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appris à Rouen. Molière tenait extrêmement à son Tartufe, et a saisi toutes les occasions qui se sont présentées pour le produire. Enfin, la date du 26 octobre, précitée, correspond justement aux neuf jours pendant lesquels la troupe de Molière demeura à Paris sans avoir de théâtre à elle. Or, il est bien probable, d'après le succès qu'elle avait eu à la cour, que pendant ces neuf jours elle donna des représentations en ville.: alors la mode était de faire jouer la comédie chez soi. Ainsi, le chevalier de Mouhy ne s'étant pas trompé sur l'existence des trois demoiselles Beaupré, comme on le verra à l'article de Marotte Beaupré, a pu dire également la vérité au sujet de ce début. Enfin, pour que le chevalier de Mouhy ait dit qu'une actrice avait débuté dans le Tartufe, en 1658, il fallait qu'il eût à cet égard de bons renseignements; car il ne pouvait ignorer que les premières représen tations du Tartufe, signalées par tous les auteurs, sur des théâtres particuliers, sont celles de 1664: le Tartufe fit trop de bruit, dans son temps, pour qu'un auteur qui écrit sur le théâtre puisse en ignorer l'histoire.

On a deux miniatures à l'huile, sur cuivre, que l'on regarde comme représentant Molière dans le rôle de TARTUFE. D'abord, le costume de ces deux miniatures ne semble pouvoir se rapporter à aucun autre rôle qu'à celui de TARTUFE; de plus, on a encore deux dessins, l'un à l'aquarelle, l'autre à la sanguine, qui représentent indubitablement Molière dans ce même rôle; et ces quatre portraits ont une origine différente. Sur le dessin à l'aquarelle, qui est fort grand, il est écrit: « Molière, rôle de Tartufe, couvrez ce sein que je << ne saurais voir. » Le dessin à la sanguine, beaucoup plus petit que le premier, ne porte que le nom de Molière; mais le personnage qui s'y trouve en pied, présente, à bras tendu et en détournant la tête, un mouchoir déployé : ce qui caractérise évidemment le rôle de TARTUFE. Dans ces deux dessins, et dans celle des deux miniatures dont la figure est la plus âgée, le costume est tout-à-fait le même; on y voit une moustache et un large rabat court avec deux petits glands. Dans l'autre miniature, il n'y a pas de moustache, signe trèscaractéristique pour la date! La figure est plus jeune, plus maigre, moins ronde que dans la première; le rabat est long, étroit et n'a pas de gland; mais le reste du costume est le même. En intercalant les figures de ces deux miniatures dans la suite des portraits de Molière, mis en ordre par rang d'âge, on voit que l'une d'elles peut correspondre à 1658 ou environ, l'autre à 1664, et que ce sont bien deux portraits de Molière.

Il résulte de ces observations que Molière aura joué le rôle de TARTUFE, fait curieux et ignoré jusqu'à ce jour : la première fois en 1658, ce qui justifie ce que dit le chevalier de Mouhy au sujet de Mlle Beaupré; la seconde, en 1664, dans les représentations qui furent données sur des théâtres particuliers. Du reste, on fera observer que des miniatures à l'huile, sur cuivre, sont des ouvrages d'art qui exigent du temps, que l'on n'entreprend pas à la légère, et qui méritent plus de confiance que de petits portraits au crayon que l'on peut faire en un quart d'heure : ainsi voilà un fait matériel qui semble prouver, positivement, que le Tartufe a été joué plus tôt qu'on ne le croit! De plus, si Me Beaupré joua lerôle de DORINE le surlendemain de l'arrivée de Molière à Paris, c'est que la pièee avait été apprise et représentée en province. Enfin cette pièce jouée en 1658, était peut-être en prose; et Molière ayant voulu la mettre en vers, il n'en avait encore terminé que trois actes en 1664.

