien que je viens d'avoir à foutenir,
Me fait prévoir celui que vous m'allez tenir :
Je vais de point en point y répondre d'avance.

CONSTANCE.

Quoi, vous fçarez ?...

ARGANT.

Ma Fille, un peu de complaisance ?

Que je parle d'abord à mon tour.

CONSTANCE.

ARGANT.

J'obéis,

D'Urval est à peu près ce que je fus jadis :

Ce tems n'eft pas fi loin, que je ne m'en souvienne,
Ma jeuneffe fut vive encor plus que la fienne.
On me maria donc, & me voilà rangé,
Si bien qu'on me trouva totalement changé.
Et véritablement une union fi belle,

Si ma Femme eût voulu, devoit être éternelle:
Bien du tems fe paffa, mais beaucoup, presque un ana
Sans que rien de ma part troublât notre Roman;
Mais auprès d'une femme on a beau se contraindre ♣
Bon naturellement le sexe aime à se plaindre.
Or comme enfin l'amour fe change en amitié
C'est justement dequoi fe fâcha ma Moitié :
Elle ne fçavoit pas, ni vous non plus, Madame,
Que fans amour on peut très-bien aimer fa femme;
Elle crut perdre au change, elle diffimula.
Peut-être près d'un mois après cet effort là,
Il furvint entre nous un terrible grabuge.
Madame se plaignit, & mon Pere en fut juge ;
Le bon homme autrefois fut dans le même cas
Mon Fils a tort, dit-il, je ne l'excufe pas.
Puifqu'il ne veut pas prendre un autre train de vie
Je vois bien qu'il faudra que je me remarie....
Je répondrois de même, & j'irois en avant.

CONSTANCE.

Quand on croit deviner, on fe trompe

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fouvent.

La contradiction me ravit & m'enchante....

Eh bien, Madame, foit: vous êtes très-contente........

Oui...très heureufe... très...

CONSTANCE.

Monfieur, en doutez-vous?

ARGANT.

Et vous dites pourtant du bien de votre Epoux..

CONSTANCE.

Puis-je faire autrement?

ARGANT.

Et que le mariage,

N'eft pas toujours un trifte & cruel esclavage

CONSTANCE.

Je Limagine.
dans foute ARGANT.

Et queenrage de bon cœur...
Mais de grace achevez de me tirer d'erreur :
Ma Niéce eft votre amie, & je lui fers de pere,

CONSTANCE.

Elle mérite bien dé nous être auffi chere.

ARGANT.

Oui mais on a pris foin de lui gâter l'efprit;
Damon & votre Epoux en font dans un dépit...
Qui peut donc avoir mis dans fon cœur trop crédule,
Cet effroi mal fondé, ce dégoût ridicule,
Cette averfion folle, & ces airs de mépris,
Qu'elle a pour l'hymenée, où les a-t-elle pris ?
A fon âge on n'a point des chiméres pareilles,
A celles dont elle a fatigué mes oreilles.
Au contraire, une Agnés fe fait illufion,

Et favoure à longs traits la douce impreffion
Que fon cœur enchanté reçoit de la Nature;
Elle ne voit l'hymen que fous une figure,
Qui loin de l'effrayer, irrite fes defirs;
Et ce portrait eft fait par la main des plaifirs
Mais toutefois Sophie en eft intimidée.
Madame, fi ma Niéce en prend une autre idée,
C'est l'effet des fujets de chagrin & d'ennui,
Que vous lui debitez contre votre Mari.

A part.

CONSTANCE

Mon malheur ne m'épargne aucune circonstance.
Haut.

Apprenez-donc, Monfieur, la façon dont je penfe
Et vous perfifterez après, fi vous l'ofez,
Dans l'accufation que vous me fuppofez.
Je n'ai qu'à me louer d'un heureux hymenée,
Je ne méritois pas d'être fi fortunée;
Mais enfin, fi mon fort cefloit d'être auffi doux
Si j'avois à pleurer le cœur de mon Epoux,
Je cacherois ma honte, en me rendant justice,
Et je me garderois d'augmenter mon fupplice.
Un éclat indifcret ne fait qu'aliéner

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Un cœur, que la douceur auroit pu ramener.
Si quelque occafion peut mieux faire connoître
Et fentir de quel prix une époufe peut être,
Si quelque épreuve fert à le mieux découvrir,
C'eft lorfqu'elle eft à plaindre, & qu'elle fçait fouffri

Voilà mes fentimens; tirez la conféquence.

ARGANT.

On n'agit pas toujours auffi bien que l'on penfe
Un beau raifonnement ne détruit pas un fait.
Ma Bru, fi vous voulez me convaincre en effet,
Concourez avec moi pour marier ma Niéce
Otez-lui de l'efprit ce travers qui me bleffe ;
Et que bien-tôt Damon ....

CONSTANCE.

Favois à vous parler.

C'est justement dequoi

ARGANT.

Il me convient, à moi,

CONSTANCE.

Je n'imagine pas qu'il déplaise à Sophie

ARGANT.

Ma Niéce l'aimeroit.

CONSTANCE.

Du moins je m'en défie:

Oui, je crois qu'en fecret elle y prend intérêt.

ARGANT.

Pourquoi refufe-t-elle un homme qui lui plaît ?

CONSTANCE.

Ce n'eft point un refus, c'eft de l'incertitude: On ne s'engage point fans quelque inquiétude En cela j'aurois tort de la défapprouver. Peut-être auparavant elle veut s'éprouver

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