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& il ne trouve jamais de temps à y donner. Vous avez vu comme faint Bernard craignoit 1.Confid, pour le pape Eugène, que l'accablement des c. 2. affaires ne l'empêchât de faire les réflexions néceffaires fur fes devoirs & fur lui-même, & qu'il ne tombât enfin dans l'endurciffement.

Peut-être croirez-vous qu'un évêque, prince, fe réfervera les fonctions fpirituelles, & fe déchargera fur quelque laïque du gouvernement de fon état. Il s'en gardera bien, de peur que ce laïque ne devienne le véritable prince. Il abandonnera plutôt à d'autres le fpirituel car il ne craint rien d'un prêtre, d'un grand vicaire, d'un évêque fuffragant. Il leur laiffera volontiers l'étude de la théologie & des canons, la prédication, le foin des ames, dont il fe fera tout au plus rendre un compte général: mais il fera informé en détail de fes troupes, de fes places & de fes finances. Il en chargera fous lui d'autres eccléfiaftiques, à qui il fe fiera plus qu'à des laïques mais qui ne feront eccléfiaftiques que pour la forme, & gens d'affaires en effet. Si vous en doutez, voyez comment font gouvernés les diocèfes & les états de ces prélats fi puissans d'Allemagne & de Pologne. Vous verrez par cette expérience que les anciens étoient bien fages, & que l'alliance de la puiffance temporelle à la fpirituelle, n'étoit avantageufe ni à la religion ni à l'état.

Pour la religion, il est évident qu'elle étoit mieux foutenue par des évêques purement évêques, & uniquement occupés du fpirituel, comme faint Ambroife & Taint Auguftin. Ils préfidoient ordinairement aux affemblées des fidelles, offroient le faint facrifice & l'accompagnoient d'inftruction; ils étoient les prédicateurs & les théologiens de leurs églifes. La

parole de Dieu avoit tout un autre poids dans leur bouche, foutenue par l'autorité de leur place & de leurs vertus, que dans la bouche de fimples prêtres, fouvent étrangers ou mercenaires. La théologie étoit traitée plus férieufe ment & plus noblement par ces pasteurs fi occupés, que par des docteurs oififs qui ne cherchoient qu'à fubtilifer & à renchérir les uns fur les autres par de nouvelles queftions. Les pères n'écrivoient de théologie, qu'à mefure qu'il s'élevoit des erreurs qu'on étoit obligé de combattre. Ils entroient autant qu'il étoit poffible dans le détail de l'inftruction des catéchumènes, de la converfion des pécheurs, & de la conduite des pénitens. Ils étoient les arbitres charitables & les médiateurs de la paix entre toutes les perfonnes divifées : c'est à eux que demandoient confeil ceux qui vouloient avancer dans la piété, nous le voyons dans leurs lettres.

Il est vrai qu'il n'y avoit que des biens fpirituels à attendre de ces faints évêques ; ils ne faifoient la fortune de perfonne, & c'étoit encore un grand avantage pour la religion. Ce n'eft pas fans grande raifon que Jefus-Chrift la fageffe même a voulu naître pauvre & deftitué de tous les biens qui attirent la cupidité des hommes: il falloit que fes difciples ne fuffent attachés à lui, que par la force de la vérité & l'amour de la vertu. Il a voulu que fes difciples lui fuffent femblables, & qu'il n'y eût autre attrait pour le fuivre, que le défir de devenir meilleur & l'efpérance des biens éternels. Quiconque croit les biens temque porels, quels qu'ils foient, richeffes, honneurs, puiffance, faveur des grands, font des moyens propres à établir l'évangile ; il fe trompe, je le

dis hardiment, & n'a pas l'efprit de l'évangile. La raison en est évidente. Si en prêchant la religion vous avez des richeffes ou des honneurs à diftribuer, vous ne pouvez difcerner par quel motif on vous écoute, fi c'eft pour devenir plus riche ou meilleur ; vous courrez hafard de ne faire que des hypocrites: ou plutôt il est prefque fûr que vous n'en ferez point d'autres, puifque la plupart des hommes ne font touchés que de l'intérêt temporel. Et ne dites point qu'il eft bon de joindre l'un & l'autre, & d'attirer par toutes fortes de moyens des hommes dont on connoît la foibleffe. Jesus-Chrift la connoiffoit mieux que nous, & n'a jamais employé de tels moyens. C'eft donc une illufion de l'amour propre c'eft que les miniftres de l'évangile font bien aifes de jouir en attendant de ces richeffes & de ces honneurs, dont ils prétendent fe fervir pour gagner des ames.

