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miers fiècles, principalement en Occident, où la conftitution de l'état temporel n'y étoit pas favorable, tant par les incurfions des barbares, que par les guerres civiles ou particulières entre les feigneurs. Mais on fe fouvenoit toujours qu'on les devoit tenir, & on rappeloit fouvent l'ordonnance du concile de Nicée, de les tenir deux fois l'an. Les papes en montroient l'exemple & en tenoient ordinairement un en carême, & l'autre au mois de Novembre, comme nous voyons fous Leon IX, Alexandre II & Grégoire VII, & ce dernier, tout jaloux qu'il étoit de fon autorité, ne faifoit rien fans concile.

J'ai marqué les inconvéniens des conciles nationaux, foit d'Efpagne fous les rois Goths, foit de France fous la feconde race de nos rois : mais c'étoit toujours des conciles. Les évêques s'y trouvoient enfemble, ils s'entretenoient de leurs devoirs, ils s'inftruifoient: on y examinoit les affaires eccléfiaftiques, on y jugeoit les évêques mêmes. L'écriture & les canons étoient les règles de ces jugemens, & on les lifoit avant que d'opiner fur chaque article. Vous en avez vu une infinité d'exemples.

Ecoles &

fions des

Qucique les favans fuffent rares, & les études XXI. imparfaites, elles avoient cet avantage que l'objet en étoit bon: on étudioit les dogmes fuccefde la religion dans l'écriture & dans les pères, docteurs. & la difcipline dans les canons. Il y avoit peu de curiofité & d'invention, mais une haute eftime des anciens: on fe bornoit à les étudier, les copier, les compiler, les abréger. C'est ce que l'on voit dans les écrits de Bede, de Raban & des autres théologiens du moyen âge ce ne font que des recueils des pères, des fix premiers fiècles ; & c'étoit le moyen

le plus sûr pour conferver la tradition. La manière d'enfeigner étoit encore la même des premiers temps. Les écoles étoient dans les églifes cathédrales ou dans les monastères : c'étoit l'évêque même qui enfeignoit, ou fous fes ordres quelque clerc ou quelque moine diftingué par fa doctrine; & les difciples, en apprenant la fcience eccléfiaftique, fe formoient en mêmetemps fous les yeux de l'évêque aux bonnes mœurs & aux fonctions de leur ministère. Les principales écoles étoient d'ordinaire dans les métropoles; mais il fe trouvoit fouvent de plus habiles maîtres dans les églifes particulières, & alors il étoit permis de les fuivre. Or j'eftime important pour la preuve de la tradition, de marquer comment les études ont paffé fucceffivement d'un pays à l'autre, & quelles ont été en chaque temps les écoles les plus célèbres en Occident. Jufqu'au temps de faint Grégoire, je n'en vois point de plus illuftre que celle de Rome; mais elle tomba dès le même fiècle, comme nous avons vu par l'aveu fincère du pape Agathon. Cependant le moine faint Auguftin & les autres que faint Grégoire avoit envoyés planter la foi en Angleterre, y formèrent une école, qui conferva les études, tandis qu'elles s'affoibliffoient dans le reste de l'Europe; en Italie, par les ravages des Lombards; en Efpagne, par l'invafion des Sarrafins; en France, par les guerres civiles. De cette école d'Angleterre fortit faint Boniface l'apôtre d'Allemagne, fondateur de l'école de Mayence & de l'abbaye de Fulde, qui étoit le féminaire de cette églife. L'Angleterre donna enfuite à la France HA. 1. le favant Alcuin, qui, dans fon école de XII. n. Tours, forma ces illuftres difciples dont j'ai

Hift. 1.

XLV. 18.

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n.

marqué dans l'hiftoire les noms, les écrits & lès fucceffeurs. De-là vint l'école du palais de Charlemagne, très-célèbre encore fous Charles le Chauve, celles de S. Germain de Paris, de S. Germain d'Auxerre, de Corbie, celle de Reims fous Hincmar & fes fucceffeurs, celle de Lyon dans le même temps. Les Normands défolèrent enfuite toutes les provinces maritimes de France, & les études fe confervèrent dans les églifes & les monaftères les plus reculés vers la Meufe, le Rhin, le Danube & au-delà : dans la Saxe & le fond de l'Allemagne, où les études fleurirent fous le règne des Ottons. Ea France, l'école de Reims fe foutenoit, comme on voit par Frodoard & Gerbert, & j'espère en montrer un jour la fuite jufqu'au commencement de l'univerfité de Paris.

