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vôtres pourroient préfentement être prononcés devant le Sénat de ce tems-là, & en préfence de Ciceron même, fans crainte d'en recevoir de la honte. Jugez donc, mon Reverend Pere, de quel air je les débiterai Jeudi & Vendredi aux difputes des jeunes Freres. Ce fera, je vous affure, d'un ton de commandement & comme un Orateur perfuadé de la beauté de fa Harangue. Mais, mon Revérend Pere, l'éloquence de votre Latin ne me fait pas oublier celle de votre François. Celui de votre Lettre ne céde point à celui de Balzac, comme votre Latin ne céde point à celui de Ciceron. Latinè ita fcribis, ut vix melius Cicero: Gallicè tam feliciter, ut multo minus Balzacius. Pardonnez-moi ces trois mots de Latin, ils m'ont échapé fans y penfer. Il faut fans doute que je les aie lûs quelque part; car ferieufement je ne parle Latin qu'en lifant mes Heures ; & comme je ne fuis gueres dévot, il s'enfuit que je ne parle Latin que fort rarement. Mais qu'impor te? ce n'eft pas mon métier. Si je ne fçai que fort peu de Latin, je vous proteste que je fuis en bon François, c'eft-à-dire, très fincérement,

MON REVEREND PERE, Votre, &c.

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A Madame ***, pour la remercier d'un panier de pommes de Reinette.

MADAME,

J E ne m'étonne plus de ce qu'Adam fe rendit à la tentation de la pomme qui lui fut préfentée par fa femme. On a beau dire qu'il fit là un tour de Normand, & que jamais friand ne paya fi cher fa friandife: pour moi je crois que j'en euffe fait autant, & Eve la lui préfenta auffi agréablement que vous m'avez envoyé votre panier de Reinettes. Sans mentir, Madame, outre le foin particulier que la nature femble avoir pris de donner à ce beau fruit une beauté égale à sa bonté, votre Lettre l'a encore tellement embelli à mes yeux, & rendu fiagréable à mon goût, que je renoncerois plûtôt à tous les plaifirs de la vie, qu'à ceux de me rassafier de vos délicieufes pommes. La pomme qui caufà la ruine de Troye, & celles qui étoient fi foigneufement gardées au jardin des Hefpérides, ne valoient pas un pepin des vôtres. N'en déplaife à Pâris, qui fit tant de cas de la premiere, ni à Hercule qui fe donna tant de peine pour dérober les autres: celui-là fit à Vénus,, & celui-ci à Euryfthée, un préfent qui

n'approche point du vôtre. Si Efau avoit donné fon droit d'aîneffe pour un panier de pomme, comme il le donna pour une écuelle de lentilles, il ne pafferoit pas dans mon efprit pour un fot, & je croirois même qu'il auroit trompé fon cadet, tant j'ai préfentement d'eftime pour les pommes. Voilà, Madame, vous faire un remerciment tiré de la fainte Ecriture, aufli bien que de la Fable. Après cela net dites plus que ma lecture m'eft inutile & que jamais mes Lettres ne font fçavantes. Si je me mets une fois à vous entretenir de science, de fable & d'hiftoire je citerai fi fouvent, je raisonnerai fi fort, que je vous réduirai à me demander quartier. Pour vous dire le vrai, il ne me feroit pas impoffible de le faire. Mais cet n'eft pas mon humeur, & je crois que ce ne doit pas être celle d'un galant homme. C'est à faire aux Pédans d'en ufer ainfi En matiere de Lettres, c'est l'efprit qui doit agir, & non pas la fcience. Et furtout je ne fçaurois fouffrir ces gens qui sitent toujours, qui alléguent éternellement, qui ne font fçavans qu'à caufe que les autres l'ont été; qui parlent & qui écri vent, parce que devant eux l'on a écrit: ces étaleurs de lieux communs, ces perroquets d'efprits & d'éloquence plaifent à la vérité ; mais c'eft à ceux qui ne font pas

trop habiles. Ils font femblables à ces Peintres qui ne fçavent que copier, & dont les tableaux ne laiffent pas de plaire à ceux qui font ignorans au métier, & qui ne fe connoiffent pas en originaux. Je m'étonne, Madame, que vous qui avez tant d'efprit, & qui fçave z fi bien connoî tre, ayez en cela les mêmes fentimens que ceux qui n'en ont gueres. Comme il n'eft pas de mon métier d'être fçavant, je vous avouë que je n'affecte gueres de le paroître. Mais fi vous voulez qu'entre nous je vous en donne des marques, en peu de tems je vous ferai confeffer qu'il y a en moi pour le moins le commencement d'un demi Docteur. Je fuis, &c.

Bettre à Madame de *** contenant diver Les petites nouvelless

MADAME,

V

Ous ferez fans doute furprise, que je vous écrive d'Angleterre, puif que je ne vous avois point mandé que je duffe faire ce voyage: mais il a été entrepris & exécuté avec tant de précipitation, que vous ne devez point me fçavoir mauvais gré de ne vous en avoir pas avertie. J'avois pourtant quelque regret de: me mettre fur la mer fans me recom

mander à votre dévotion: mais je fis refléxion, que l'Amour m'ayant destiné à mourir par le feu, il n'y avoit pas apparence que je puffe périr dans l'eau, & qu'ainfi vos vœux ni vos prieres ne m'étoient pas néceffaires en cette rencontre. C'est ce qui me fit embarquer hardiment. Je ne vous fçaurois dire, Madame, quand je fus fur la mer, combien je moralifai, & combien je la trouvai comparable à vous & à votre belle voifine. Je la comparai à vous pendant huit ou neuf heures રે qu'elle fut calme, & qu'elle n'occupa mon efprit qu'à confiderer avec admiration combien elle eft vafte & profonde, combien elle eft pleine de tréfors & de merveilles: & je la comparai à votre bel le voifine pendant douze ou quinze heures qu'elle demeura couroucée, & qu'elle agita mon pauvre cœur avec toute la violence imaginable. Mes moralités & mes comparaifons cefferent, quand nous cefsâmes de voguer. En mettant pied à terre, je mis auffi bors de mon efprit & vous & votre voiline. Je crus qu'étant dans un pays étranger, je ne devois plus penser qu'aux belles étrangeres qu'on y voit, & que mon amour couroit hazard de fe noier, fi je lui laiffoit repaffer la mer fans ma conduite. Mais ayant reçû à Londres a. Lettre que vous m'écriviez à Paris,

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