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succès dans la tragédie, dans l'opéra, dans la comédie; et Inès, Issé et le Magnifique, ouvrages restés au théâtre, quoique dans un rang secondaire, répandaient sur l'auteur cet éclat qui suit d'abord les succès de la scène.

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Nous avons vu qu'Inès ne soutenait pas le sien à la lecture; mais il n'en est pas de même d'Issé. La Motte, incapable d'atteindre à la poésie tragique, se trouva beaucoup plus au niveau de la pastorale dramatique, qui n'exige aucune espèce de force, mais seulement de l'esprit, et cette sorte d'élégance qui résulte d'une diction pure et claire, d'un tour facile et agréable, et ne va guère audelà. C'est le mérite d'Issé, qui est encore aujourd'hui la meilleure de nos pastorales lyriques. Le sujet était fort simple; l'idée en était déja commune, et a été depuis vingt fois ressassée dans tous les genres: c'est le déguisement d'un dieu qui veut se faire aimer d'une nymphe, sous le nom d'un berger. Mais si le fond est mince, il est nuancé avec art. La pièce, qui n'a que trois actes, est bien tissue; et comme les amours d'Apollon ne sont guère que de la galanterie, l'auteur fut à portée de faire voir que son talent allait du moins jusque-là, s'il ne pouvait aller jusqu'à la passion. Son dialogue est ingénieux sans l'être trop, et sa versification n'a plus cette sécheresse et cette dureté qui caractérisent ses odes, faites avec tant d'effort, et ses tragédies, écrites avec tant de faiblesse. Il faisait mieux, parce qu'il avait moins à

tâcher; et c'est ce qui arrivera toujours quand un écrivain restera dans la sphère de son talent. On cite beaucoup de ses strophes quand on veut se moquer de vers durs et secs; mais on cite aussi des morceaux de ses drames lyriques, et notamment d'Issé, quand il s'agit de vers qui ont de l'agrément, de la douceur, et toutes ces grâces de l'esprit qui n'égalent pas, il est vrai, celles du sentiment, si fréquentes dans Quinault, mais qui conviennent et suffisent ici au genre et au sujet.

...C'est Issé qui repose en ces lieux!

J'y venais pour plaindre ma peine.

Non; mes cris troubleraient son repos précieux :
Renfermons dans mon cœur une tristesse vaine.
Vous, ruisseaux, amoureux de cette aimable plaine,
Coulez si lentement, et murmurez si bas,
Qu'Issé ne vous entende pas;

Zéphyrs, remplissez l'air d'une fraîcheur nouvelle, échos, dormez comme elle.

Et yous,

Que d'éclat! que d'attraits! Contentez-vous, mes yeux;
Parcourez tant de charmes ;

Payez-vous, s'il se peut, des larmes
Qu'on vous a vus verser pour eux.

:

Cette charmante cantatille est vraiment anacréontique les vers sont bien coupés; et, même sans le secours du chant, le rhythme est assez d'accord avec les idées, les images et les mouvements, pour que l'effet en soit sensible: c'est là

le mérite du poëte, de pouvoir se passer du mu

sicien.

On n'a pas oublié non plus ce joli couplet :

Les prés, les bois et les fontaines
Sont les favoris des amants.
On passe ici d'heureux moments,

Même en s'y plaignant de ses peines, etc.;

ni ce monologue, que l'on ne chante plus, parce que la musique de ce temps a fait place à une autre, mais qui n'en est pas moins bon :

Heureuse paix, tranquille indifférence,

Faut-il que pour jamais vous sortiez de mon cœur !
Je sens que ma fierté me laisse sans défense;
Rien ne peut me sauver d'un si charmant vainqueur.
Je force encor mes regards au silence;
Je cache à tous les yeux ma nouvelle langueur.
Mais que sert cette violence?

L'amour en a plus de rigueur,

Et n'en a pas moins de puissance.

On peut ici remarquer en passant le prix de l'expression juste. Parmi les mille et une apostrophes à l'Indifférence, que les recueils d'opéra mettent en ce moment sous mes yeux, j'en vois qui commencent par ces mots :

Charmante indifférence, etc.

Et la charmante indifférence est à faire rire, autant que si l'on disait le paisible amour. Mais dans

ce vers,

fort bien fait,

Heureuse paix, tranquille indifférence,

le sentiment de la chose est dans le nombre du

vers.

Il y a pourtant quelques endroits faibles dans Issé, et entre autres, deux couplets d'amourettes, de fleurettes et de chansonnettes: tous ces diminutifs, trop aisés à accoupler, touchent de trop près au Pont-Neuf; mais le bon prédomine partout; et l'auteur se soutient même sur un ton un peu plus élevé dans le seul endroit qui le comportât, l'invocation à l'oracle de Dodone :

Arbres sacrés, rameaux mystérieux,
Troncs célèbres, par qui l'avenir se révèle,
Temple que la nature élève jusqu'aux cieux,
A qui le printemps donne une beauté nouvelle,
Chênes divins, parlez tous;

Dodone, répondez-nous.

Mais déja chaque branche agite sa verdure;
Les chênes semblent s'ébranler;

Chaque feuille murmure;
L'oracle va parler.

L'auteur a joint aux amours d'Apollon ceux de Pan, son confident, pour une Doris, sœur d'Issé, et qui sont d'une tout autre espèce. Si la galanterie d'Apollon est tendre, celle de Pan est une sorte de badinage qui ne réussirait pas souvent auprès des femmes, et qu'on ne pardonne ici au dieu des bergers que parce que, en sa qualité de

Cours de Littérature. XII.

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confident, il ne songe qu'à passer le temps : il ne prêche que l'inconstance, et se donne franchement pour en être le patron et le modèle. Cet épisode, quoiqu'un peu froid, ne forme pourtant pas une disparate trop forte, et offrait sur-tout au musicien un moyen de variété. Le poëte se tire même assez adroitement de cette intrigue de quelques heures, en faisant dire à Doris :

Eh bien! à votre amour je ne suis plus rebelle,
Et je consens enfin à m'engager.

Voyons, dans notre ardeur nouvelle,

Si vous m'apprendrez à changer,

Ou si je vous rendrai fidèle.

Cet engagement se fait au second acte; et, au troisième, Pan a déja couru après une Thémire, et Doris a écouté le jeune Iphis. La partie se rompt comme elle s'était liée, sans peine et sans reproche de part et d'autre, et Pan s'écrie :

Le plus charmant amour
Est celui qui commence
Et finit en un jour.

Et qu'on ne dise pas que c'est là une morale d'opéra tout au contraire, cela dut paraître à peu près une nouveauté; car, si on veut entendre parler éternellement de constance éternelle, il n'y a qu'à lire des opéra.

En rendant justice à la coupe heureuse de ceux de La Motte, on lui a pourtant reproché avec

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