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Infini de Traductions, qui ont été faites de l'Evangile en diverses Langues avant celle de Mons, il y en a vingt fois plus qui ont traduit comme moi par le préfent, qu'il n'y en a qui ont traduit par le Futur, comme on a fait à Mons.

Il eft vrai, que, quoique je ne me serve que du tems préfent, le tour que je donne à ce paffage fait entendre clairement que Zachée parloit de fes bonnes œuvres accoutumées; Et quand je m'apperçois que j'ai fait tort à quelqu'un, je lui rens quatre fois autant que je lui ai pris : Au lieu que les autres, qui ont traduit comme moi par le préfent, n'y ont pas donné le même tour. Mais quoiqu'ils ne faffent pas entendre ce même fens fi clairement que moi, ils ne laiffent pas de le faire entendre fuffifamment en s'exprimant par le préfent, puifque l'ufage univerfel de toutes les Langues veut qu'on fe serve de ce tems-là, pour fignifier ce qu'on a coutume de faire, & non pas ce qu'on fera à l'avenir.

Car il n'y a point de milieu entre ces deux opinions; & c'eft en quoi ce paffage eft fort fingulier, bien loin qu'il doive fervir de modéle pour tous les autres où l'Ecce se trouve avec un préfent, comme M. Arnauld le prétend.Dans ces autres, on peut fort bien entendre ce préfent au pied de la lettre, comme

quand Dieu dit, Ecce fto ad oftium & pulso, rien n'empêche qu'on n'entende, que Dieu veut dire, qu'il eft actuellement à la porte, & qu'il y frape dans l'inftant même qu'il le dit: mais on ne fçauroit entendre de la même maniere le tems préfent dont Zachée fe fert, puifqu'il eft bien certain qu'il ne donnoit pas actuellement aux pauvres la moitié de fon bien, & qu'il ne rendoit pas réellement & de fait le quadruple de ce qu'il avoit pris,dans l'inftant même qu'il le difoit à JésusChrift. Ainfi il eft bien force, malgré qu'on en ait, d'entendre du Paffé, ou du Futur, ce qu'il dit au tems préfent, qu'il fait; de l'entendre de l'habitude, ou du deffein, de le faire.

Or dans cette néceffité, tout le monde peut juger lequel des deux eft le plus naturel. J'avoue qu'on dit quelquefois, Je donne telle chofe, quoiqu'on ne la livre pas réellement à ceux à qui on dit qu'on la donne, dans l'inftant même qu'on le dit, & qu'elle ne doive leur être livrée qu'après. Ainfi, je conviens, que fi Zachée difoit feulement, Je donne la moitié de mon bien aux pauvres, fon Difcours pourroit en quelque forte s'entendre auffi bien, dans l'ufage ordinaire, du deffein que de la coutume de donner. Mais je demande à toute perfonne de bonne-foi, s'il en eft de même du Verbe, Je rens ; s'il

fe prend jamais pour le deffein de rendre, & pour quelqu'autre chofe que pour l'action même par laquelle on rend réellement & de fait quelque chofe qu'on a prise? Y a-t-il jamais eu d'homme au monde, qui, voulant faire entendre qu'il faifoit réfolution de rendre au plutôt ce qu'il pourroit avoir pris, fe foit exprimé de cette forte, Si j'ai pris quelque chofe, je le rens? Voilà cependant comment on fait parler Zachée contre toute forte de vraisemblance, pour faire paroître fon Difcours plus merveilleux; car il eft tems de vous découvrir le motif de l'opinion contraire à la mienne, & ce qui a obligé ceux qui l'ont fuivie à s'éloigner du fens naturel dans l'Explication de ce paffage. Voici ce que c'eft.

Ils ont regardé avec raison la conversion de Żąchée comme une illuftre preuve de la force toute-puiffante de la Grace. Sur ce fondement, ils ont cru que plus Zachée étoit méchant quand Jéfus-Chrift l'appella, plus cette Grace étoit bien admirable. Or il eft clair, qu'il étoit bien plus méchant, s'il n'avoit pas coutume dès-lors de faire les bonnes œuvres dont il parloit, que s'il avoit déja coutume de les faire; & c'eft pourquoi ils ont mieux aimé croire, qu'il n'avoit pas cette coutume, que de croire qu'il l'avoit.

Mais il me femble que, fans être fort fça

aupa

vant dans cette matiere, la plus redoutable de toutes celles de la Religion, on peut affurer hardiment, qu'il n'eft pas néceffaire, pour fonder la merveille de la Grace que ce Publicain reçut, de fuppofer qu'il ne faifoit pas auparavant les bonnes œuvres dont il parle, & que ce fut fa vocation qui lui en infpira la premiere pensée. Il me femble, dis-je, que quand il les auroit faites ravant, fa vocation n'en étoit pas moins miraculeufe, puisqu'on n'oferoit dire, que ces œuvres fuffent fuffifantes pour le rendre véritablement jufte, & qu'elles n'empêchoient pas qu'il ne fût en même tems Publicain, & Pécheur. Il y a affez de preuves inconteftables de la puiffance de la Grace dans l'Evangile, fans les exagérer. Après tant de manieres, dont cette divine Hiftoire a été attaquée dans notre Siècle, & l'eft de nouveau tous les jours, peut-on la traiter trop fimplement ?

C'est ce que j'ai tâché de faire dans l'Ou vrage dont il s'agit ici. Bien loin de le défavouer, j'en fais gloire. J'ai obfervé religieufement d'un bout à l'autre, dans tous les endroits où l'Eglife laiffe aux Interprêtes la liberté de choisir entre deux fens différens; je me fuis, dis-je, déterminé toujours pour plus naturel, & le plus littéral, après que je l'ai bien reconnu pour tel, en l'examinant

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par les Régles propres à le faire difcerner en toute Hiftoire, qui font les Mœurs, le Gouvernement, la Religion, & le Génie de la Langue vulgaire du Pays où cette Histoire s'eft paffée. J'ai cru que c'étoit le feul moyen de faire un Portrait reffemblant de celle de l'Evangile, de faire fentir aux hommes les plus charnels, en la lifant, cet air inimitable de naïveté, ce caractére de vérité, qui lui.eft tout particulier, & dont nul efprit humain ne fçauroit s'empêcher d'être frapé. Je m'en fuis expliqué ainsi dans ma Préface, je l'ai répété au commencement de cet Ecrit, & je le répete encore ici. Si mon Livre vaut quelque chofe, c'est par-là qu'il le vaut ; & quand j'aurois porté mon principe trop loin, quand les quatorze Docteurs qui m'ont fait l'honneur de m'approuver, & dont je ne connois que trois, fe feroient aveuglés en ma faveur, ce que M. Arnauld, tout M. Arnauld qu'il eft, auroit affez de peine à faire voir, je fuis fûr que mon intention eft fi louable, que tous les gens de fens, qui aiment la Religion, m'excuferoient d'auffi bon cœur qu'il me condamne.

Ne croyez pas pourtant, Monfieur, que je me fois déterminé feulement par mon fens particulier à traduire comme j'ai fait. J'avoue que j'ai d'abord examiné par lui feul les matieres que j'avois à traiter; mais après

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