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grands biens qu'on leur offroit, l'églife en eût

été plus édifiée, & leurs fucceffeurs euffent Hift. 1. gardé plus long temps la régularité. Saint Nil LVII. . de Calabre eft, de tous ceux de ce temps-là,

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celui qui me femble avoir mieux compris l'importance de la pauvreté monaftique. En effet les grands revenus engagent à de grands foins, & attirent des différens avec les voifins, qui obligent à folliciter des juges & à chercher la protection des puiffances, fouvent jufqu'à ufer de complaifance & de flattevie. Les fupérieurs & les procureurs qui travaillent fous leurs ordres, font plus chargés d'affaires que de fimples pères de famille on doit faire part à la communauté des affaires au moins les plus importantes: ainfi plufieurs retombent dans les embarras du fiècle auxquels ils avoient renoncé, fur tout les fupérieurs, qui devroient être les plus intérieurs & les plus fpirituels de tous.

D'ailleurs les grandes richeffes attirent la tentation des grandes dépenfes. Il faut bâtir une églife magnifique, l'orner & la meubler richement, Dieu en fera plus honoré: il faut bâtir les lieux réguliers, donner aux moines toutes les commodités pour l'exactitude de l'obfervance, & ces bâtimens doivent être fpacieux & folides pour une communauté nombreuse & perpétuelle. Cependant l'humilité en fouffre : il eft naturel que tout cet extérieur groffiffe l'idée que chaque moine fe forme de foi-même ; & un jeune homme qui fe voit tout d'un coup fuperbement logé, qui fait qu'il a part à un revenu immenfe, & qui voit au-deffous de lui plufieurs autres hommes, eft bien tenté de fe Chr. Caff. croire plus grand que quand il étoit dans le lib. 111. monde fimple particulier, & peut-être de baffe 6. 28. 29, naiffance. Quand je me repréfente l'abbé Didier,

occupé pendant cinq ans à bâtir fomptueufement l'églife du Mont-Caffin, faifant venir, pour l'orner, des colonnes & des marbres de Rome, & des ouvriers de Conftantinople; & que d'un autre côté je me repréfente S. Pacôme fous fes cabanes de rofeaux, tout occupé de prier & de former l'intérieur de fes moines, il me femble que ce dernier alloit plus droit au but, & que Dieu étoit plus honoré chez lui.

Les études firent encore une grande différence entre ces anciens moines & les modernes. Les anciens n'étudioient uniquement que la morale chrétienne, par la méditation continuelle de l'écriture & la pratique de toutes les vertus. Du refte, c'étoit de fimples laïques, dont plufieurs ne favoient pas lire. Nos moines d'Occident étoient clercs pour la plupart dès le feptième fiècle, & par conféquent lettres ; & Pignorance des laïques obligeoit les clercs à embraffer toutes fortes d'études. Les premiers abbés de Clugni furent des plus favans hommes de leur temps; & leur favoir les faifoit rechercher par les évêques & les papes, & même par les princes: tout le monde les confultoit, & ils ne pouvoient fe difpenfer de prendre part aux plus grandes affaires de l'églife & de l'état.. L'ordre en profitoit, les biens augmentoient, les monaftères fe multiplioient: mais la régularité en fouffroit, & des abbés fi occupés audehors ne pouvoient avoir la même application pour le dedans, que faint Antoine & faint Pa- Confuet. côme, qui n'avoient point d'autres affaires, & Clun. lib. ne quittoient jamais leur folitude.

I.C 2.3.

D'ailleurs l'étude nuifoit au travail des mains 30.

Reg.c.48.

pour lequel on ne trouvoit plus de temps; Hij, liv. principalement depuis que les moines eurent xxx11.n. ajouté au grand office ceux de la Vierge & des 15.

XXIII.

nies.

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morts, & un grand nombre de pfeaumes audelà. Or le travail eft plus propre que l'étude à conferver l'humilité & quand on retranche la plus grande partie des fept heures de travail ordonnées par la règle de faint Benoit, ce n'eft plus proprement la pratiquer; c'est peut-être une bonne obfervance, mais non pas la même.

