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de fa promeffe; mais je ne croirai jamais m'être acquitté de mon devoir, que je ne vous aye témoigné par mes fervices que je fuis,

J

MONSIEUR,

Votre, &c.

Billet écrit un jour de Médecine.

E ne puis fatisfaire l'impatience que j'ai de vous voir. Ce qui m'eft le plus cruel en cela, c'eft que je ne puis honnêtement vous en dire la raifon. J'ofe feulement vous affurer que c'eft une raison impérieufe & abfoluë, à laquelle il faut obeir; & fi je manquois de le faire, elle feroit chez moi le plus vilain défordre du monde. Je lui obéis donc, & lui obéis même fi fouvent, que je fuis contraint de vous écrire ce Billet à beaucoup de reprises. Mais j'efpére que l'empire de cette importune ne durera pas plus de deux heures. De forte qu'après-dîné j'aurai l'honneur de vous aller voir, & de vous affurer que je fuis, &c.

A Madame de C.... fur ce qu'elle demeure trop long-tems à la campagne.

E

St-il poffible, MADAME, que la campagne vous retienne encore long

tems? Eft-il poffible que la Ville ne vous voye jamais qu'aux Fétes de Noël, & qu'elle ne vous paroiffe agréable, que quand elle eft pleine de bouë? Ne craignez-vous point que l'opiniâtreté que Vous avez d'attendre l'Hyver pour revenir, ne vous faffe reprocher que vous nous amenez le mauvais tems? Pour moi, quelque ennemi que je fois de la pluye, puifque je vois qu'il n'y a qu'elle qui vous puiffe ramener avant Noël, je vais la demander au Ciel avec autant de zéle que les Laboureurs qui perdent leurs fruits par trop de féchereffe. En vérité Vous êtes admirable, d'avoir trouvé le fecret de nous faire fouhaiter le mauvais tems, & à moi furtout qui en étois l'ennemi irréconciliable. Cependant je le défire tous les jours avec ardeur; car à dire vrai, il n'eft rien de fi agréable que l'Hyver que j'efpére paffer cette année, quand je me promets d'aller caufer auprès de votre feu, & d'aller voir de quel bois Vous vous chauffez. Quand nous aurons les pieds chauds, je m'imagine que nous dirons de belles chofes. J'ai tant d'impatience de voir ce tems venu, que je voudroits de tout mon cœur que le Ciel versât durant dix ou douze jours un petit dé luge, ou que les Fêtes de Noël fussent dès la femaine prochaine.

Monfieur de T. L'Auteur le confole de n'avoir pas réuffi auprès d'une Dame un peu trop intéreffee.

Ur ma foi, Monsieur, vous avez en raifon. Il n'eft pas gracieux d'ache<ter le plaifir fi cher. Quand on a donné fon cœur à une Philis, elle ne doit pas de mander la bourse. C'est renverser l'ordre établi dans le monde. En matiere de fervices rendus, le ferviteur doit être payé, & non pas la Maîtreffe. Je vous avois tou jours bien dit que ce n'étoit pas pour vos beaux yeux, que cette Belle vous témoi gnoit tant de douceur. Une autre fois yous me croirez, & ne vous engagerez pas à vous voir fi honteufement refufé Confolez-vous cependant, vous n'êtes pas le premier à qui cette difgrace est arrivée. La plupart des femmes ont toujours mieux aimé qu'on leur comptât de l'argent que des fleurettes; & je crois qu'il feroit plus jufte de dire, point d'argent, point de Philis , que point d'argent point de Suiffe. C'est une maudite coûtume qui a pris racine depuis long-tems. Pour vous le prouver & vous confoler tout ensemble, je veux vous faire une hiftoriette, que ma mémoire vient de me fournir, & qui me femble être tout-à-fait à propos.

સે

Vous vous fouvenez, Monfieur, ou vous devez vous fouvenir de ce beau parleur de Grece, à l'éloquence duquel rien n'étoit impoffible: de ce Démofthene qui en donnoit à garder au peuple & à la Nobleffe, comme il lui plaifoit, & qui avec fon beau caquet faifoit plus enrager le Roi de Macédoine, que tous les Capitaines de fon Pays avec leur bravoure. Au même tems que ce grand harangueur floriffoit à Athènes, une certaine Laïs Aoriffoit à Corinthe, & la beauté de celle-ci n'étoit pas moins en crédit, que la Rhétorique de celui-là. Il n'y avoit point de cœur à l'épreuve des charmes de Laïs, non plus qu'à l'épreuve de l'éloquence de Demofthene; & tous deux avoient cela de commun, qu'ils travailloient pour de public, quoique d'une maniere différente. Je ne fçai pas comment Démof thene en étoit récompenfé; mais pour Laïs elle avoit coûtume de faire bien payer les faveurs qu'elle accordoit. Elles étoient taxées, mais taxées à un fi haut prix, qu'elle donna lieu au proverbe de ce tems-là, & fit dire au peuple: Qu'l n'étoit pas permis à tout le monde d'aller à Corinthe. Démofthene à qui larenommée avoit appris la beauté & les attraits de cette fameufe Courtifane, crut que le proverbe n'étoit pas fait pour lui, & que

Lais

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Lais ne pourroit réfifter aux charmes de fes paroles. Perfuadé de cette opinion, il écrit des Poulets à Laïs; Laïs qui ne cherchoit que pratique, lui fait réponse. Il quitte Athènes, & court à Corinthe. Je n'ai pas bien fçû fur quelle voiture 35 mais il y a apparence, qu'amoureux com me il étoit, il prit la pofte, fi pofte y avoit en ce tems-là. Tant y a, qu'étant arrivé il le fait promptement poudrer & mus-quer, il prend du linge blanc ; & fe croïant plus beau qu'Adonis, il va voir celle qu'il ! croit plus belle que Vénus. Il la trouve encore plus charmante qu'il ne fe l'étois imaginée; il s'empreffe auprès d'elle, if s déploye fes lieux communs, il étale tous les rafinemens de fon éloquence, il luba compte fleurettes, il lui dit cent jolies chofes; mais tout cela aux oreilles deLaïs n'étoit pas dire d'or: Quand il fut queftion de terminer l'affaire, on lui demanda dix miller dragmes, qui font de notre monnoye, ma foi je ne fçai combien, mais je m'imagine que c'é toit une grande fomme. Cette propofi tion étourdit fi fost lé pauvre Démofthe ne, qu'il en demeura quelque tems confus & interdit. Enfin il répondit en fere tirant: A Dieu ne plaife que j'achette fi cher un répentir. On a furieufement phi lofophé fur ce mot de répentir. Quoiqu'il

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