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je crois qu'ils parlent comme ils pensent, mais par là ils ne levent point la difficulté.

Ils peuvent ignorer fi elle est étendue ou non étenduë, mais ils ne peuvent pas ignorer qu'elle eft neceffairement l'un ou l'autre ; vous voyés un homme de loin & dans l'obscurité : je vous demande s'il est de vôtre connoiffance ? vous répondez que vous n'en fçavez rien, & vous avez raifon de répondre ainfi, car vous ne l'apercevés pas affez diftinctement pour en décider. Mais fi je vous demande, n'eft-il pas vrai ou que vous l'avez vû ci devant, ou que vous ne l'avez jamais vû, ou que vous en fçavez le nom, ou que vous ne le fçavez pas ? vous ne fçauriez difconvenir qu'un des deux ne foit vrai. De même s'il y avoit dans le corps une fubftance differente de l'étenduë que nous voyonsune, de ces deux propofitions feroit vraie, cette fubftance eft étendue, cette fubftance n'eft pas étenduë; car tout ce qui eft du rang des chofes étenduës, ne l'eft pas des non étenduës, & reciproquement.

Or j'ai déja prouvé qu'on ne peut pas dire dans le fiftéme que je combats, qu'elle foit étenduë; fi donc je prouve encore qu'il n'eft pas permis de la fupofer non étenduë, il faudra tomber d'accord qu'il n'eft du tout pas permis de la fuposer, & que c'est une chimere; cette derniere partie eft facile à prouver. Ce qui n'eft point étendu ne peut pas être le fujet dans lequel l'étendue fubfifte; la fubftance dont l'étendue eft un des attributs, existe d'une maniere étenduë, puisque l'étenduë eft une de fes manieres d'être un de fes états: Or être dans un état étendu, exifter d'une maniere étenduë, c'est être étendu, ou c'est être de l'étendue.

La figure eft un attribut de l'étendue, c'est l'étendue même en tant que terminée; le mouvement eft un attribut de l'étendue, & c'est l'étendue même en tant que changeant de place. Quelle plus grande difference qu'entre ce qui eft étendu & ce qui ne l'eft pas ? fi

la fubftance du corps n'est pas étendue, l'étendue fon premier attribut fera infiniment different de fa fubftance. L'étendue d'un corps pourroit donc tout au plus être regardée comme quelque chofe d'apartenant à une fubftance, comme quelque chofe fur quoi une substance non étendue auroit quelque pouvoir; mais en la concevant ainsi, on la concevroit comme une substance dépendante d'une autre differente d'elle.

Mais l'étendue, difent-ils, eft divifible à l'infini, comment feroit-elle une substance? Quoi donc, quand on diviseroit cet attribut, on ne diviferoit point sa fubftance ? quand on a partagé un pied cube d'or en cent mille pieces, la fubftance de cette maffe ainfi divifée demeure-t'elle indivisible? paffe t'elle toute entiere dans chacun de ces morceaux, ou fi elle refte toute entiere avec un feul d'eux ?

Le terme d'un eft un terme relatif, & non pas abfolus un pied cube d'étendue, eft l'étendue d'un pied, c'est une fubftance d'un pied, & non pas de deux. Le pied d'étendue à son exiftence à part de tous les autres pieds imaginables. Mais il contient 1728. pouces cubes? cela eft vrai, & chaque poulce cube eft une fubftance? cela eft encore vrai, c'eft une étendue d'un pous ce & non de deux, qui a fon existence à part de tout autre pouce cubique imaginable.

Enfin, dira-t'on, il eft bien force de fuppofer une subftance corporelle differente de l'étendue, puifqu'avec l'étendue feule on ne fçauroit expliquer ni la dureté ni la pefanteur; & d'où fçavent-ils que cela ne fe peut ? Sçavent ils tout ? ont-ils vû toutes les combinaisons poffibles des modifications de l'étendue? Peut être qu'en ajoutant quelque chofe à ce qu'on a déja dit de plus raifonnable fur les caufes de ces deux proprietés des corps terreftres, il ne reftera plus de difficulté. Ce font là des qualitez que Monfieur Boile apel'oit fort à pos Cofmiques. L'agencement de la vafte machine de

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l'Univers en eft la cause, & elles ne font pas des qualités qui dérivent immediatement de ce qui eft effentiel à un bloc d'étendue en elle-même. On peut donc, donc, pendant qu'on n'en connoîtra pas exactement la caufe, conjecturer très-raisonnablement, qu'il y a dans la difpofition de l'Univers quelque arrangement qui ne nous eft pas encore affez connu, pour en comprendre toutes les confequences, & pour en voir tous les effets.

Supofons que l'hypotefe de Defcartes fur la pefanteur, foit la veritable; avant lui on n'en avoit aucune idée; à cause de cela, étoit-on en droit de l'imputer à une forme fubftantielle? Supofons encore que celle de Monfieur Newton fur les couleurs, nous en décou vre precifément les causes; on n'y penfoit pas avant lui, & fi quelqu'un, après avoir refuté toutes les autres conjectures où il entroit du Mechanifme, avoit conclu, en difant qu'il s'en falloit tenir à la pensée des Ariftoteliciens, & dire que les couleurs font dans les corps des qualitez, toutes semblables aux sentimens qu'elles excitent, n'auroit-on pas eu raifon de leur dire, vôtre conclufion eft precipitée; viendra le tems qu'un genie plus penetrant, plus patient ou plus heureux, tirera de fes vrais principes, une explication des couleurs, auffi differente de celle d'Ariftote, que de tous ceux que les Ariftoteliciens refutent.