Ce fut auffi dans les monaftères que l'on conCérémo ferva le plus fidellement les cérémonies de la religion, qui font un des principaux may eas dont Dieu s'eft fervi pour la perpétuer dans tous les temps; parce que ce font des pre ves fenfibles de la créance, comme il eft marqué expreffément dans l'écriture. La célébration des fêtes de Noël & de Pâque avertirom toujours les hommes les plus groffiers, que Jefus-Chrift eft né pour notre falut, qu'il eft mort & reffufDeuter, cité. Tant que l'on baptifera au nom du Père & VI. 20. du Fils & du Saint-Efprit, on profeffera lavoi de la Trinité tant que l'on célébrera la meffe, on déclarera que l'on croit le mystère de l'Euchariftie. Les formules des prières font autant de profeffions de foi fur la matière de la grâce comme faint Auguftin l'a fi bien montré. La pfalmodie & les lectures dont l'office de l'église eft compofé, engagent néceffairement à conferver les faintes écritures, & à apprendre la langue dans laquelle on les lit publiquement depuis qu'elle a ceffé d'être vulgaire. Auffi eft-il bien certain que c'eft la religion qui a confervé la connoiffance des langues mortes. On le voit par l'Afrique, où le latin eft abfolument inconnu, quoique du temps de faint Auguftin on l'y parlât comme dans l'Italie. C'eft donc par un effet de la providence, que le refpect de la religion a fait conferver les langues antiques : autrement, nous aurions perdu les originaux

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de l'écriture fainte & de tous les anciens auteurs & nous ne pourrions plus connoître si les verfions font fidelles.

Les cérémonies fervent encore à empêcher les nouveautés, contre lefquelles elles font des proteftations publiques, qui du moins arrêtent la prefcription, & nous avertiffent des faintes pratiques de l'antiquité. Ainfi l'office de la Septuagéfime nous montre comment nous devrions nous préparer au carême; la cérémonie des cendres nous repréfente l'impofition de la pénitence; l'office entier du carême nous inftruit du foin avec lequel on difpofoit les catéchumènes au baptême & les pénitens à l'abfolution. Les vêpres que l'on avance nous font fouvenir que l'on a avancé le repas, & que l'on devroit jeûner jufqu'au foir; enfin l'office du famedifaint porte encore les marques d'un office deftiné à occuper faintement la nuit de la réfurrection. Si on avoit aboli ces formules, nous ignorerions la ferveur des anciens Chrétiens, capable de nous caufer une falutaire confufion. Et qui fait fi, dans un temps plus heureux l'église ne rétablira point ces faintes pratiques?

Les premiers auteurs qui ont écrit fur les cérémonies de la religion, ont vécu dans les fiècles que je parcours: mais ils en parlent tous comme les reconnoiffant pour très-anciennes, & fi de leur temps il s'en étoit introduit quelque nouvelle, ils n'auroient pas manqué de l'obferver. Ils donnent aux cérémonies des fignifications myftiques, dont chacun peut juger comme il lui plaît: mais du moins ils nous affurent les faits, & nous ne pouvons douter que l'on pratiquât de leur temps ce dont ils prétendent nous rendre raifon. C'est, à mon avis, le plus grand ufage de ces auteurs: au

refte vous avez vu dans les fix premiers fiècles des preuves de nos cérémonies, au moins des plus effentielles.

XXIV. Enfin ces fiècles moyens ont eu leurs apôtres, Propaga qui ont fondé de nouvelles églifes chez les intion de la fidelles aux dépens de leur fang; & ces apôtres foi. ont été des moines. Je compte pour les preHift. 1. miers faint Auguftin d'Angleterre & fes compaXXXVI.7. gnons envoyés par faint Grégoire, qui, bien 1. n. 40. qu'ils n'ayent pas fouffert le martyre, en ont

eu le mérite, par le courage avec lequel ils s'y font exposés au milieu d'une nation encore barbare. Rien n'est plus édifiant que l'histoire de cette églife naiffante, que Bede nous a confervée, & où l'on voit des vertus & des miracles dignes des premiers fiècles. Auffi peut-on dire que chaque temps a eu fa primitive églife. Celle d'Angleterre fut la fource féconde de celle du Nord; les Anglois Saxons, devenus Chrétiens, eurent compaffion de leurs frères les anciens Saxons, demeurés en Germanie, & encore idolâtres; & ils entreprirent avec un grand zèle de porter en ce vafte pays la lumière de l'évangile. De-là vint la miffion de faint Villebrod en Frife, & celle de faint Boniface en Allemagne.

Il est étonnant que pendant fept cents ans tant de faints évêques de Cologne, de Trèves, de Mayence & des autres villes des Gaules, voifines de la Germanie, n'ayent point entrepris de convertir les peuples d'au-delà du Rhin. Ils y voyoient fans doute des difficultés infurmontables, foit par la différence de la langue foit par la férocité de ces peuples trop éloignés Maurs de la douceur du Chriftianifme, comme j'ai Chr.n.57. tâché de le montrer ailleurs. Mais fans vouloir pénétrer les deffeins de Dieu, il eft certain qu'il ne lui a plu de fe faire connoître à ces nations

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