ROSINE, à part. Ce reproche me touche..... Je le mérite donc? (Elle rêve.) ZÉLIS. Amélie, vous êtes injufte; Rofine vous aime; ainfi elle doit partager toutes vos peines: & moi, ne viens je pas de pleurer votre colombe? .... L'amitié de Rofine pour vous feroit-elle moins tendre? AMÉLIE. Chère Rofine, vous aurois-je affligée ?.... Oh! pardonnez-moi.... Embraffez-moi, ma Soeur.... Mais, qu'avez vous donc, parlez?... ROSINE l'embraffe. Amélie.... Eh bien ?.... AMÉLIE. ROSINE Cette question m'étonne.... Rofine, vous baiffez les yeux, vous paroiffez interdite.... Ah! la colombe n'eft pas perdue, vous favez où elle est.... AMÉLIE. Que dites-vous, Zélis? Quoi vous pourriez croire ma Sœur capable de vouloir m'affliger, de se faire un jeu de mon inquiétude, & de diffimuler avec moi? Non, Rofine eft fufceptible, elle eft injuste quelquefois ; mais elle eft auffi franche que fenfible; je connois fon cœur, & je ne puis le foupçonner.... ZÉLIS. Qu'elle fe juftifie donc!.... Mais regardez, Tome II. F regardez comme elle rougit..... Oh, quelle mine coupable!.... AMÉLIE. Que fignifie l'état où je vous vois, ma Sœur, feroit-il poffible?.... ROSINE. Ah, ma chère Amélie!... (Elle pleure.) Rofine.... Qu'eft-elle devenue ma colombe? Ne me le cachez pas. ZÉLIS. Eh bien, Rofine l'a volée, cela eft clair. AMÉLIE. Vous ne dites rien, ma Sœur ? ZÉLIS. Je répondrai pour elle. Eh! l'hiftoire de la colombe est écrite fur fon visage. Rofine étoit jaloufe de la colombe, & elle a volé & enfermé fa rivale. Rofine!.... AMÉLIE. ROSINE. Ah, ma Sœur que vous dirai-je ?.... Zélis l'a deviné.... Oui, j'ai votre colombe. Je comptois cependant vous la rendre; mais je ne veux point chercher à m'excufer. Je fens tout mon tort; j'ai caufé votre peine, je vous ai trompée, je fuis ingrate, extravagante; enfin je ne mérite plus l'amitié d'Amélie. Vous n'aimerez plus que Zélis, je dois m'y attendre... J'en mourrai, cela eft fûr.... Ah! du moins, ma Sœur, accordez-moi votre pitié. AMÉLIE l'embrase. Injufte & chère amie!.... ROSINE. Quoi, vous m'aimez toujours?.... ZÉLIS, en riant. Oui, après moi, vous ferez l'amie la plus chère d'Amélie. ROSINE. Ah! Zélis, quelle amère & cruelle plaifan terie!.... ZÉLIS. Dans ce genre vous n'en trouverez jamais de bonnes. AMÉLIE. Ne la tourmentez pas davantage; mais je ne puis revenir de ma furprise.... Vous, Rofine, jaloufe, & de quoi? d'un oifeau.... ZÉLIS. Elle l'étoit de moi quand nous étions enfemble, & dans mon abfence, elle s'eft rejetée fur la pauvre colombe. Elle l'auroit été de la bonne mère Nicole, ou bien d'autre chose; car je vois que les jaloux, pour fe livrer à leurs fantaisies, n'ont befoin ni de prétextes, ni d'objets raisonnables. ROSINE. Hélas! elle a raison.... A MÉLIE. Quoi, Rofine, vous pouviez penser que j'aimois mieux ma colombe que vous?.... |