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109.

Hift. 1.

légats venus de Rome fe nommoient légats à latere, pour marquer que le pape les avoit envoyés d'auprès de fa perfonne; & cette expreffion étoit tirée du concile de Sardique.

Les légats nés ne fouffroient pas volontiers que le pape en commit d'autres au préjudice de leurs priviléges mais le pape avoit plus de confiance en ceux qu'il avoit choifis, qu'en des prélats qu'il connoiffoit peu, ou qui ne lui convenoient pas. Or entre ceux qu'il choififfoit, Ivo. ep. les plus favorables étoient ceux qu'il prenoit fur les lieux: parce qu'ils étoient plus capables de juger & d'ordonner avec connoiffance de caufe, que des étrangers venus de loin. Auffi avez-vous vu avec quelle inftance Ives de Chartres prioit les papes de ne point envoyer Rog. Ho- de ces légats étrangers. On n'en recevoit point vel. pag. en Angleterre, non plus qu'en France, qu'il Hift. 1. n'eût été demandé par le roi. Les évêques LXII. . fouffroient avec peine de fe voir préfider par des évêques étrangers; encore moins par un prêtre ou un diacre, cardinal, fous prétexte qu'il étoit légat: car jufques-là tous les évêques avoient rang avant les cardinaux, qui ne l'étoient pas.

LXVII. n.

II.

476.

11.

n.

Can. 4

Mais ce qui rendoit les légats à latere plus odieux, c'étoit le fafte, le luxe, l'avarice. Ils ne voyageoient ni à leurs dépens, ni à ceux du pape, mais du pays où ils étoient envoyés ; & marchoient à grand train, c'est-à-dire avec une fuite au moins de vingt-cinq chevaux, car c'est à quoi le troifième concile de Latran les avoit réduits. Par-tout où ils paffoient ils fe faifoient défrayer magnifiquement par les évêques & les abbés: jufques là que les monaftères étoient quelquefois réduits à vendre les vafes facrés de leurs églifes pour fournir à de telles dé

penfes. Vous en avez vu des plaintes. Ce n'eft pas tout, il falloit encore leur faire des préfens: ils en recevoient des princes à qui ils étoient adreffés, & fouvent des parties auxquelles ils rendoient juftice, du moins les expéditions n'étoient pas gratuites. Enfin les légations étoient des mines d'or pour les cardinaux, & ils en IV. Conrevenoient d'ordinaire chargés de richeffes. Vous fid. c. 4. avez vu ce qu'en dit S. Bernard, & avec quelle 5. admiration il parle d'un légat defintéreffé.

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comme

Le fruit le p'us ordinaire de la légation étoit un concile, que le légat convoquoit au lieu & au temps qu'il jugeoit à propos. Il y présidoit & y décidoit les affaires qui fe préfentoient, & y pub'ioit quelques règlemens de difcipline avec l'approbation des évêques, qui le plus fouvent ne faifoient qu'applaudir : car il ne paroît pas qu'il y eût grande délibération. Ainfi s'abolirent infenfiblement les conciles provinciaux, que chaque métropolitain devoit tenir tous les ans fuivant les canons: la dignité des archevêques, offufquée par celle des légats dégénéra en titres & cérémonies d'avoir un pallium & faire porter une croix devant eux mais ils n'eurent plus d'autorité fur leurs fuffragans, & on ne vit plus que des conciles de légats. Or, pour le dire en paffant je ne doute point que les fréquentes légations n'ayent été la fource du rang diftingué qu'ont tenu depuis les cardinaux de l'églife Romaine: car chaque églife avoit les fiens, c'est-à dire, des prêtres & des diacres attachés à certains titres. Mais comme on voyoit dans ces conciles les cardinaux légats au-deffus, non-feulement des évêques, mais des archevêques, des primats, des patriarches: on s'accoutuma à joindre au titre de cardinal l'idée d'une dignité qui

ne cédoit qu'à celle du pape. L'habit de céré monie des cardinaux confirme cette pensée : la chape & le chapeau étoient l'habit de voyage, qui convenoit aux légats: le rouge étoit la couleur du pape, & c'étoit pour le mieux repréfenter que les légats la portoient, felon la Georg remarque d'un hiftorien Grec. Acropol.

n. 17.

Voilà cependant un des plus grands changemens qu'ait fouffert la difcipline de l'églife, la ceffation des conciles provinciaux, & la diminution de l'autorité des métropolitains. Ce bel ordre, fi fagement établi dès la naiffance de l'églife, & fi utilement pratiqué pendant huit ou dix fiècles, devoit-il donc être renversé fans délibération, fans examen, fans connoiffance de caufe? Mais quelle raison en auroit-on pu alléguer Des légats étrangers qui ne favoient ni les mœurs ni la langue du pays, & qui ne féjournoient qu'en paffant, étoient-ils plus propres que les pafteurs ordinaires à y juger les différens & y rétablir la discipline? Et quand ils avoient publié de beaux règlemens dans un concile, pouvoient-ils s'affurer qu'ils feroient obfervés après leur départ, fi les évêques n'y tenoient la main ? Concluons que fur cet article, comme fur les autres l'ancienne difcipline n'a pas été changée pour en établir une meilleure. Auffi ne voyons-nous pas que, pendant ces fréquentes légations, la religion ait été plus floriflante.