La plupart des écoles étoient dans les monaftères; & les cathédrales mêmes étoient fervies par des moines en certains pays, comme en Angleterre & en Allemagne. Les chanoines dont l'inftitution commença au milieu du huitième fiècle par la règle de faint Chrodegang, menoient prefque la vie monaftique, & leurs maifons s'appeloient auffi monaftères. Or je compte les monaftères entre les principaux moyens dont la providence s'eft fervie pour conferver la religion dans les temps les plus miférables. C'étoit des afiles pour la doctrine & la piété, tandis que l'ignorance, le vice, la barbarie inondoient le refte du monde. On y fuivoit l'ancienne tradition, foit pour la célébration des divins offices, foit pour la pratique des vertus chrétiennes, dont les jeunes voyoient les exemples vivans dans les anciens. On y gardoit des livres de plufieurs fiècles, & on en écrivoit de nouveaux exemplaires, c'étoit

XXII.
Monaf-

tères.

Hift. I.

XLIII. n.

37.

3.

une des occupations des moines; & il ne nous refteroit guère de livres fans les bibliothèques des monastères.

Le lecteur fenfé ne peut être trop fur fes gardes contre les préventions des Proteftans & des Catholiques libertins, au fujet de la profeffion monaftique. Il femble chez ces fortes de gens, que le nom de moine foit un titre pour méprifer ceux qui le portent, & un reproche Tertull. fuffifant contre leurs bonnes qualités. Ainfi chez apol. c. les anciens Païens le nom de Chrétien décrioit toutes les vertus. C'est un honnête-homme disoit-on, c'est dommage qu'il est Chrétien. On fe fait une idée générale d'un moine comme d'un homme ignorant, crédule, fuperftitieux, intéreffé, hypocrite; & fur cette fauffe idée on juge hardiment des plus grands hommes, on dédaigne de lire leurs vies & leurs écrits, on interprète malignement leurs plus belles actions. Saint Grégoire étoit un grand pape, mais c'étoit un moine : les premiers qu'il envoya prêcher la foi aux Anglois, étoient des hommes apoftoliques, c'eft dommage qu'ils fuffent moines. Vous, qui avez vu dans cette hiftoire leur conduite & leur doctrine, jugez par vous-même de l'opinion que vous en devez avoir; fouvenez-vous de ce que j'ai rapporté de S. Antoine & des autres moines d'Egypte: fouvenez-vous que S. Bafile & S. Jean Chryfoftome ont loué & pratiqué la vie monaftique, & voyez fi c'étoit des efprits foibles.

Hift. 1.

37.

Je fais que dans tous les temps il y a eu de XLV. n. mauvais moines, comme de mauvais Chrétiens: c'eft le défaut de l'humanité, & non de la profeffion: auffi de temps en temps Dieu a suscité de grands hommes pour relever l'état monastique, comme dans le neuvième siècle faint

Benoît d'Aniane, & dans le dixième les premiers abbés de Clugni. C'eft de cette fainte congrégation que font forties les plus grandes lumières de l'églife, pendant deux cents ans : c'étoit là que fleuriffoient la piété & les études. Que fi elles n'étoient pas telles que cinq cents ans auparavant, fices bons moines ne parloient pas latin comme faint Cyprien & faint Jérôme, s'ils ne raifonnoient pas auffi jufte que faint Auguftin, ce n'eft pas parce qu'ils étoient moines, c'est parce qu'ils vivoient au dixième siècle. Mais trouvez d'autres hommes plus habiles du même temps. J'avoue toutefois que les moines les plus parfaits de ces derniers temps, l'étoient moins que les premiers moines d'Egypte & de Palestine; & j'en trouve deux caufes, la richeffe & les études. Les premiers n'étoient pas feulement pauvres en particulier, mais en commun ils habitoient, non pas des forêts que l'on peut défricher, mais des déserts de fables arides, où ils bâtiffoient eux-mêmes de pauvres cabanes, & vivoient du travail de leurs mains, c'eft-à-dire des nates & des paniers qu'ils portoient vendre aux prochaines habitations. Voyez Hift. 1. ce que j'en ai dit en fon lieu, fur le rapport de xx. n. 8. Caffien & des autres. Ainfi ils avoient trouvé le fecret d'éviter les inconvéniens des richeffes & de la mendicité, de ne dépendre de perfonne, & ne demander rien à perfonne.

Nos moines de Clugni étoient pauvres en particulier, mais riches en commun ils avoient comme tous les moines, depuis plufieurs fiècles, non-feulement des terres & des beftiaux, mais des vaffaux & des ferfs. Le prétexte du bien de la communauté, eft une des plus fubtiles illufions de l'amour propre. Si faint Odon & faint Mayeul euffent refufé une partie des

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