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la médiocrité de fa fortune devoient lui faire regarder ce mariage comme une folie très

condamnable.

MÉLITE.

L'événement n'a que trop juftifié cette opinion; on prétend que la Baronne est bien malheureufe dans fon intérieur, & que fa fortune eft dans un défordre!.... Connoiffezvous la fœur de fon mari?

La MARQUISE.

Dorinde?.... Non; & l'on m'en a dit beaucoup de mal.

MÉLITE.

Je ne doute pas que la brouillerie de Cidalie & de la Baronne ne soit entièrement son ouvrage; il y a quelque noirceur là- deffous que le temps dévoilera. Ce qui est certain, c'est que Dorinde détefte Cidalie, qu'elle la déchire fans aucun ménagement, & qu'elle eft même parvenue à perfuader en général que tous les torts font de fon côté. Elle n'articule aucun fait contre elle; mais la calomnie fait se produire

Tome II.

K

fous tant de formes! Ne pouvant vraisemblablement rien Dorinde ne se permet

prouver,

que des accufations vagues fur le caractère & le cœur de Cidalie. Elle ne dit rien de positif, mais donne beaucoup à entendre. Souvent un air mystérieux, un foupir, une exclamation, ont fu noircir l'innocence avec plus de fuccès que les menfonges les plus détaillés n'auroient pu le faire. Enfin, Dorinde perfuade par fa conduite que l'honnêteté l'empêche feule de s'expliquer plus clairement; & c'est ainsi que, par un art détestable, elle paroît ménager celle qu'elle opprime.

La MARQUISE.

Horrible hypocrifie!.... Comment peutelle en impofer?.... Comment ofe-t-on dire qu'on eft incapable de hair l'objet dont on déchire la réputation?..... Quel chagrin me cause ce trifte détail!.... Et cette femme méchante, artificieuse, Dorinde enfin, a remplacé, dit-on, dans le cœur de la Baronne, la douce, l'aimable Cidalie ?........

MÉLITE.

Non, ne le croyez pas, l'artifice peut fubjuguer, mais il n'attachera jamais. La Baronne fe laiffe conduire par fa belle-foeur, fes yeux font fafcinés, fa raison eft féduite; mais, en dépit de l'intrigue & de la méchanceté, Cidalie eft toujours au fond de fon cœur.

La MARQUISE.

Et vous penfez qu'il eft impoffible de les raccommoder?

MÉLITE.

J'en fuis convaincue. Elles ne fe plaignent ni l'une ni l'autre ; elles fe font impofées un filence inviolable fur les motifs qui les ont défunies; comment pourroit-on les rapprocher ? Elles n'ont ni aigreur, ni reffentiment, mais elles font fermement décidées à ne jamais fe revoir; & jufqu'ici elles ont repouffé avec inflexibilité toutes les tentatives de leurs amis à ce fujet. Moi, qui les aime toutes deux, je n'ai rien négligé pour les réconcilier; & je me fuis brouillée vingt-fois avec elles de dépit de n'avoir pu y

parvenir. Enfin, j'ai pris mon parti, & je vois clairement à préfent que leur réfolution est inébranlable. Cependant, comme vous étiez, après la Baronne, ce que Cidalie aimoit le mieux, peut-être aurez-vous plus de fuccès; je le fouhaite, mais je l'efpère foiblement.

La MARQUISE.

Je les ai déjà vues l'une & l'autre un moment hier, La Baronne doit venir ce matin, & m'a demandé la permiffion de m'amener fa bellefœur; je vous avoue qu'un femblable tiers me fera fort défagréable.

MÉLITE.

Je reconnois-là Dorinde; elle a entendu parler de votre amitié pour Cidalie, & ne veut pas que vous entreteniez la Baronne tête-à-tête.

La MARQUIS E.

Eh bien, à la bonne-heure, je dirai devant elle tout ce que j'aurois dit en fon abfence.

MÉLITE.

Comme vous ne la connoiffez pas, je vais vous la dépeindre avec exactitude. Elle a ce

qu'on appelle dans le monde de l'efprit, & un ton excellent ; c'est-à-dire, qu'elle débite avec aifance la douzaine de petites phrafes de complimens d'ufage, que vous avez eu la bonté de m'apprendre jadis en huit jours; & que d'ailleurs elle fe plaît à conter, de temps en temps, quelques hiftoires dont tout le fel confifte à jeter un ridicule fur une perfonne de la fociété. Elle eft remplie d'égards pour les gens de fa connoiffance, & de politeffe pour ceux dont la confidération eft bien établie; mais pour tous les autres, elle affecte un dédain qui va quelquefois jufqu'à l'impertinence la plus ridicule. Ce n'est jamais ni fon goût, ni l'estime qui peuveut lui faire defirer une liaifon, elle n'est conduite que par l'intérêt ou l'opinion des autres. On ne lui paroît aimable qu'autant qu'on eft à la mode; c'eft dans un cercle qu'il faut briller pour lui plaire; & si l'on y réuffit, on pourra l'ennuyer tête-à-tête fans qu'elle le trouve mauvais. C'est ainsi que, par l'excès d'une abfurde vanité, elle a renoncé au droit naturel, dont ne pourroit fe dépouiller

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