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ORDRE DE ment la Regle de faint Benoît, lui demandant pour cet effet
CiCEAUX fon fecours & la protection du faint Siege, & en particulier

la permiffion de fortir de Molefme, où ils ne pouvoient exe-
cuter leur deffein, à cause du relâchement qui s'étoit intro-
duit dans le plus grand nombre des Religieux de cet Abbaïe.
Le Legat la leur accorda; & pour cet effet leur donna des
Lettres Patentes, où il leur confeilloit & leur ordonnoit par
l'authorité du Pape, de perfeverer dans leur fainte refolu-
tion. Les fix qui accompagnerent l'Abbé en ce voïage,
étoient Alberic, Odon, Jean, Etienne, Letalde & Pierre.
Etant donc retournés à Molefme, ils choisirent les plus
zelés
pour l'Obfervance, fortirent au nombre de vingt &
un : & allerent s'établir dans un lieu appellé Cîteaux à cinq
hieuës de Dijon dans le Diocéfe de Châlons. C'étoit un
défert couvert de bois & d'épines, arrofé par une petite
riviere qui prend fa fource d'une fontaine qui en eft éloignée
d'une lieuë, appellée fans fonds, à caufe qu'on n'en a ja-
mais pû trouver le fonds, & qui a cette proprieté, que quand
il pleut elle diminuë notablement, & qu'elle déborde dans
les tems de fechereffe. Quelques-uns croient que le nom de
Câteaux fut donné à ce lieu à caufe des Citernes qu'on y
trouva. Ces Religieux commencerent à défricher cette foli-
tude, & s'y logerent dans des cellules de bois qu'ils firent
avec le confentement de Gautier Evêque de Châlons & de
Rainaud Vicomte de Beaune à qui la Terre appartenoit. Ils
s'y établirent le 2. Mars 1098.jour de S. Benoit, qui fe ren-
controit cette année-là le Dimanche des Rameaux. Ce lieu
étoit fi fterile que l'Archevêque de Lyon jugeant qu'ils n'y
pourroient fubfifter fans le fecours de quelques perfonnes
puiffantes,écrivit à Eudes Duc de Bourgogne, pour l'exhor-
ter à leur faire du bien. Ce Prince touché du recit
que l'Ar
chevêque lui faifoit de leur pauvreté, & édifié de leur fer-
veur, acheva à fes dépens le bâtiment du Monaftere de ce
qu'ils avoient commencé, & les y entretint long-tems de
toutes les chofes neceffaires à la vie. Il leur donna même
abondamment des terres & des beftiaux, & l'Evêque de
Châlons donna à Robert le Bâton Paftoral en qualité d'Ab-
bé,érigeant ce nouveau Monaftere en Abbaïe.

L'année fuivante 1099. quelques Religieux de Molefme, du confentement deGodefroi leur nouvel Abbé,allerent à

Rome

CÎTEAUX.

Rome & porterent leur plainte au Pape Urbain II. (qui étoit ORDRE DE
à la tête du Concile qui s'y tenoit pour lors) de ce que la
Religion étoit renversée dans leur Monastere, & que par la
retraite de Robert ils étoient devenus odieux aux Seigneurs
& à leurs autres voifins,& qu'ainfi il prioient fa Sainteté de
Fobliger à reprendre la conduite de leur Monaftere, afin
qu'il remediât à tous ces maux. Le Pape cedant à leur im-
portunité & adherant au Confeil des Evêques qui compo-
loient ce même Concile, écrivit à l'Archevêque de Lyon,
de tirer s'il étoit poffible, Robert de fa folitude pour le ren-
voïer à fon Monaftere de Molefme, finon de faire enforte
que ceux qui aimoient la folitude ( qui étoient apparem-
ment ces voifins aufquels ils étoient devenus odieux) demeu-
raffent en repos, & que ceux qui étoient dans le Monastere
vêcuffent regulierement. L'Archevêque de Lyon aïant reçu
cette Lettre du Pape, & étant follicité par l'Abbé Godefroi,
& par les Religieux de Molefie,affembla quatre Evêques
Norgauld d'Autun, Gautier de Châlons, Bertrand de
Mâcon, Pons de Bellai, & tous fes Suffragans. Il s'y trouva
auffi trois Abbés, Pierre de Tournus, Jarenton de Dijon,
& Gofferan d'Aifnai, avec Pierre, Camerier du Pape,auf-
quels aïant communiqué la Lettre de fa Sainteté, il écrivit
par leur confeil à Robert Evêque de Langres, qu'il avoit
refolu de rendre à l'Eglife de Molefme l'Abbé Robert,à con-
dition qu'avant que d'y retourner, il iroir à Châlons
remettre à l'Evêque le Bâton Paftoral qu'il avoit reçu,lors-
qu'il lui avoit promis obéïffance, de laquelle obéïffance il
le déchargeroit de même que Robert de fon côté déchar-
geroit les Religieux du nouveau Monaftere, c'est ainfi
qu'on appelloit d'abord celui de Cîteaux) de celle qu'ils lui
avoient promife en qualité d'Abbé, & qu'il permettroit auffi
à tous ceux du nouveau Monaftere qui voudroient le suivre,
de retourner avec lui à Molesme,à condition qu'à l'avenir ils
ne s'attireroient ni recevroient les uns les autres, finon en
tant que faint Benoît permet de recevoir les Moines d'un
Monaftere connu. I marquoit enfuite à ce Prélat que lorf-
queRobert auroit fatisfait à cela,il le lui renvoïât pour le ré-
tablir Abbé de Molefme, à condition que s'il quittoit encore
sette Eglife fans de justes raisons, on ne lui donneroit point
de fucceffeur du vivant de Godefroi. Quant à la Chapelle

