Sect. 34. Du motif qui fait lire les poëfies. Que l'on n'y cherche pas l'inftruction com- Sect. 35. De la mécanique de la Poëfie qui ne regarde les mots que comme de fimples fons. Avantage des Poëtes qui ont compofé en La- tin, fur ceux qui compofent en François. 287 Sect. 37. Que les mots de notre langue na- turelle font plus d'impreffion fur nous que les mots d'une langue étrangere. 335 ·Sect. 38. Que les Peintres du tems de Ra- phaël n'avoient point davantage fur ceux Sect. 43. Que le plaifir que nous avons au thea- tre n'eft point l'effet de l'illufion. Page 416 des Italiens. Que les Italiens n'ont culti- vé cet art qu'après les François & les Fla- Fin de la Table. * REFLE Ο n éprouve tous les jours que les vers & les tableaux caufent un plaifir fenfible; mais il n'en eft pas moins difficile d'expliquer en quoi confifte ce plaifir qui reffemble fouvent à l'affliction, & dont les fumptomes font quelquefois les mêmes que ceux de la plus vive douleur. L'art de la Poëfie & l'art de la Peinture ne font jamais plus applaudis que lorfqu'ils ont réuffi à nous affliger. Α Tome I. La La repréfentation pathétique du facrifice de la fille de Jepthé enchaffée dans une bordure, fait le plus bel ornement d'un cabinét qu'on a voulu rendre agréable par les meubles. On néglige, pour contempler ce tableau tragique, les fujets grotefques & les compofitions les plus riantes des Peintres galants. Un poëine, dont le fujet principal eft la mort violente d'une jeune Princefle, entre dans l'ordonnance d'une fête; & l'on destine cette tragédie à faire le plus grand plaifir d'une compagnie qui s'affemblera pour fe divertir. Généralement parlant, les homines trouvent encore plus de plaifir à pleurer, qu'à rire au théâtre. Enfin plus les actions que la Poëfie & la Peinture nous dépeignent, auroient fait souffrir en nous l'humanité, fi nous les avions vûes véritablement, plus les imitations que ces Arts nous en préfentent ont de pouvoir fur nous pour nous attacher. Ces actions, dit tout le monde, font des fujets heureux. Un charme fecret nous attache donc fur les imitations que les Peintres & les Poëtes en favent faire, dans le tems même que la nature témoigne par un frémiffement inté rieur qu'elle fe fouleve contre fon propre plaifir. J'ofe J'ofe entreprendre d'éclaircir ce paradoxe, & d'expliquer l'origine du plaifir que nous font les vers & les tableaux. Des entrepri fes moins hardies peuvent paffer pour être téméraires, puifque c'eft vouloir rendre compte à chacun de fon approbation & de fes dégoûts; c'eft vouloir inftruire les autres de la maniere dont leurs propres fentimens naiffent en eux. Ainfi je ne faurois espérer d'être approuvé, fi je ne parviens point à faire reconnoître au lecteur dans mon livre ce qui fe paffe en lui-même, en un mot les mouvemens les plus intimes de fon cœur. n'hélite guéres à rejetter comme un miroir infidéle le miroir où l'on ne se reconnoît pas. On Les Ecrivains qui raisonnent fur des matieres, s'il étoit permis de parler ainfi, inoins palpables, errent fouvent avec impunité. Pour démêler leurs fautes, il eft néceffaire de réfléchir, & fouvent même de s'inftruire; mais la matiere que j'ofe traiter est préfente à tout le monde. Chacun a chez lui la regle ou le compas applicable à mes raifonnemens, & chacun en fentira l'erreur, dès qu'ils s'écarteront tant foit peu de la vérité. D'un autre côté, c'eft rendre un fervice important à deux Arts que l'on compte parini A 2 les |