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420.

J'ai saisi ce papier qui m'instruit de leur rage;
Eux-mêmes à Tarquin assuraient leur hommage;
Voyez ici leurs noms que leurs mains ont tracés.

BRUTUS.

Quoi! le nom de mon fils! ô ciel! en est-ce assez!

VALERIUS.

Je sais quelle est l'horreur du coup qui vous accable;
J'aurais voulu sauver Tibérinus coupable:

que moi
Mais vous êtes consul, vous savez mieux
Quelle est de ce haut rang l'indispensable loi.
On ya vous l'amener.

SCÈNE IV.

BRUTUS, VALÉRIE.

VALÉRIE.

Si votre âme affligée

malheurs

Seigneur, par mes discours peut être soulagée,
Souffrez que je vous dise au moins qu'en vos
Le ciel vous garde un fils qui doit sécher vos pleurs.
Aquilie eut sur lui la fatale puissance,
Par qui Tibérinus a perdu l'innocence.
Il l'aimait; cependant elle n'a pu penser
Qu'aux lois de son devoir il osât renoncer.
On n'a point attaqué sa vertu trop connue,
Et son nom ne s'est pas offert à votre vue.

SCÈNE V.

BRUTUS, VALERIE, TIBERINUS, GARDES.

TIBERINU S.

Vous me voyez, seigneur, désespéré, confus.

Je dois me souvenir que vous êtes Brutus;
Que l'austere vertu qui vous rend redoutable,
Va jusqu'au fond du cœur confondre le coupable.
Mais, seigneur, me voyant amener devant vous,
Et comme un criminel embrassant vos genoux,
Je ne puis me défendre, en un sort si contraire,
De penser que
Brutus peut être encor mon père.

BRUTUS.

Pour me voir votre père, êtes-vous donc mon fils?
Mes exemples par vous ont-ils été suivis ?

Quand j'ai chassé Tarquin, vous prenez sa défense?

A quel titre osez-vous implorer ma clémence ?
Vous devez me connaître, et vous examiner ;
Brutus fut toujours juste, et sait peu pardonner.

Quoi donc! vous voulez voir Tarquin dans nos murailles,
Célébrer son retour par mille funérailles?

Rendez-moi compte, ingrat, de toutes vos fureurs ;
Quel charme trouviez-vous à causer nos malheurs?
Qui vous fait tant hair la liberté publique?
Deviez-vous partager le pouvoir tyrannique?
Quand vous nous rameniez ces maîtres orgueilleux,
Deviez-vous de nos jours disposer avec eux?

TIBERINU S.

Non, seigneur, votre vie était en assurance;
Des Tarquins à ce prix j'embrassais la défense.

VALERIE.

Souffrez que je vous dise en faveur de ce fils,
Que par son amour seul son crime fut commis;
Aquilie a tout fait.

BRUTUS.

La pitié vous abuse,

L'amour à des forfaits ne peut servir d'excuse.

TIBERIN U S.

Ce n'est qu'à votre amour que j'en veux appeler !
La nature pour moi ne peut-elle parler?

BRUTU S.

Je n'écouterai pas sa voix trop indulgente,
Et Rome dans mon cœur sera la plus puissante.

TIBÉRINU S.

Est-il quelque devoir qui puisse rendre vains
Les droits de la nature, et si forts et si saints?
Seriez-vous sans vertus à moins d'un parricide?
Entre les lois et moi que votre sang décide.

BRUTUS.

le crime;

Prétends-tu me toucher quand je te vois frémir?
Encor si de ta faute on t'entendait gémir!
Lâche, tu crains la mort, et ne crains pas
Tu ne pousseras point un soupir légitime;
Le moindre repentir ne t'est point échappé,
Et du seul châtiment ton cœur est occupé.
C'est en vain que pour toi parlerait la nature,
Tu saurais dans mon âme étouffer ce murmure.
Je ne te connais plus; ôte-toi de ces lieux;

Par ta vile frayeur n'offense plus mes yeux.
Autant que ton forfait, ta lâcheté me blesse.

Attends mon ordre.

TIBERINUS.

Dieux !

BRUTUS.

Sors, cache ta faiblesse.

SCÈNE V I.

BRUTUS, TITUS, VALERIE.

BRUTU S.

MAIS j'aperçois Titus. Mon fils, approchez-vous,

Contre un perfide frère animez mon courroux;
Notre gloire à tous deux par son crime est ternie.
Faut-il qu'un même sang vous ait donné la vie !
Qu'un fils qui se prépare un glorieux destin,
N'ait pour frère qu'un traître, un ami de Tarquin!
Que pour vous mon amour fut toujours légitime!
Mais pourquoi ce silence? Ignorez-vous son crime?

TITUS.

Non, seigneur; mais, helas! ciel! je ne puis parler.

BRUTUS.

Que j'aime ce chagrin, qu'il me doit consoler!
Ta mortelle douleur fait revivre ton père.
C'est à toi d'effacer la honte de ton frère,
De réparer l'affront que je vais recevoir.