Tome F.

Xx

pour

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ORDRE DE

de l'Abbé Robert, & tout le refte qu'il avoit apporté de CITEAUX. Molefme, il ordonnoit que tout demeureroit aux Freres du nouveau Monaftere, hormis un Breviaire qu'ils garderoient jufqu'à la faint Jean, pour le transcrire, avec le confente ment des Religieux de Molefme.

Robert acquiefça à tout ce que l'on demandoit de lui; il déchargea les Moines de Cîteaux de l'obéïffance qu'ils lui avoient promife, foit dans ce lieu, foit à Molefme, & l'Evêque de Châlons le déchargea auffi du foin de cette Eglife, qui lui avoit été confiée. Il s'en retourna donc à Molefme, avec quelques Religieux qui le voulurent fuivre, fe fentant plus portés à la vie Monaftique qu'à la vie folitaire. L'Evêque de Châlons donna à faint Robert un Certificat ådressé à l'Evêque de Langres, comme il l'avoit abfous, tant dụ Gouvernement du nouveau Monaftere, que de l'obéïffance qu'il lui avoit promife. Ce Saint gouverna encore ce Monaftere de Molefme pendant près de neuf ans, & mourut

l'an 1108.

Robert aïant quitté Cîteaux pour retourner à Molesme, faint Alberic lui fucceda dans le Gouvernement de ce nou veau Monaftere, & en fut élu Abbé l'an 1099. Il avoit pris l'habit Monaftique dans celui de Molefme ; & lorsque faint Robert en fortit pour fe retirer dans le defert d'Haur, Alberic,qu'il avoit fait Prieur, prit le foin de ce Monaftere en fon abfence. Il tâcha inutilement auffi-bien que faint Robert, de faire revenir les Religieux à l'Obfervance de la Regle: mais bien loin de l'écouter, ils lui firent mille outrages, jufqu'à le jetter dans une obfcure prison ; d'où aiant été tiré quelque tems après, il quitta auffi ces Religieux rebelles pour fe retirer dans un defert, à l'exemple de faint Robert; & il ne retourna à Molefme que quand il cut appris que les Religieux de ce Monaftere avoient redemandé leur Abbé. Lorfque ce même Abbé les quitta pour la feconde fois pour aller dans les folitudes de Ĉîteaux, il fut du nombre de ceux qui l'y accompagnerent, & merita par fon zele & par fa ferveur d'être fait Prieur de ce nouveau Monafterc.

A peine en eut-il été élû Abbé, qu'il envoïa deux de fes Religieux, Jean & Ilbod vers le Pape Pafchal II. pour met tre fon Eglife fous la protection du faint Siége. Il leur fit

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donner des Lettres de recommandation pour ce Pontife par ORDRE DE l'Archevêque de Lyon, l'Evêque de Châle & deux Legats de la Sainteté qui étoient pour lors en France, & qui témoignerent au Pape que les Religieux de Câteaux n'étoient fortis de Molefme & ne s'étoient tranfportés au nouveau Monaftere, que pour y mener une vie plus mortifiée & plus retirée fuivant la Regle de faint Benoît, & pour s'éloigner des coûtumes que quelques-uns avoient introduites, contre l'efprit de cette Regle, dont le poids leur fembloit trop pefant à fupporter. Ils le prierent d'affermir par fon autorité l'établiffement de ce nouveau Monaftere, & de confirmer ce que fon predeceffeur Urbain II. avoit fait. Ces recommandations eurent leur effet, & le Pape Pafchal par une Bulle de l'an 1100. mit ce Monaftere fous fa prote

ation.

