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Les paffages de ces Auteurs que nous ne comprenions pas bien, quand les Peintres modernes ignotoient encore quels prestiges on peut faire avec le fecours de cette magic, ne font plus fi embrouillés & fi difficiles, depuis que Rubens, fes éleves, Polidore de Caravage, & d'autres Peintres, les ont expliqués bien mieux, les pinceaux à la main, que les commentateurs les plus érudits ne le pouvoient faire dans des livres,

Il me paroît réfulter de cette difcuffion, que les Anciens avoient pouffé la partie du deffein, du clair-obfcur, de l'expreffion & de la compofition poëtique du moins auffi loin que les Modernes les plus habiles peuvent l'avoir fait. Il me paroît encore que nous ne faurions juger de leur coloris, mais que nous connoiffons fuffifamment par leurs ouvrages, fuppofé que nous avons les meilleurs, que les Anciens n'ont pas réuffi dans la compofition pittorefque auffi-bien que Raphaël, Rubens, Paul Veronefe, & quelques autres Peintres modernes.

Le lecteur fe fouviendra de ce qui a donné lieu à cette digreffion fur la capacité des Anciens dans l'Art de la peinture. Après avoir parlé de l'avantage que les Poëtes Latins avoient fur les Poëtes François, j'avois avancé

que

que les Peintres des fiécles précédens n'avoient pas eu le même avantage fur les Peintres qui travaillent aujourd'hui, ce qui m'a mis dans la néceffité de dire les raifons pour lefquelles je ne comprenois pas les Peintres Grecs & les anciens Peintres Romains dans ma propofition. J'y reviens donc, & je dis, que les Peintres qui ont travaillé depuis la renaiffance des Arts, que Raphaël & fes contemporains n'ont point eu aucun avantage fur nos Artifans. Ces derniers favent tous les fecrets, ils connoiffent toutes les couleurs dont les premiers fe font fervis.

SECTION XXX I X.

En quel fens on peut dire que la Nature fe foit enrichie depuis “Raphaël.

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u contraire les Peintres qui travaillent aujourd'hui, tirent plus de fecours de l'Art, que Raphaël & fes contemporains n'en pouvoient tirer. Depuis Raphaël, l'Art & la Nature fe font perfectionnés; & fi Raphaël revenoit au monde avec fes talens, il feroit mieux encore qu'il ne l'a pu faire dans le tems où la deftinée l'avoit placé, au lieu que

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Vir

Virgile ne pourroit point écrire un Poëme épique en François, auffi-bien qu'il l'a écrit en Latin. L'Ecole Lombarde a porté le coloris à une perfection où il n'avoit pas encore atteint du vivant de Raphaël. L'Ecole d'Anvers a fait encore depuis lui plufieurs découvertes fur la magie du clair-obscur. Michel-Ange de Caravage & fes imitateurs ont auffi fait fur cette partie de la peinture, des découvertes excellentes, quoiqu'on puifle leur reprocher d'en avoir été trop amoureux. Enfin depuis Raphaël, la Nature s'est embellie. Expliquons ce paradoxe.

Nos Peintres connoiffent préfentement une nature d'arbres & une nature d'animaux plus belle & plus parfaite que celle qui fut connue aux devanciers de Raphaël & à Raphaël lui-même. Je me contenterai d'en alléguer trois exemples, les arbres des Pays-Bas, les animaux d'Angleterre & de quelques autres Pays: enfin les fruits, les fleurs & les arbres des Indes, tant Orientales qu'Occidentales.

Raphaël & fes contemporains ont vécu dans des tems où l'Afie Orientale & l'Amérique n'étoient pas encore découvertes pour les Peintres. Un pays n'eft découvert pour

les gens d'une certaine profeffion, ils ne fauroient profiter de celles de fes richeffes, qui

font

les

font à leur ufage, qu'après qu'il y a paffé des gens de leur profeffion. Le Bréfil, par exemple, etoit découvert pour les Marchands longtems avant que d'être découvert pour Médecins. Ce n'a été qu'après que Pifon & d'autres Médecins habiles ont été au Bréfil, que les Médecins d'Europe en ont bien connu les fimples & les arbres. De même l'Afie Orientale & l'Amérique étoient déja découvertes pour les Epiciers & pour les Lapidaires au tems de Raphaël; mais ce ne n'eft qu'après lui que ces parties du monde ont eté découvertes pour les Peintres, & qu'on en a rapporté les defleins des plantes, des fruits & des animaux rares qui s'y trouvent, & qui peuvent fervir à l'embelliffement des tableaux.

La température du climat des Pays-Bas, & la nature du fol, y font croître les arbres plus près l'un de l'autre, plus droits, plus hauts & mieux garnis de feuilles, que les arbres de la même efpece qui viennent en Grece, en Italie & même en plufieurs Provinces de la France. Les feuilles des arbres des Pays-Bas font non-feulement en plus grande quantité, mais elles font encore plus vertes & plus larges. Ainfi les collines des PaysBas donnent l'idée d'un paysage plus vert,

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plus

plus frais & plus riant que les collines d'Italie.

Les vaches, les taureaux, les moutons & même les porcs, ont en Angleterre le corfage bien mieux formé qu'ils ne l'ont en Italie & en Grece. Avant Raphaël les Marchands Vénitiens fréquentoient bien les Ports d'Angleterre; les Pellerins Anglois alloient bien à Rome en grand nombre gagner les pardons, mais les uns & les autres n'étoient pas Peintres, & ce qu'ils pouvoient raconter des animaux de ce Pays-là, n'en étoit pas un deffein.

Il est vrai que Raphaël & fes contemporains n'étudioient pas la Nature feulement dans la Nature même. Ils l'étudioient encore dans les ouvrages des Anciens. Mais les Anciens eux-mêmes ne connoiffoient pas les arbres & les Animaux dont nous venous de parler, L'idée de la belle Nature que les Anciens s'étoient formée fur certains arbres & fur certains animaux, en prenant pour modeles les arbres & les animaux de la Grece & de l'Italie, cette idée, dis-je, n'approche pas de ce que la Nature produit en ce genrelà. Pourquoi les beaux chevaux antiques, même celui fur lequel MarcAurele eft monté & à qui Pierre de Cortonne adreffoit la parole

toutes

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