Et ma trame eft infortunée, Si de fa queue empoisonnée Le Dragon infecte mon sort.
Quoi! cette maffe étincellants, Qui dans l'air roule loin de moi, Rendra mon ame chancelante Entre Pefpérance & l'effroi ? Prête à m'en louer ou m'en plaindre J'aurai la baffeffe de craindre Un corps privé de fentiment, Qui n'a jamais connu fon être,
Et n'eft pas lui-même le maitre De régner fur fon mouvement?
Croirai-je, étrange extravagance! Que le Ciel à votre Art foumis, Au point qu'il fut à ma naissance, Puiffe à vos yeux être remis ! Seul de fon compas infaillible, Dieu marque du temps infenfible Tous les efpaces écoulés.
Eternel Torrent! Cours immenfe! Pendant que mon efprit y pense, Mille inftans fe font envolés.
Si, fuivant votre abfurde fable; La même étoile au même afpe&t, D'un bonheur, ou malheur semblable, porte un préfage non fufpect: Pourquoi ne font-ils pas infignes,
Tant d'hommes nés fous mêmes fignes Que les Rois & les Conquérans
Ou pourquoi le même naufrage Perd-t'il cent Nochers à tout âge, Nés fous des Signes différens ?
Celui-là vit & meurt infame, Cet autre eft porté vers le bien ; Et l'Aftre feul captive une ame, Sous ce doux ou fatal lien.
Maudis ton fort, miférable Homme; Ta liberté n'eft qu'un fantôme ; N'attends plus rien des Immortels ; Tes vœux font déformais ftériles: Détruis des temples inutiles, Ravage & brûle leurs Autels.
Non, la ronde & vafte Machine; Du feul vrai Dieu connoît les Loix. Le Ciel à fon afpe& s'incline; Il parle & tout tremble à sa voix. Toujours unie à sa justice, Sa volonté n'eft point complice De l'iniquité des humains. Le libre arbitre qu'il leur donne,: De la honte ou de la Couronne Laiffe le choix entre leurs mainz.
de criminels preftiges
N'allons pas, Efprits indifcrets,
Chercher dans les airs les vestiges
De fes immuables decrets.
Auroit-il de fa Providence Fait aux Aftres la confidence! L'idée en révolte mes fens : Il créa ces corps que j'admire, Pour éclairer, non pour prédire, Ni pour recevoir mon encens.
TRAND Dieu! quelle force inconnue Guidant une invisible main,
Découvre à ma tremblante vûe, Les noirs replis du cœur humain! Que de détours! Quel labyrinthe! Que de monftres dans fon enceinte Compofent une horrible cour!
Je n'entends que foudres, qu'orages : L'éclair entr'ouvrant les nuages A peine y répand un faux jour.
Arrête, troupe impitoyable: Que fais-tu, perfide? & pourquoi Pourfuis-tu cette Vierge aimable Qui doit ici donner la loi ?
La majefté, qui brille en elle, Ef une grace naturelle Que le fard ae change jamais;
Et l'Equité pure & fincere Préfide fur fon caractere, Qui ne refpire que la paix.
Ces Monftres affreux font les Vices: Cette humble Vierge eft la Vertu, Qui s'échappant à leurs malices, Pleure fon empire abbattu. Le Ciel l'établit Souveraine Du cœur de l'Homine, qui fans peine Répondit d'abord à ses vœux : Mais ces cruels la détrônerent; Et dans fa place ils éleverent Un Monarque plus méchant qu'eux
Je te vois, fier tyran des ames, Appuyé fur ton fceptre d'or, Orgueil, qui d'horreurs & de trame Amaffes un fatal tréfor.
L'Indépendance à l'œil sinistre Eft le farouche & dur Minftre Qui te confeille & te conduit. Autour de toi fifle l'Envie, Sanglante Eumenide, affervic A la Colere qui te fuit.
Ta naiflance aveugla ton pere Qui par toi dès-lors infpiré, S'égala, Rival téméraire, A l'Etre qui l'avoit créé.
Mille & mille Anges dans fa ligue
par ta folle intrigue, Suivirent fes drapeaux flotans.
Dieu parla: les Cieux s'entrouvrirent
Et les Enfers enfevelirent
Ces innombrables Combattans.
Mais fertile en forfaits célebres, Déchu de fon premier état, Leur Chef crut, du fein des ténebres Signaler un refte d'éclat.
Dieu formant l'homme à fon image Il s'éleve écumant de rage, A travers des torrens de feux; Et contre le Ciel qu'il menace Soûtenant fon énorme audace, Tu lui dictas ces mots affreux.
Je tombe, dit-il, Dieu terrible a Percé de tes traits ennemis;
Mais ton bras, ce bras invincible M'a vaincu fans m'avoir foûmis. Transports, fureurs, bien qui me refte Servez mon défespoir funefte, Qu'irrite le bonheur d'autrui. Faifons-nous d'illuftres Complices; Subcrnons par nos artifices Deux cœurs qu'il a créés pour lui.
Jafqu'à toi ne pouvant atteindre, Tes coups ne font que m'animer, Trop fier, Dieu cruel, pour te craindre à
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