Plusieurs dessins représentent, dans des rôles des pièces de Molière, des acteurs qui étaient morts quand les pièces furent données à Paris sur son théâtre. Ces dessins pourraient avoir été inventés; mais alors ceux qui les auraient faits eussent été bien peut au courant de l'histoire du théâtre; tandis que plusieurs autres dessins du même genre, peut-être de la même main que ceux dont il s'agit, prouvent, tout au contraire, qu'ils en étaient fort bien instruits. Ne serait-il pas possible que ces rôles eussent été joués à Rouen en 1658, où Molière resta six mois? Psyché doit y avoir été représentée, on a des portraits des acteurs qui l'ont jouée; il se trouvait donc à Rouen un dessinateur qui s'occupait de théâtre, par conséquent il aura pu dessiner pour des pièces autres que celle de Psyché. Ce qui donne lieu à cette hypothèse, c'est que les acteurs morts, dont on parle, auraient à Rouen fait partie de la troupe de Molière, puisqu'ils figurent dans la pièce de Psyché. En conséquence et comme étant un renseignement curieux, voici les noms de ces acteurs et les titres des pièces dans lesquelles ils sont représentés : dans Amphitryon, Béjart aîné, GrosRéné, Jodelet; dans le Bourgeois gentilhomme, Béjart cadet, Jodelet, l'Epy; dans les Fourberies de Scapin, Mme Duparc, Béjart aîné, Béjart cadet, Gros-Réné, Jodelet, l'Epy; dans les Femmes savantes, Gros-Réné, Jodelet; dans M. de Pourceaugnac, Jodelet, l'Epy; dans le Sicilien. Béjart aîné; dans le Malade imaginaire, Béjart cadet et l'Epy.

Les auteurs qui écrivaient avant Molière faisaient des comédies assez médiocres; Molière devait avoir trop bon goût pour les jouer,

et devait donner la préférence à ses œuvres on ne veut pas dire qu'il ne jouait pas d'autres pièces que les siennes; mais qu'il en jouait peu: il en joua même à Paris. Du reste, on dit qu'il faisait représenter en province des farces dans le goût italien; ces farces pouvaient fort bien être le germe des pièces qu'il fit jouer plus tard à Paris. Ainsi, plusieurs comédies de Molière ont été tirées, dit-on, de pièces italiennes qu'il avait vu représenter à Paris dans sa jeunesse, on en cite les titres; mais on ajoute qu'elles ont été merveilleusement arrangées; telles sont : les Fâcheux, l'Etourdi, le Cocu imaginaire, le Mariage forcé, l'Avare, les Précieuses, le Médecin volant, qui était probablement le Médecin malgré lui, et le Tartufe peut-être était-ce ces mêmes pièces que l'on appelait des farces dans le goût italien?

Molière en 15 années donna plus de 30 pièces de théâtre, pour la plupart des chefs-d'œuvre; il est difficile de comprendre, malgré tout son génie, qu'il ait pu les composer complétement dans cet intervalle de temps, vu les occupations nombreuses qu'il devait avoir. Directeur d'une troupe dans laquelle il était tout; valet de chambre du roi, et il faisait son service trois mois par an; mari d'une femme qui lui donnait beaucoup de soucis; les attaques que ses nombreux ennemis dirigeaient contre lui, et qui devaient lui en donner également; les fréquentes visites qu'il faisait aux grands seigneurs et à ses amis; le mauvais état de sa santé qui l'obligeait à suspendre ses travaux; enfin l'étude de ses rôles : tout cela ne devait pas lui laisser de grands loisirs pour travailler à ses pièces.

Plus du tiers des pièces de Molière furent jouées, pour la première fois, à la Cour ou sur des théâtres particuliers. Ces représentations ne devaient pas être commandées bien longtemps à l'avance; il faudrait donc, s'il n'avait pas ses pièces, qu'il les eût faites à la hâte et d'un premier jet. Or, il semble difficile d'écrire de cette manière des comédies comme celles de Molière; on préfère supposer qu'il en avait tout au moins les canevas en magasin, vu qu'une partie de ces pièces annoncent une longue méditation.

Enfin, on fera observer qu'il donna Mélicerte et le Sicilien le même jour; que les Fâcheux, au dire de Molière lui-même, furent faits et représentés à Vaux en quinze jours, ce dont Grimarest doute beaucoup; et que l'Amour médecin fut demandé et joué à Versailles en cinq jours. C'est-à-dire que pour cette dernière pièce en trois actes, la commande aurait été faite, le sujet imaginé, les scènes arrangées, le texte écrit, les rôles transcrits isolément, appris par les acteurs et

pas

répétés, la musique des intermèdes composée par Lulli, enfin la pièce représentée à cinq lieues de Paris, sur un théâtre qui n'était celui dont on avait l'habitude, où il fallait apporter les objets de toilette, et le tout en cinq jours! la pièce est très-courte il est vrai; néanmoins la crédulité la plus complaisante recule devant une pareille assertion.

L'Impromptu de Versailles est cité comme ayant été composé en huit jours. Il est certain que cette pièce fut faite à Paris, puisqu'elle était de circonstance; mais qui sait si Molière, qui devait avoir le désir d'exercer une vengeance, ne la méditait pas déjà depuis quelque temps? Et quand une bonne occasion de la produire s'est présentée, peut-être alors, pour en profiter, aura-t-il seulement accéléré son travail. Au surplus, cette pièce n'est qu'en un acte; il ne fallait pas heaucoup de temps pour la composer ni pour l'apprendre, d'autant plus que ce n'est qu'une conversation. Quoi qu'il en soit, il paraît très-certain que Molière écrivait avec une extrême facilité; seulement il est prudent de se méfier de ce que l'on regarde comme étant merveilleux on n'a pas intention de vouloir prouver autre chose.