Combien les Nombres n'ont-ils pas de proprietés ? combien de Theorêmes ne fournissent pas leurs combinaifons ? combien de Problêmes ne peut-on pas propofer fur les Nombres, de même que fur les Triangles, les Cercles, & les autres Figures? En rejettera-t on la définition, dés qu'on fera arrêté par la difficulté de donner quelque folution compliquée ?

Dès qu'on fera convenu que corps & étendue c'est la même chose, on fera obligé de reconnoître, & on verra trés clairement, qu'aucun corps, c'est-à-dire, qu'aucucune portion d'étendue ne peut tirer fon mouvement

d'elle

d'elle-même, qu'elle ne fçauroit paffer d'elle-même de l'état de repos à celui de mouvement; qu'elle eft indifferente à l'un & à l'autre de ces deux états; qu'elle est également fufceptible de l'un & de l'autre ; que par confequent il faut que quelque caufe exterieure la détermine à l'un plûtôt qu'à l'autre.

re caufe du

Mais cette cause, differente de la fubftance corporel- La premie le, comment y a-t'elle fait naître le mouvement? Je mouvement répondrai encore à cette demande, non feulement parce eft une inque cela me paroît neceffaire, pour achever d'éclaircir telligence. la queftion fur le principe du mouvement, mais de plus, parce que cela nous amenera à en découvrir la nature.

Comme nous n'avons d'idée que de deux substances, de l'étendue & de celle qui penfe, & qu'en qualité de Phyficiens, nous voulons faire effai de nos idées, voir jufqu'où elles font capables de nous conduire, aprês avoir connu que la fubftance étendue ne peut pas être elle-même l'origine de fon mouvement, il faut effayer de la chercher dans une fubftance intelligente; or à quelque intelligence qu'on s'avifât d'attribuer les premiers mouvemens de l'Univers, comme il faudroit toûjours reconnoître que cette intelligence tiendroit fon pouvoir de l'intelligence fuprême & éternelle, c'est dans la puiffance & dans la volonté de celle-cy, qu'il faut chercher la premiere origine du mouvement.

La puiffance d'un être, tel qu'il foit, c'eft cet être même existant d'une certaine façon, ou confideré à de certains égards, c'eft cet être même agiffant, & faifant naître quelque chofe qui auparavant n'étoit pas fubftance ou état de fubftance. La puiffance de l'être fans bornes, de l'être infiniment réel, c'est donc cet être même, & par consequent elle est auffi fans bornes elle eft infiniment réelle, infiniment active. L'intelligence éternelle peut produire tout ce qu'elle veut, & le produire avec une infinie facilité, c'est à dire avec une facilité proportionnée à sa puissance, proportionnée

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à ce qu'elle
qu'elle eft. Il fuit de là qu'elle opere par fa
volonté, que fon ordre eft immediatement fuivi
d'un effet tel qu'elle l'a voulu, tel qu'elle l'a ordon-
né; car s'il falloit que cet acte de sa volonté fût en-
core foûtenu de la moindre application, fût accompa
gné du moindre effort, la facilité ne feroit pas infinie;
& une volonté efficace par elle-même, agiroit encore
plus facilement, & feroit encore plus puiffante.

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Nous faifons naître divers mouvemens dans notre corps par la feule efficace de nôtre volonté, ou du moins fi la volonté ne produit pas immediatement les mouvemens de nos muscles, elle détermine les efprits à y couler, & en général les caufes qui les agitent à s'y porter: nôtre volonté eft donc caule de ces manieres d'être, que nous appellons des déterminations de mouvement, fes ordres font incontinent exécutés ; les caufes immediates des mouvemens de nos bras & de nos jambes lui obéiffent incontinent, quoique cette volonté ne connoiffe pas ces caufes, & que ces causes ne la connoiffent pas, & ne foient pas même capables de connoiffance.

Quand on fuppoferoit qu'il n'y a dans l'homme qu'u ne feule substance, la volonté & le mouvement feroient toûjours deux attributs très-differens: la volonté est une maniere d'être, qui fe fent, & qui fe connoît par là même qu'elle exifte; au lieu que le mouvement ne fe fent ni ne fe connoît; l'une feroit pourtant la caufe de l'autre. Enfin i l'on penfe que nôtre volonté n'eft qu'une caufe occafionelle des mouvemens de nos efprits, ou de leurs déterminations, il faudra toûjours reconnoître qu'elle en eft la caufe aparente: or ce dont elle est une apparence, une ombre, une representation, il faut que la realité s'en trouve quelque part: ce fera dans la vo lonté de l'être fuprême.

Cet être renferme toutes les perfections abfoluës, c'est-à-dire, qui ne font accompagnées d'aucune im

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