Embrasse-moi, mon fils; toi, mon unique espoir,
Toi seul auras ce nom, et la force en redouble.
Mais, encore une fois, parle. Quel est ce trouble?
Réponds, mon fils, réponds à mes empressemens

TITUS.

Trop indigne, seigneur, de vos embrassemens,
Même indigne du jour dont la clarté m'offense,
Depuis que j'ai perdu la gloire et l'innocence,
Je dois....

BRUTUS.

Ah! ciel je tremble. Explique ce secret.

TITUS.

Je viens pour vous l'apprendre, et l'aurais déjà fait,
Si par votre amitié
que j'ai peu méritée,

Et qu'encore un moment j'ai cependant goûtée,

Vous n'aviez suspendu l'aveu d'un crime affreux.
J'ai craint de vous porter un cri trop douloureux
J'ai plus senti ma honte, éprouvant vos caresses;
Mon cœur à vos vertus comparait ses faiblesses.
Je n'ai pu me résoudre à vous dire, seigneur,
Votre fils est un traître, il va vous faire horreur;
Du plus noir des forfaits il se trouve coupable.
Tarquin....

BRUTUS.

;

N'achève pas; dans l'horreur qui m'accable,

Laisse encore douter à mon esprit confus,
S'il me demeure un fils, ou si je n'en ai plus.

TITUS.

Non, vous n'en avez point, il n'est pas temps de feindre. Seigneur, apprenez tout, pour n'avoir plus à craindre.

VALERIE.

Qu'apprends-je, justes dieux! quel revers imprévu!

BRUTUS.

Implacable destin, à quoi me réduis-tu ?
De toute ma maison quelles fureurs s'emparent!
Mes deux fils révoltés contre moi se déclarent.
Je suis dans ma famille environné d'ingrats,
Qui contre leur patrie osent prêter leurs bras ;
Qui rappellent le joug de nos indignes maîtres;
Et le sang de Brutus ne forme que des traîtres.
Et tor, pour qui ton père était préoccupé,
Toi, de qui les dehors m'ont si long-temps trompé,
Toi, dont je sens le plus la perfidie extrême,
Je te dois plus hair que Tibérinus même;
Tu dois être puni d'une plus grande erreur
Ou tes fausses vertus avaient jeté mon cœur.

TITUS.

N'attendez pas de moi que j'ose vous répondre;
Dans l'état où je suis, j'aime à me voir confondre.
Vos reproches, seigneur, n'égaleront jamais
Et ceux que je mérite, et ceux que je me fais.
La porte Quirinale à mes soins confiée,
L'heureuse liberté sur vous seul appuyée,
Seigneur, je livrais tout par un honteux traité;
Mais un vif repentir l'a bientôt détesté.

J'ai pu sauver mes jours d'une juste poursuite;
Les témoins de mon crime ont tous deux pris la fuite;

424

Le crime est ignoré. Le seul Aquilius
Peut m'en convaincre, et fuit avec Octavius.
Avec eux ma retraite aurait été facile :

Mais au camp de Tarquin ils m'offraient un asile;
Et moi, saisi d'horreur, je reviens à vos yeux
Soulever contre moi les hommes et les dieux.
Mon erreur se dissipe et me paraît affreuse.
Je viens vous demander la mort la plus honteuse.
Je sais que de mourir j'avais la liberté ;
Mais je suis équitable, et j'ai plus mérité.
Pour donner à ma mort encor plus de justice,
Il y faut ajouter la honte du supplice;

11

Il faut servir d'exemple à qui peut m'imiter.
Je dois ma tête à Rome, et je viens l'apporter.

BRUTUS.

A tous mes sentimens je ne puis plus suffire.
Je te vois criminel, cependant je t'admire.
Ton crime fit ma haine, et je la sens mourir.
Tu redeviens mon fils, lorsque tu veux périr.

TITUS

Hâtez-vous donc, seigneur, de remplir mon attente?
Prononcez un arrêt dont Rome soit contente.
Délivrez-la de moi; terminez le destin

D'un Romain qui prêtait son secours à Tarquin.
Je remets à vos pieds cette fatale épée,
Par qui vous auriez vu votre attente trompée.

BRUTUS.

Je la prends; car en vain mon cœur est adouci;
Titus est criminel, et n'est plus libre ici.

VALÉRIE.

Seigneur, dans un revers si rude et si funeste,
Abandonnerez-vous le seul bien qui vous reste?
Le sénat vous doit tout; de cet auguste corps
Brutus peut à son gré remuer les ressorts.
Il peut sauver son fils en demandant sa grâce.
Seigneur, son crime est grand, mais sa vertu l'efface;
L'aveu qu'il fait ici, lorsqu'il a succombé,

Le rend plus glorieux que s'il n'eût pas tombé.

TITUS.

Quelle indigne pitié peut vous avoir saisie !
La bonté de Brutus ne peut rien sur ma vie.
Je sais ce qui m'est dû, madame, et c'est en vain
Qu'on ose demander la grâce d'un Romain.

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