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Les évêques & les métropolitains ignoroient tellement leurs droits, qu'ils recherchoient avec empreffement les pouvoirs des légats: ne confidérant pas l'avantage d'une autorité moindre, mais propre & indépendante, fur une plus étendue, mais empruntée & précaire. Il fembloit qu'ils ne puffent plus rien par eux

mêmes, fi l'autorité du pape ne les foutenoit ; & le pape leur accordoit volontiers ces grâces dont ils auroient pu fe paffer, & qui étendoient toujours fon pouvoir. Il en eft de même à proportion de l'ufage fi fréquent alors, de faire confirmer par le pape les conventions faites entre les églites, & les donations à leur profit : comme fi ces actes euffent été moins valides fans la confirmation. On prend droit par les grâces demandées fans néceffité, & on s'en fait des titres pour les rendre nécessaires.

XII.

Subven

tions pé

Les papes furent fouvent obligés de quitter Rome depuis l'onzième siècle : foit les répar voltes des Romains, qui ne pouvoient s'ac- cuniai coutumer à les reconnoître pour feigneurs, res. foit par les fchifmes des antipapes. Ils réfidoient dans les villes voisines, comme à Orviette, à Viterbe, à Anagni; & toute leur cour les y fuivoit; ce qu'il eft néceffaire d'obferver, pour ne pas confondre la ville & la cour de Rome. Or je ne vois point qu'avant ce temps on parlât de cour, pour fignifier la fuite du pape ou d'un autre évêque ce nom eût paru trop profane. Quelquefois les papes ne pouvoient pas même demeurer en Italie; & alors ils se réfugioient en France, comme firent Innocent II & Alexandre III: car jamais les papes perfécutés n'ont trouvé d'afile plus affuré. Et comme en cette espèce d'exil ils ne jouiffoient pas

de leurs revenus, ils étoient obligés à fubfifter par la libéralité des rois, ou par les contributions volontaires du clergé. Nous le voyons Hift. liv. entre autres par le fermon d'Arnould de Li- LXX. n. fieux, à l'ouverture du concile de Tours en 63. 1163. Ainfi commencèrent les fubfides d'argent, que les papes demandèrent fouvent enfuite aux. princes ou aux églifes, foit pour foutenir leurs

c. 23.

guerres, foit pour d'autres caufes: & qui ayant commencé par des fecours charitables, dégéBafil.ep. nérèrent en exactions forcées. Quelle différence 220. Eu de cette conduite à ce'le de faint Grégoire, qui feb. IV. hift. répandoit tant d'aumônes dans les provinces; du pape faint Denis, qui affiftoit jusques en HA. I. Cappadoce les églifes affligées; & pour remon111. n. ter plus haut, du pape S. Soter, à qui S. Denis 58. de Corinthe rend un fi glorieux témoignage des libéralités qu'il exerçoit envers les églites de Grèce ! On avoit bien oublié la noble indépen dance de la pauvreté chrétienne, & cette maxiA. xx. me du Sauveur, qu'on eft plus heureux de donner que de recevoir.

35.

Xill.

Il est trifte, je le fens bien, de relever ces Qu'il faits peu édifians; & je crains que ceux qui faut dire ont plus de piété que de lumière, n'en

la vérité

toute entière.

prennent occafion de fcandale. Ils diront peut-être que dans l'hiftoire il falloit diffimuler ces faits, ou qu'après les avoir rapportés, il ne falloit pas les relever dans un difcours. Mais le fondement de l'hiftoire eft la vérité ; & ce n'est pas la rapporter fidellement, que d'en fupprimer une partie : un portrait flatté n'eft point reffemblant. Tels font d'ordinaire les panégyriques, où l'on fait paroître un homme louable en ne relevant que fes bonnes qualités. Artifice groffier qui révolte les gens fenfés, & leur fait faire plus d'attention fur les défauts qu'on leur cache avec tant de foin: c'eft une espèce de menfonge, que de ne dire ainfi la vérité qu'à Annal. demi. Perfonne n'eft obligé d'écrire l'histoire; an. mais quiconque l'entreprend, s'engage à dire 1534. n. la vérité toute entière. M. de Sponde, évêque de Pamiers, après avoir donné de grandes louanges à l'hiftorien Guichardin, ajoute que i quelquefois il cenfure vivement les princes

ecc.

$8.

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