La troupe de Molière, en province, eut toujours de grands succès; les autres troupes de campagne ne pouvaient rivaliser avec elle. Par exemple, à Lyon, en 1653, Molière trouva une troupe qui s'y était établie avant la sienne; il lui enleva promptement son public, et cette autre troupe fut obligée de se dissoudre; c'est alors que les Duparc, les Debrie, Ducroisy et Lagrange se joignirent à Molière. A Rouen, en 1658, la troupe de Ducroisy eut le même sort. D'où pouvait provenir cette supériorité? Elle ne pouvait résulter du talent des artistes qui la composaient, puisque les autres troupes renfermaient également des acteurs et des actrices très-distingués; tels que : Duparc, Ducroisy, Debrie et leurs femmes, Brécourt, Lagrange, Jodelet, L'Epy et Mile Beaupré, qui tous brillèrent ensuite dans la troupe de Molière. La supériorité de cette dernière troupe devait évidemment provenir de la bonté des pièces qu'elle jouait. Or, sauf les pièces de Molière, toutes les autres pièces étaient à la disposition des autres troupes, qui auraient pu en tirer les mêmes avantages que la troupe de Molière; c'était donc à ses propres pièces que Molière devait ses succès, et voici un exemple de l'effet qu'elles produisaient.

Le 24 octobre 1658, dans la salle des Gardes du Louvre, Molière fait représenter Nicomède, et l'auditoire reste assez froid; il admire seulement les grâces et la beauté des actrices. On joue ensuite le

Docteur amoureux, et tout aussitôt le Roi, charmé, autorise Molière à s'établir au théâtre du Petit-Bourbon : cette faveur avait été sollicitée d'avance par MONSIEUR. Ce n'était donc pas par le talent des artistes que cette troupe se distinguait, mais par le genre des pièces! Molière, pendant les neuf années qu'il exploita la curiosité des provinces, retourna quelquefois dans les mêmes villes; dans plusieurs d'entre elles, il séjourna assez longtemps, telles que Rouen, où il resta six mois. S'il n'avait eu, pour alimenter son théâtre, que l'Etourdi et le Dépit amoureux, les seules pièces généralement admises pour avoir été faites en province, il est fort douteux qu'il eût pu soutenir ses succès, surtout dans des localités où le public ne se renouvelle pas, où la salle reste vide après cinq ou six représentations d'une même pièce, même dans les grandes villes; dans les petites, une seule suffit. Pour soutenir sa vogue et gagner de l'argent, Molière devait changer souvent son spectacle, et, pour cela, avoir un nombreux répertoire de ses propres pièces.

On verra que Molière employait Mile Beaupré quand il avait accidentellement besoin d'une actrice de supplément : il lui donnait trois livres par représentation. Peut-on croire qu'une actrice apprenne un rôle pour une somme aussi modique? N'est-il pas plutôt à supposer qu'elle le savait d'avance? que, par conséquent, elle l'avait déjà joué, d'autant plus que Molière la prenait peut-être au pied-levé. Or, si elle l'avait déjà joué, ce ne pouvait être qu'en province : par exemple à Rouen, où elle faisait partie de la troupe de Molière; d'où on conclut que l'Etourdi et le Dépit amoureux ne sont pas les seules de ses pièces connues que Molière ait fait représenter avant son installation au théâtre du Petit-Bourbon. On ne connaît que l'Ecole des Femmes dans laquelle Mlle Beaupré ait joué de cette manière; mais comme Molière l'employa plusieurs fois, il est possible qu'elle ait encore été utilisée dans d'autres pièces.

Enfin, dans la lettre de Chapelle adressée à Molière à Paris, en 1650, ou 1652, il est parlé de l'embarras que ce dernier éprouvait pour la distribution de SES RÔLES aux TROIS grandes actrices de la troupe à quel titre Molière distribuait-il les rôles dans la troupe de Madeleine Béjart? Celle-ci l'en avait-elle chargé? Ou bien était-ce en qualité d'auteur qu'il le faisait? Si Mile Béjart l'avait chargé de la distribution des rôles, il ne pouvait éprouver de l'embarras qu'à l'égard de DEUX actrices; car Madeleine Béjart, étant directrice, pouvait choisir le rôle qui lui plaisait sans que personne y pût trouver à redire; d'où on conclut que Molière ne pouvait être embarrassé à

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