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COURS

DE

LITTÉRATURE

ANCIENNE ET MODERNE.

TROISIÈME PARTIE.

DIX-HUITIEME SIÈCLE.

SUITE DU LIVRE PREMIER.

POÉSIE.

CHAPITRE VI.

De l'Opéra.

SECTION PREMIÈRE.

Danchet et La Motte.

En résumant ce qui a été dit jusqu'ici de la poésie dramatique dans ce siècle, nous voyons que la tragédie seule peut soutenir la comparaison avec le siècle dernier, graces à Voltaire sur-tout, qui a du moins balancé par l'effet théâtral la su

périorité que Racine s'est acquise par la perfection des plans et du style; que dans la comédie nous étions restés décidément inférieurs, puisque nos trois meilleures pièces, partagées entre trois différents auteurs, n'atteignaient pas la profondeur et l'originalité des chefs-d'œuvre du seul Molière, et n'égalaient pas même leur nombre, et qu'aucun de ces trois écrivains ne pouvait être généralement comparé, pour la force du génie comique, à l'auteur du Joueur, du Légataire et des Ménechmes. Nous descendons encore davantage dans l'opéra, genre sans contredit moins difficile, et dans lequel pourtant rien ne s'est approché, même de loin, des nombreux avantages de l'heureux génie qui l'a créé, et qui seul y a jusqu'ici excellé. Quinault y reste toujours hors de comparaison, comme Molière, comme La Fontaine, comme Boileau, comme Rousseau, chacun dans le sien. Ce résultat, qu'on ne saurait contester, et que nous trouverons le même dans le plus haut genre d'éloquence parmi nous, celui de la chaire, et dans presque toutes les parties les plus brillantes de la littérature, ne répond pas tout-à-fait aux magnifiques prétentions d'un siècle si prodigieusement vain, mais n'en sera pas moins avoué. par l'équitable postérité. Cette disproportion me semble assez bien expliquée par un mot fort remarquable d'un homme qui eut plus d'esprit que de talent dans les productions de sa jeu

nesse, mais dont la maturité sage et réservée a bien racheté la légèreté de ses premières années, le cardinal de Bernis, qui en 1767 écrivait à Voltaire : Il est plaisant que l'orgueil s'élève à mesure que le siècle baisse. La raison peut en effet trouver ce contraste plaisant; mais elle le trouve aussi très-naturel.

Je sais que quelques hommes supérieurs ont pu, d'un autre côté, nous offrir une compensation, en appliquant le talent d'écrire, et dans un degré nouveau, aux sciences naturelles et spéculatives. C'est ce qui a classé dans un rang éminent Fontenelle, Buffon, sur-tout Montesquieu, qui, par sa force de pensée et d'expression, s'est mis à part dans son siècle, comme Tacite dans le sien. On doit sans doute y joindre J. J. Rousseau, mais en séparant du déclamateur et du sophiste le moraliste éloquent et l'homme sensible; quand nous en serons -là, je ferai valoir, autant qu'il convient, ces titres particuliers de notre âge. On a pu voir, dans l'examen du théâtre de Voltaire, combien je me suis attaché à en relever le mérite, et que j'étais aussi incapable de méconnaître ce que notre poésie lui doit, que je ne le serai ailleurs de dissimuler rien du mal qu'il a fait aux mœurs et à la religion. Plus je me crois obligé d'avouer ce qui nous accuse, moins je me crois permis de rien ôter à ce qui peut nous honorer.

Mais il n'en demeure pas

moins vrai que, dans

les arts d'imitation, qui en ce moment nous occupent encore, ce siècle a plus cherché à être novateur qu'il n'a réussi à servir de modèle, sans doute parce que l'un était plus aisé que l'autre. Cependant, quoiqu'il y eût dans cette ambition plus d'inquiétude que de moyens, elle n'a pas laissé de découvrir quelquefois des ressources secondaires, qui déguisaient plus qu'elles ne rachetaient l'infériorité réelle par l'avantage de la nouveauté. C'est ainsi que nous avons vu La Chaussée substituer avec assez d'art et de bonheur le drame mixte à la haute comédie. Nous verrons de même, au théâtre de l'opéra, La Motte, trop faible contre Quinault dans la tragédie lyrique, être plus heureux dans la pastorale, que le succès d'Issé mit en vogue, et dans ces actes détachés qu'on nomme à l'opéra fragments, qui ont été si long-temps à la mode. C'est dans ce même genre que Roy fit ses Éléments, qui, après avoir brillé sur la scène, ont conservé des droits à l'estime. Jephté, Dardanus, Sémélé, Castor, Callirhoé, et quelques autres pièces, ont obtenu dans le grand opéra un rang distingué qu'elles soutiennent plus ou moins à l'examen. Mais avant d'en venir là, il faut voir d'un coup d'oeil général ce que devint ce spectacle après Quinault.

Campistron, Duché, Fontenelle, Danchet et La Motte, se disputèrent les honneurs de ce théâtre le premier n'y a gardé aucun titre, :

et

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