Alberic &fes Religieux ainfi autorifés & confirmés par le Pape, drefferent les premiers Statuts de Cîteaux, qui ne furent proprement que des Reglemens pour cette feule Abbaïe (ce faint Abbé ne fçachant pas le deffein que Dieu avoit de faire de ce Monaftere, le Chef d'un Ordre très celebre.) Auffi ces Reglemens ne font qualifiés dans les premieres Hiftoires de cet Ordre, que d'inftitutions des Moines de Cîteaux fortis de Molefme: Inftituta Monachorum Ciftertientium de Molifmo venientium. Il y eft porté entr'autres chofes qu'ils obferveront exactement la Regle de faint Benoît; qu'ils retrancheront tous les ufages contraires à cette Regle, qui par un abus avoient été introduits dans quelques Monafteres, comme les fourures & les peaux précieufes, les fuperfluités des habits, les garnitures de lits, la diverfité & l'abondance des viandes, l'ufage de la graiffe, & autres femblables excès contraires à la Regle. Ils réfolurent auffi d'avoir des Convers Laïques & Barbus avec la permiffion de l'Evêque qui feroient traités comme eux, à l'exception qu'ils ne feroient pas Religieux, & d'accepter les terres, les vignes, les prés, qui leur feroient offerts, auffi- bien que les étangs, tant pour faire moudre les moulins, qui feroient à leur ufage, que pour leur fournir du poiffon,& comme ils avoient établis en quelques lieux des metairies, ils ordonnerent que F'on y envoïeroit des Convers pour en avoir foin, & non pas des Religieux, puifque conformément à la Regle les Reli

ORDRE DI gieux devoient demeurer dans le Cloître pour y vaquer CITEAUX. Oraifo & au Service Divin. L'habit de ces Religieux étoit de couleur tannée, auffi-bien que celui des Religieux de Molesme: mais l'on prétend que la fainte Vierge s'étant apparuë à faint Alberic, elle lui donna un habit blanc,& que depuis ce tems-là ils changerent leurs habits tannés en habits blancs,aïant feulement confervé le fcapulaire tanné, & qu'en memoire de ce miracle on celebroit dans cet Ordre une Fête de la Defcente de la fainte Vierge,que Chrifoftome Henriqués a mis dans fon Menologe au 5. Août fous ce titre : Defcenfio B. Maria Virginis in Ciftertium & miraculofa mutatio habitus de nigro in album colorem fub fanctiffimo Abbate Alberico. Mais en difant qu'ils avoient auparavant des habits noirs, il ne s'accorde pas en cela avec les autres Hiftoriens de cet Ordre qui prétendent que leurs habits étoient de couleur tannée ou brune, comme remarque Ange Henriqués, qui ajoûte que les Religieux de cet Ordre allant en campagne portoient des manteaux & des coules de couleur grife, ce qui leur fit donner en Allemagne le nom de Moines gris. Saint Alberic foit à caufe de cette apparition ou pour la devotion qu'il portoit à la fainte Vierge, mit. fon Monaftere fous la protection de cette Reine des Anges, ce qui a fait que dans la fuite cet Ordre lui a été particulierement dedié.

Ce faint Abbé,après avoir gouverné Cîteaux l'espace de neuf ans & demi, mourut l'an 1109. & eur pour fucceffeur faint Etienne troifiéme Abbé & principal Fondateur de cet Ordre. Son furnom étoit Hardingue,& il étoit Anglois.Son zele pour les Obfervances Regulieres l'avoit fait fuivre faint Alberic dans la folitude lorfqu'il quitta Molefme, & il ne retourna avec lui dans ce Monaftere , que lorsqu'on y eut rappellé faint Robert. Saint Alberic aiant été élû Abbé de Cîteaux, il en avoit été fait Prieur. Quoique l'austerité de la vie qu'on y menoit eût empêché que le nombre des Religieux ne s'augmentât fous fon prédeceffeur, il ne diminua rien pour cela de ces aufterités, l'amour qu'il avoit pour la pauvreté lui fit faire des Reglemens, qui marquoient l'eftime qu'il faifoit de cette vertu. Il voulut qu'elle parût jufques fur les Autels, dans les ornemens d'Eglife, & les vafes facrés, qui fervent au plus augufte de nos Myfteres: car il défendit les croix d'or & d'argent, & n'en voulut que

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