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Revenons aux évêques, & concluons que ce n'eft qu'ignorance & groffiéreté qui leur a fait croire, que les feigneuries unies à leurs fiéges étoient utiles pour foutenir la religion. Je ne vois que l'églife Romaine, où l'on peut trouver une raifon fingulière d'unir les deux puiffances. Tant que l'empire Romain a fubfifté, il renfermoit dans fa vafte étendue prefque toute la chrétienté mais depuis que l'Europe eft divifée entre plusieurs princes indépendans les uns des autres, fi le pape eût été fujet de l'un d'eux, il eût été à craindre que les autres n'euffent eu peine à le reconnoître pour père commun & que les fchifmes n'euffent été fréquens. On peut donc croire que c'eft par un effet particulier de la providence, que le pape s'eft trouvé indépendant & maître d'un état affez puiffant pour n'être pas aifément opprimé par

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les autres fouverains: afin qu'il fût plus libre dans l'exercice de fa puiffance fpirituelle, & qu'il pût contenir plus facilement tous les autres évêques dans leur devoir. C'étoit la pensée d'un grand évêque de notre temps.

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Mais en général, fi l'union des deux puiffances étoit utile à la religion ce devroit être pour établir & maintenir les bonnes mœurs qui font le fruit de la doctrine Chrétienne. Car Jefus Chrift n'eft pas venu feulement nous enfeigner des vérités fpéculatives: il eft venu, Tit. 11. comme dit faint Paul, fe purifier un peuple qui lui fût agréable & appliqué aux bonnes œuvres. Si c'eft le but de la vraie politique, & le premier devoir des princes Chrétiens; à plus forte raifon c'eft celui des eccléfiaftiques, dont la profeffion eft de fanctifier les autres. C'eft à ceux qui ont voyagé chez les princes eccléfiaftiques, à nous dire ce qui en eft: fi l'on y voit moins de vices fcandaleux: fi l'on y commet moins de crimes: s'il y a plus de fureté fur les chemins & de fidélité dans le commerce: en un mot, fi leurs fujets fe diftinguent par la pureté de leurs mœurs de ceux des princes féculiers.

Je n'ai pas même oui dire que les états des eccléfiaftiques foient plus heureux que les autres pour le temporel. Au contraire, comme ce n'eft pas la profeffion de ces princes d'être guerriers, leurs peuples font plus expofés aux infultes des ennemis du dehors. Ces états n'étant point héréditaires, les parens & les miniftres du prince ne fongent qu'à profiter du préfent, fouvent aux dépens du peuple: fans étendre leurs foins à l'utilité publique pour multiplier les habitans, cultiver les terres, favorifer l'induftrie, faciliter le commerce, faire fleurir les

arts,

arts, attirer dans l'état l'abondance & les commodités de la vie. Ces grandes vues conviennent mieux à des républiques ou à des princes qui confidèrent leur poftérité.

Nous n'avons point vu chez les Grecs d'évêques feigneurs; parce que, malgré l'affoibliffement de leur empire, ils ont toujours confervé la tradition des lois Romaines & les maximes de la bonne antiquité, fuivant lefquelles toute la puiffance publique réfidoit dans le fouverain & n'étoit communiquée aux particuliers que par les magiftratures & les charges, mais ne leur étoit jamais abandonnée en propriété. Auffi les Grecs étoient-ils fort fcandalifés de voir nos évêques pofféder des feigneuries; & pour les défendre, lever des troupes, les conduire en perfonne & porter les armes. Un d'eux difoit que le n'étoit pape pas un évêque, mais un Chr. Caff, empereur. Ce que je dis des évêques Grecs, fe IV, c. doit entendré auffi des Syriens & des autres Orientaux, avant qu'ils fuffent fous la domination des Mufulmans: car depuis ils ont été plutôt efclaves que feigneurs.

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La puiffance fpirituelle du pape s'étant telle- XI. ment étendue par les conféquences tirées des Légats. fauffes décrétales, il fut obligé de commettre à d'autres fes pouvoirs; car il étoit impoffible qu'il allât par-tout, ni qu'il fit venir à lui tout le monde. De-là vinrent les légations fi fréquentes depuis l'onzième fiècle. Or les légats étoient de deux fortes, des évêques ou des abbés du pays, ou des cardinaux envoyés de Rome. Les légats pris fur les lieux étoient encore différens: les uns établis par commiffion particulière du pape, les autres par la prérogative de leur fiége; & ceux-ci fe difoient légats nés, comme les archevêques de Mayence & de Cantorberi. Les

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