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gogne; & l'Aigle dans celles des Romains; enfin qu'on fe conforme à celles de leurs cou tumes qui ont du rapport avec l'action du tableau. Ainfi le Peintre qui fera un tableau de la mort de Britannicus, ne représentera point Néron & les autres convives aflis autour d'une table; mais bien couchés fur des lits.

L'erreur d'introduire dans une action des perfonnages qui ne purent jamais en être les témoins, pour avoir vécu dans des tems éloignés de celui de l'action, est une erreur groffiere où nos Peintres ne tombent plus. On ne voit plus un faint François écouter la prédication de faint Paul, ni un Confeffeur le Crucifix en main, exhorter le bon Larron.

Enfin la vraisemblance poëtique demande que le Peintre donne à fes perfonnages leur air de tête connu, foit que cet air de tête nous ait été tranfmis par des médailles, des ftatues, ou par des portraits; foit qu'une tradition, dont ne connoît pas la fource, nous l'ait confervé; foit même qu'il foit imaginé. Quoique nous ne fachions pas bien certainement comment faint Pierre étoit fait, néanmoins les Peintres & les Sculpteurs font tombés d'accord par une convention tacite de le représenter avec un certain air de tête & une certaine taille qui font devenus propres à ce

Saint. En imitation, l'idée reçue & géné ralement établie, tient lieu de la vérité. Ce que j'ai dit de faint Pierre, peut auffi fe dire de la figure fous laquelle on repréfente plufieurs autres Saints, & même de celle qu'on donne ordinairement à faint Paul, quoiqu'elle ne convienne pas trop avec le portrait que cet Apôtre fait de lui-même. Il n'importe, la chofe eft établie ainfi. Le Sculpteur qui représenteroit faint Paul plus petit, plus décharné, & avec une barbe plus courte que faint Pierre, feroit repris, autant que le fut Bandinelli, pour avoir mis à côté de la ftatuë d'Adam qu'il a faite pour le dôine de Florence, une ftatuë d'Eve plus haute que celle de fon mari (*).

Nous voyons par les Epitres de Sidonius Apollinaris (**) que les Philofphes illuftres de l'Antiquité avoient auffi chacun fon air de tête, fa figure & fon gefte qui lui étoient

pro

(*) Ces deux ftatuës ne font plus dans l'Eglife cathedrale de Florence; elles en ont été ôtées en 1722 par ordre du Grand Duc Cofme III, pour être mises dans la grande Sale du vieux Palais. On leur a fubftitué un groupe que Michel-Ange avoit laiffé imparfait, & qui représente un Chrift defcendu de la Croix.

(**) Libro nono, Epist. nona.

propres en peinture. Per Gymnafia pinguntur Zeufippus cervice curva, Aratus panda, Zenon fronte contracta, Epicurus cute diftenta, Diogenes barba comante, Socrates coma candente, Ariftoteles brachio exferto, Xenocrates crure collecto, Heraclitus fletu oculis claufis, Democritus rifulabris apertis, Chryfippus digitis propter numerorum indicia conftrictis, Euclides propter menfurarum fpatia laxatis, Cleanthes propter utrumque corrofis. Raphaël s'eft bien fervi de cette érudition dans fon tableau de l'Ecole d'Athenes. Nous apprenons auffi de Quintilien (*) que les anciens Peintres s'étoient affujettis à donner à leurs Dieux & à leurs Héros la phyfionomie & le même caractere que Zeuxis leur avoit donné, ce qui lui attira le nom de Législateur. Ille verò ita circumscripsit omnia, ut eum legumlatorem vocent, quia Deorum & Heroum effigies, quales ab co funt traditae, caeteri tanquam ita neceffe fit sequuntur.

L'Obfervation de la vraifemblance me paroît donc, après le choix du fujet, la chofe la plus importante dans le projet d'un poëme ou d'un tableau. La regle qui enjoint aux Peintres comme aux Poëtes, de faire un plan

(*) Inftit. lib. 12. C., X.

judi

judicieux, & d'arranger leurs idées de maniere que les objets fe débrouillent fans peine, vient immédiatement après la regle qui enjoint d'obferver la vraisemblance.

SECTION

XXX I.

De la difpofition du Plan. Qu'il faut divifer l'ordonnance des Tableaux en compofition Poetique & en compofition Pittorefque.

Mes réflexions fur le plan des Poëines feront bien courtes, quoique la matiere foit des plus importantes. Ce que l'on peut dire touchant les Poëmes de grande étendue, fe trouve déja dans le Traité du Poëme Epique par le Pere le Boffu, dans la pratique du Théâtre par l'Abbé d'Aubignac, comme dans les differtations que le grand Corneille a faites fur fes propres pieces. Ce qu'on peut dire touchant les petits ouvrages de Poëfie, eft très-court. S'ils font le récit d'une action, il faut qu'ils ayent, ainfi que les pieces de théâtre, une expofition, une intrigue & un dénouement. S'ils ne contiennent pas uné action, il faut qu'il y ait un ordre ou fenTome I. R fible

fible ou caché; & que les penfées y foient difpofées de maniere que nous les concevions fans peine, & que nous puiffions même retenir la fubftance de l'ouvrage & le progrès du raifonnement.

Quant à la Peinture, je crois qu'il faut divifer l'Ordonnance ou le premier arrangement des objets qui doivent remplir un tableau, en compofition pittorefque & en composition poëtique.

J'appelle compofition pittorefque, l'arrangement des objets qui doivent entrer dans un tableau, par rapport à l'effet général de ce tableau. Une bonne compofition pittorefque eft celle dont le coup d'œil fait un grand effet, fuivant l'intention du Peintre, & le but qu'il s'eft propofé. Il faut pour cela que le tableau ne foit point embarraffé par les figu res, quoiqu'il y en ait affez pour bien remplir la toile. Il faut que les objets s'y démêlent facilement. Il ne faut pas que les figures s'eftropient l'une l'autre en fe cachant réciproquement la moitié de la tête, ni d'autres parties du corps, lefquelles il convient au fujet que le Peintre faffe voir. Il faut enfin que les groupes foient bien compofés; que la lumiere leur foit diftribuée judicieusement; & que les couleurs locales, loin de

s'en

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