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D'un fi prompt changement je demande la caufe:
Ma flamme, à sa froideur est tout ce que j'oppofe;
Mais l'ingrate, éludant des propos fuperflus:
Non, dit-elle, Tircis, non, je ne t'aime plus ;
Je fuis laffe, à la fin, de vivre en esclavage.
Puis, donnant un prétexte à fon humeur volage:
Retourne où l'on t'a vû; retourne chez Cloris,
Vanter le nouveau feu dont ton cœur est épris.
A ces mots, de mes bras elle s'eft échappée.
Ce difcours me furprend, mon ame en eft frappée,
Je frémis; & ma voix, étouffée en mon fein,
Refuse de m'aider à plaindre mon deftin.
Semblable au malheureux effleuré par la foudre ;
Quoiqu'il vive, il se croit déjà réduit en poudre ;
Il demeure immobile; & fon œil ne fçait pas
Si c'eft le jour qu'il voit, ou la nuit du trépas.
L'ai je bien entendu ? Quoi ! d'un amour fi tendre
C'étoit donc là le fruit que je devois attendre ?
Allez, crédules cœurs , trop fideles amans,
Fiez-vous déformais aux tranfports, aux fermens:
On vous joue à la fin par une indigne rufe ;

C'est vous que l'on trahit, & c'est vous qu'on accufe,
Ah! puifque vers Sylvie il n'eft plus de retour,
Mourons, fermons les yeux à la clarté du jour.
Un amant plus aimable occupe fa pensée;
Elle rit avec lui de ma flamme infenfée.
Mais toi, cruel Amour, d'une inutile ardeur
Veux-tu toûjours brûler mon déplorable cœur ?
Non, barbare tyran, Vénus n'eft point ta mere:
Sur les rives du Styx un Dragon fut ton pere;
Une Hydre te porta dans fon horrible flanc ;

Alecton te nourrit de poifon & de fang;
Et contre les Humains s'armant à guerre ouverte,
Le Tartare béant te vômit pour leur perte...
Mais que fais-je? Et pourquoi ces outrageux propos
Servent-ils à calmer la rigueur de mes maux ?
Veux-je encor de l'Amour irriter la colere?
Aimable & puiffant Dieu, que l'Univers révere,
Pardonne, Amour,pardonne à mes cruels tourmens,
L'excès injurieux de mes emportemens.

Tu fçais le trifte état où l'on eft quand on aime:
De tes traits autrefois tu t'es bleffé toi même:
La beauté de Pfyché fut le brillant flambeau
Dont l'éclat fe fit voir à travers ton bandeau :
Tu l'aimas tendrement, & tu fentis
pour elle
Ce qu'aujourd'hui je fens pour Sylvie infidelle,
Tu n'as qu'à commander, Dieu d'Amour; & les feux
Dans fon cœur refroidi revivront, fi tu veux.
A tes divines loix mon ame eft affervie:
Mais s'il te plaît, enfin, de conferver ma vie,
De mon cœur malheureux vien brifer le lien,
Ou par un jufte effort y réunir le fien.

C'étoit dans la faison qui rajeunit la plaine,
Que la folitaire Malcrais,

Près d'un buiffon cachée, étoit affife au frais
Sur le penchant d'un roc, une claire fontaine
Qui partageoit fon onde en différens ruisseaux,
Les folâtres Zéphirs, & le chant des Oiseaux,
Réveilloient la Nature, & ranimoient fa veine z
Quand la voix d'un Berger fur le champ la frappan
Senfible à fon cruel martyre,

Elle écouta, gémit, voulut enfuite écrire:
Mais fon foible crayon de fes doigts s'échappa.
Cependant, de ce trouble, où la pitié l'engage,
La févere raison rappellant son efprit,
Elle s'approcha davantage,

Pour tracer ce fidéle & douloureux récit.

L'Auteur a donné quelques-unes de fes piéces

fous le nom de Mademoiselle Malcrais.

POESIES

ANACRE'ONTIQUES.

I.

HIPPO MENE.
A Mademoiselle B.

Il y avoit une fort belle Statue d'Hippomene dans les Jardins d'une Maifon de Campagne, où cette Demoiselle a paffé une partie de la belle faifon. La tête de cette Statue étant tombée, a donné occafion aux Vers fuivans.

AFFRANC

FFRANCHI des liens de la fiere Atalante, Dans ces Jardins fleuris j'avois fixé mes pas: J'y faifois mon bonheur d'adorer vos appas, Je vous trouvois toûjours plus belle & plus char

mante.

Doux & frivole espoir, dont je fus trop épris!
Defirs, qui fçûtes trop me piaire !

Autrefois d'un objet févere

La Pomme d'Or fit triompher Paris : Méprisant les dangers, d'Atalante, à ce prix, J'obtins la fuperbe conquête.

Mais de cet Or brillant, en tous lieux souhaité,

Votre cœur vertueux ne fut jamais tenté :
Nul amour ne lui plaît, nul effort ne l'arrête.
Tous les miens près de vous, hélas ! ont été vains.
Vos yeux m'ont confumé ; j'en ai perdu la tête.
Combien d'Amans ont eu le fort dont je me plains.

I I.

A Madame du HALLA Y.

BELLE & jeune Hallay, quand fur le Clavecin

Vos mains enfantent l'harmonie,

Enivré de plaifir, un charme tout divin
Me pénetre, m'émeut, maîtrise mon génie.

Je vois vos doigts légers transformés en Amours,
Doux tyrans, enchanteurs agiles,

Errer, courir, voler, fur les claviers dociles,
Et faire mille jolis tours.

Qu'ils font vifs & touchans, ces Enfans de Cythere!
Mais pour ravir les cœurs, c'eft bien affez fans eux2
Qu'avec leur frere aîné, leur triomphante mere
Regne fur votre levre & brille dans vos yeux.

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