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vû qu'il promît de venir à la Cour, louer les Vers qui feroient récités par le Prince; & dix fois Philoxene tout accablé de la fatigue qu'il fouffroit, leur jura qu'il ne retourneroit jamais à la Cour, fi Denis ne s'engageoit par un traité folemnel à ne point déclamer fes Vers en sa préfence. Enfin on fut contraint de le lui promettre pour le faire revenir. A fon retour il alla faluer le Prince; & le Prince, fuivant fa mauvaise coutume, lui eût à peine donné le tems de faire fes premiers com plimens, qu'il lui récita une longue fuite de vers, dont il lui demanda fon fentiment, d'une maniere à faire connoître qu'il vouloit être approuvé. Mais cet homme le moins complaifant de tous les hommes, fans lui répondre un feul mot, fe tourna froidement vers les Gardes qui l'avoient amené des Carrieres, & leur dit: Heu! Viri adducite me rurfus in lapidicinam; c'est-à-dire, ou autant vaut : Pour Dieu, mes amis; faites-moi la grace de me ramener aux Galeres. Mais, Madame, ne fuis-je pas plaifant de vous interpréter le Latin, à vous qui l'entendez mieux que moi? Et ne fuis-je pas encore plus plaifant de vous faire une hiftoire dans une I.ettre? Cependant je ne me répens pas de l'avoir écrite ; j'aime mieux que ma Lettre foit un peu trop longue, que

d'avoir manqué à vous faire connoître qu'il y a eu des gens au monde bien moins complaifans que moi, puifqu'ils ne pouvoient fe réfoudre à louer les méchans Vers d'un Prince, & qu'ils aimoient mieux aller aux Galeres, que de déguifer quelquefois leurs fentimens. Pour moi je ne ferois pas fi opiniâtre ; un moindre fupplice m'étonneroit: car fi je fçavois que ma liberté vous eût choquée, je loüerois aveuglément tout ce qui viendroit de votre efprit: mais je Vous crois fi raisonnable, que vous ne voulez être loüée ni blâmée qu'avec raifon, & que vous condamnez auffi bien que moi ces flateurs éternels, qui ne loüent jamais que par complaifance, &c.

'A Madame de ***, pour la remercier d'une boëtes de Conferves envoyées à l'Auteur le jour de fa Fête.

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MADAME,

L faut avouer qu'il croît d'agréables fleurs dans votre parterre; elles font bien differentes de toutes celles qui naif fent ailleurs. Jufqu'ici les fleurs les plus rares & les plus précieufes, n'ont donné du plaifir qu'à la vûë & à l'odorat. Mais depuis que vous avez pris le foin de les

cultiver

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cultiver, vous les avez renduës capablesde contenter le goût, qui eft felon moi, celui de tous les fens qu'il eft le plus doux de fatisfaire. La nature vous eft bierobligée d'enrichir ainfi fes préfens, & de leur donner une vertu qu'ils ne pouvoient pas recevoir d'elle. Les fleurs qui font les plus beaux ouvrages de fes mains, ont encore befoin de paffer par les vôtres, pour arriver à leur perfection. Elle peut faire des violettes & des rofes, mais ellè a befoin de vous pour en faire des Con ferves; elle peut nous faire des préfens qui nous enrichiront pendant un jour ou deux, mais vous lui êtes néceffaire pour rendre durable une libéralité fi paffagere: carenfin, Madame, de votre grace, le Printems fera chez moi pendant l'Hyver, & je pourrai fentir & manger les feurs dans le tems que toute la nature en fera privée. Si vous m'aviez donné un bouquet ordinaire, je n'en aurois eû le plaifir qu'un matin: mais vous avez trou vé le fecret de me rendre heureux toute F'année. Cette libéralité eft digne de vous; mais fçavez-vous en quelle dépen fe elle vous engage Il vous en coûtera plus que vous ne penfez: car puifque ja vois le foin que vous avez de m'envoyer de fi beaux bouquets le jour de ma Fête, je vais faire imprimer un Almanach pour

l'année prochaine, où je ferai mettre cinq ou fix fois la Fête de Saint René, afin de recevoir de vous cinq ou fi beaux. préfens. Il eft vrai que je vous ménace là d'une chofe que vous ne craindrez gueres: car de l'humeur que vous êtes, vousprenez le plus grand plaifir du monde ài donner: mais comme je ne me plais pas moins à recevoir, je vous protefte que je ne vous laifferai point manquer de ceplai-fir, & que vous avez trouvé en moi uns komme fort propre à votre humeur. Cependant je trouve à propos de vous dire aquel ufage j'emploirai vos Conferves: il eft jufte que vous fçachiez de quelle: maniere on mangera votre bien. Je m'ens fervirai comme d'un préservatif admirablè contre les mauvaises halaines qui font ici, comme vous fçavez en grand nombre, & dont j'ai toujours été l'ennemi ir réconciliable. Voilà le bien utile que j'en recevrai, & voici quel fera le délectable. Comme elles font d'une odeur très-excellente, j'en porterai toujours dans-ma bouche, principalement quand j'approcherai. des Philis & des Califtes alors l'envie de fçavoir d'où procédera ma bon ne odeur, les obligera peut-être à la venir fentir jufques fur le bord de mes levres. Camelt pas tout, en m'em fervant ainfi, toutes mes converfations feront parfu

mées; fi bien que je charmerai le nés de tous ceux dont mon éloquence n'aura pas charmé les oreilles. Après cela, Mada me, jugés quels avantages je tirerai de votre préfent, & combien je vous fuis. obligé de vos précieufes Conferves. Je fuis, &c.

Lettre familiare à Madame de ***.

MADAME,

ET

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Tant un peu Poëte, & paffant dans le monde pour un demi bel efprit, il ne m'en coûteroit gueres fi je voulois vous donner vos Etrennes. Des Stances, une Ode, une Sonnet, pourroient m'acquitter de cette dette ; & pour peu que dans mes Vers je vous fiffe préfent de mon cœur & de ma liberté, je me pourrois vanter d'en avoir ufé en Poëte libéral, & en bel efprit magnifique. Mais je renonce aujourd'hui au privilége que donnent ces deux qualités, pour vous fai re un préfent un peu moins fpirituel mais beaucoup plus folide; car auffi bien de vous donner mon cœur, ce feroit ne vous pas donner grand chofe. Je l'ai don né à tant de perfonnes qui valoient moins que vous, que je ne le crois plus digue de vous être offert, D'ailleurs quand je

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