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mille royale et du peuple de Calydon, finit cependant par un dévouement héroïque, en se donnant la mort plutôt que de sacrifier son rival, dont le sort est entre ses mains. La situation en elle-même est tragique et théâtrale, comme toute l'action de la pièce, tirée des Achaïques de Pausanias. Callirhoé, princesse de Calydon, doit, par l'ordre des dieux, épouser le grand-prêtre de Bacchus, issu du sang des rois, et que le vœu du peuple appelle à hériter du trône; mais elle aime Agénor, prince du même sang, et quelques efforts qu'elle fasse d'abord pour soumettre l'amour au devoir, l'amour l'emporte, et le grand-prêtre Corésus est refusé. Irrité des refus de la princesse, qu'il aime éperdûment, il implore la vengeance de Bacchus, qui éclate sur les Calydoniens par des fléaux horribles. On consulte l'oracle, qui répond que le sang de Callirhoé peut seul apaiser la colère des dieux, et doit couler sur les autels, à moins qu'une autre victime ne s'offre à sa place. Agénor ne balance pas, et Corésus, sacrificateur, se trouve ainsi le maître de se défaire d'un rival sans qu'on puisse même accuser sa vengeance, légitimée par un oracle; mais il est sûr aussi de perdre sans retour Callirhoé, qui certainement, quoi qu'il arrive, n'épousera jamais le meurtrier de son amant. Ce noeud est dramatique; mais comment le trancher? Corésus, que le poëte a eu soin de représenter moins cruel de caractère que forcené de jalousie, vient à l'autel sans avoir pris

Cours de Littérature. XII.

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encore de résolution: les deux victimes y sont, se disputant la mort; le tableau est frappant, et l'attente est terrible. Corésus, témoin de tout l'amour qu'Agénor et Callirhoé montrent en ce moment l'un pour l'autre avec plus de vivacité que jamais, s'écrie :

Ciel! en les immolant je ne puis les punir! Le mot est vrai, et le vers est beau.

CALLIRHOÉ ET AGÉNOR.

Frappe, voilà mon cœur. Qui peut te retenir?

CORÉSUS.

Agénor, j'applaudis à l'ardeur qui t'anime.
J'honore ta vertu: tes vœux seront contents.

CALLIRHOÉ.

Je frémis... achève, il est temps.

Corésus sépare les deux amants, et, saisissant le glaive:

Arrêtez, c'est à moi de choisir la victime.

Il se frappe.

. Je sauve vos jours;

De vos malheurs, des miens je termine le cours. (A Callirhoé.)

Vous pleurez! Se peut-il que ce cœur s'attendrisse? Je meurs content... mes feux ne vous troubleront plus. Approchez... en mourant que ma main vous unisse. Souvenez-vous de Corésus.

Je ne crois pas qu'un autre dénoûment fut possible, à moins d'employer une machine d'opéra, une intervention divine, qui, dans des situations si fortes, paraîtrait froide; ce qui est le plus grand de tous les défauts. Mais il y en a un autre ici, et très-réel; c'est que le personnage, haï jusque-là, devient sans contredit le premier, et attire sur lui toute la pitié et tout l'intérêt, par un des traits de l'héroïsme qui est peut-être le plus rare; car il est tout autrement aisé de se sacrifier pour ce qu'on aime, quand on est aimé, que quand on ne l'est pas. Il arrive de là que ce dénoûment mêle une impression triste et affligeante au sentiment de plaisir que doit produire le bonheur des deux personnages aimés. Peut-être les grands développements que la tragédie seule comporte auraient pu préparer un peu davantage cette catastrophe, et en modifier les effets; mais je doute mais je doute que, dans tous les cas, on pût remédier tout-à-fait à cet inconvénient de la situation donnée, que je n’observe pas comme une faute, mais comme une imperfection inévitable, telle qu'en offrent quelquefois les plus belles situations du théâtre.

On a remis de nos jours cet opéra, avec une nouvelle musique qui n'eut aucun succès; il doit en avoir dans tous les temps, quand la musique sera bonne, et aujourd'hui sur-tout que l'on tâche de rapprocher l'opéra de la tragédie, et beaucoup plus, je crois, qu'il ne faut. Quoi qu'il en soit, le dialogue et les vers ne sont pas en général au

dessous du sujet, au moins pour le sentiment et la pensée; car le nombre et la tournure se sentent encore trop souvent de cette pénible facture, plus désagréable peut-être dans les vers mêlés que dans les alexandrins. Voici, par exemple, un bien mauvais récit :

Les rebelles vaincus fuyaient devant nos traits.
Malgré mon sang versé, jusqu'au fond des forêts
Le victoire m'entraîne.

Je tombe je trouvai d'heureux et prompts secours.
Par le temps et les soins je respirais à peine:
J'apprends qu'à Corésus vous unissez vos jours.

Je respirais par le temps.... fuyaient devant nos traits.... il n'en faut pas davantage pour reconnaître un écrivain étrangement gêné par la mesure et la rime.

Un amant malheureux et tendre D'une erreur qui lui plaît aime à s'entretenir: Mais que de pleurs à répandre Quand il faut en revenir.

En revenir est bien plat; y renoncer était le mot convenable, et, de plus, il fallait le rapprocher davantage de l'erreur, et ne pas interposer le substantif pleurs, qui embarrasse la construction.

Rien n'est plus malheureux que le mélange du prosaïsme et de la dureté, et Boileau savait encore quelque gré à Chapelain d'un vers noble, quoique dur; mais des vers tels que ceux-ci sont

mauvais doublement :

}

J'ai souffert les plus rudes coups
Que puisse craindre un cœur tendre.
Quand le ciel me permet d'attendre
Un sort plus calme et plus doux',
Cruelle, démentez-vous

L'espérance qu'il veut me rendre?

Ces six vers ne sont qu'une prose rimée, où rien jamais n'avertit l'oreille qu'elle entend des vers, et où souvent même elle est blessée par des sons rudes. Je ne crois pas que, dans les scènes de Quinault, on trouvât une phrase de quatre vers qui fût ainsi dépourvue de nombre; mais ce défaut devient encore plus sensible quand des vers mal tournés en rappellent d'autres qui le sont parfaitement. Agénor dit à Callirhoé précisément les mêmes choses qu'Achille à Iphigénie; mais les mêmes choses ne sont pas les mêmes vers.

CALLIRHOÉ.

L'autel est prêt: j'r veux aller.

AGÉNOR.

J'y cours de Corésus que le crime s'expie.
On me payera (1) cher de m'avoir fait trembler.
Le bûcher brûle, et moi, j'éteins sa flamme impie

(1) L'usage est de faire ce mot de deux syllabes seulement pour éviter la valeur incertaine de la diphthongue, et l'on peut alors écrire ce mot avec un y, comme dans plaidoyrie, ou un í avec un chevron, patra, emploíra, etc.

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