1602. La première flotte Anglaife qui parut dans cette partie du monde, & jeta les fondemens d'un commerce qui devoit éclipfer celui de toute autre Puiffance Européenne, vifita Acheen en 1602. Lancaftre, qui la commandoit, fut reçu par le Roi avec beaucoup de cérémonies & de grands honneurs, honneurs que ces Monarques paroiffent avoir toujours proportionnés au nombre des vaiffeaux, & à la force & à la force apparente des étrangers. La lettre de la Reine d'Angleterre fut portée à la Cour, en grande pompe, & le Général, après avoir donné de riches préfens, dont le plus admiré étoit un éventail de plumes, déclara que l'objet de fon voyage étoit d'établir la paix & l'amitié entre la Reine fa Souvraine, & fon bienaimé frère, le grand & puiffant Roị d'Acheen. Après cette audience, il fut invité à un feftin préparé à son occafion, dans lequel il fut fervi fur des plats d'or, & les filles du Roi, richement parées & ornées de bracelets & de joyaux, exécutèrent devant lui diverfes danses, & jouèrent des inftrumens pour le divertir. Avant qu'il fe retirât, il fut revêtu par le Roi d'un magni fent à établir une diftinction entre les deux nations. Voyez le Recueil des Voyages qui ont fervi à l'établissement de la Compagnie des Indes orientales de Hollande, fique habit du pays, & armé de deux cris. Parmi Aladin eut deux fils, dont il fit le plus jeune Roi de Pedir, & garda l'aîné à Acheen comme fon fucceffeur à la couronne. Dans l'année 1603, il réfolut de partager avec ce fils le poids du Gouvernement, que fon grand âge commençoit à lui faire trouver trop lourd, & en conféquence il le (1) Voyage de Lancastre. 1603 1604. revêtit de la dignité Royale; mais il eut bientôt lieu de fe repentir de cette conduite (1). Car fon fils qui étoit déjà avancé en âge, brûlant d'impatience de jouir plus complètement du fouverain pouvoir, & penfant que fon père avoit poffédé la couronne affez long temps, le confina dans une prison, où le vieillard finit bientôt fes jours. (2), âgé de quatre-vingt-quinze ans (3). C'étoit un homme d'un fanté robufte, mais extrêmement gros & gras. Il étoit d'une constitution très-vigoureufe, & pour donner un exemple de fa force, on raconte que, ayant confenti une fois à embraffer, contre l'ufage du pays, un Amiral Hollandois, la preffion de fes bras fut fi violente, que l'Amiral en reffentit une grande douleur. Il étoit extrêmement paffionné pour les femmes, le jeu & la boiffon, dont fa plus favorite étoit J'arrack. Par la févérité de fes punitions, il tint fes fujets dans une crainte perpétuelle ; & les marchands qui trafiquèrent dans fes ports furent expofés à plus d'exactions & d'oppreffions que fous le Gouvernement de fes prédéceffeurs. (1) Recueil des Voyages des Hollandois. (3) Selon Beaulieu. Davis dit qu'il en avoit près de cent, & les Voyageurs Hollandois affurent que fon grand âge l'empêcha toujours de fortir de fon Palais. Le nouveau Roi, foit par indolence, foit par incapacité, fe montra bientôt indigne de régner. Il étoit toujours entouré de fes femmes qui n'étoient pas feulement fes fervantes, mais encore fes gardes, & qui, à cet effet, portoient les armes. Ses occupations étoient le bain & la chaffe ; & quant aux affaires de l'Etat, il les négligeoit totalement, au point qu'on ne vit plus dans le Royaume que meurtres, vols, oppreffions, & une infinité de défordres, faute d'une adminiftration exacte de la justice (1). Un fils de la fille d'Aladin avoit été le favori de fon grand-père: il étoit âgé de vingt-trois ans, lors de la mort de ce Prince, & il continua de refter à la Cour avec fa mère, Son oncle, le Roi d'Acheen, l'ayant un jour réprimandé vivement, il s'enfuit précipitamment, & fe retira auprès du Roi de Pedir, fon oncle auffi, qui le reçut avec joie, & refusa de le renvoyer felon le défir de fon vieux frère, & de faire la moindre violence à un jeune Prince que leur père avoit chéri tendrement. Ce refus fut l'occafion d'une longue & fanglante guerre entre les deux Rois, qui coûta la vie à plufieurs milliers d'hommes. Les troupes de Pedir furent commandées par le neveu, & confervèrent pendant quelque temps l'avantage fur celles d'Acheen; mais (1) Voyages des Hollandois. Beaulicu. 1606. enfin fe voyant inférieures, elles refusèrent de marcher, & le Roi de Pedir fut contraint d'abandonner le jeune Prince, qui fut mené à Acheen, & enfermé dans une étroite prifon (1). Peu de temps après, une efcadre Portugaise, commandée par Martin Alfonfe, allant au fecours de Malacca, affiégé par les Hollandois, jeta l'ancre dans la rade d'Acheen, dans le deffein de fe venger de ce que le Roi avoit reçu dans fes ports les Anglois, leurs rivaux, contre les ftipulations du traité conclu entr'eux (2). Le ViceRoi débarqua fes troupes, auxquelles les Achenois opposèrent des forces confidérables; mais après une résistance vigoureufe de la part de l'ennemi, il s'empara du premier fort de gazon, avec deux pièces de canon, & commença à attaquer le fecond qui étoit en mâçonnerie. Dans cette pofition critique, le jeune Prince prifonnier envoya un message à fon oncle, pour le prier de lui permettre de joindre l'armée, & de combattre, déclarant qu'il aimoit mieux périr les armes à la main contre les Caffres, (c'eft ainfi qu'ils affectoient toujours d'appeler les Portugais (3) que (1) Beaulieu. (2) Faria y Soufa. (3) Les guerriers Achenois prenoient, dit-on, comme |