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Qu: les autres dont il parle, c'est la faute des coupables & non de l'hiftorien. I feroit luimême plus repréhenfible, s'il diffimuloit les mauvaises actions, qui peuvent rendre les autres plus fages, & les détourner d'en commettre de pareilles, du moins par la honte, fuivant cette parole de l'évangile: rien n'eft fi caché, qui ne foit un jour découvert.

C'est l'exemple que nous donnent les historiens facrés. Moyfe ne diffimule ni les crimes de fon peuple, ni fes propres fautes; David a voulu que fon péché fût écrit avec toutes fes circonftances; & dans le nouveau teftament, tous les évangéliftes ont eu foin de représenter la chute de faint Pierre. La fincérité eft le fond de la vraie religion; elle n'a befoin ni de politique humaine, ni d'aucun artifice. Comme Dieu permet les maux qu'il pourroit empêcher, parce qu'il fait en tirer du bien pour les élus : nous devons croiré qu'il fera tourner à notre profit la connoiffance des défordres qu'il a foufferts dans fon églife. Si ces défordres avoient tellement ceffé qu'il n'en reftât plus de vestiges, peut-être pourroit-on les. laiffer ensevelis dans. un éternel oubli; mais nous. n'en voyons que trop les fuites funeftes. Les héréfies qui déchirent l'églife depuis deux cents ans, l'ignorance, & la fuperftition qui règnent en quelques pays Catholiques, la corruption de la morale par de nouvelles maximes, en font des effets trop fenfibles. Et n'eft-il pas utile de connoître d'où font venus de fi grands maux ?

Quand même nous voudrions abolir la mémoire de ces anciens défordres, il nous feroit impoffible, à moins que de fupprimer tous lest livres & les autres monumens qui nous reftent des fix ou fept derniers fiècles. Et qui pourroit

Matth

x. 26.

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exécuter un tel deffeih Si les Catholiques sty accordoient, les hérétiques en conviendroient ils? Ne feroient ils pas au contraire d'autant plus attentifs à conferver ces pièces qu'elles nous feroient plus odieufes Puis donc qu'il eft impoffible que ces faits tombent dans l'oubli, ne vaut-il pas mieux qu'ils foient rapportés fidellement, fincèrement & fimplement fans aucune qualification par des écrivains catholiques, que d'être abandonnés à la paffion des Proteftans qui les exagèrent,, les altèrent & les enveniment ? N'eft-il pas utile de montrer aux bonnes ames le milieu raifonnable, entre les emportemens & les excès de quelques auteurs modernes. Le pape n'est pas l'antechrift, à Dieu ne plaife; mais il n'eft pas impeccable, ni monarque abfolu dans l'églife pour le temporek & pour le fpirituel. Les voeux monaftiques ne font pas fortis de la boutique de Satan; mais les moines fe font relâchés de temps en temps, & ont fouvent abufé de leurs richeffes & de leurs priviléges. L'églife a le pouvoir de donner des indulgences; mais les pénitences canoniques étoient plus falutaires. Les théologiens fcolaftiques ne font pas des fophiftes méprifables, ils ont confervé la tradition de la faine doctrine; mais il ne faut pas les admirer aveug'ément, ni les préférer aux pères de l'églife. Peut-être, car qui fait les deffeins de Dieu, & qui eft entré dans fon confeil? Peut-être a-t-il permis ces défordres dans fon églife, pour. apprendre aux hommes par leur propre expérience à fuivre à la lettre fes préceptes, & à ne pas vouloir maintenir fa religion par les maximes d'une politique mondaine. Vous croyez que la richeffe jointe à la vertu vous rendra plus heureux; vous verrez la difficulté

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de conferver la vertu avec la richeffe. Vous croyez que le facerdoce aura plus d'autorité, étant foutenu par la puiffance temporelle; & vous perdrez la vraie autorité qui confifte dans l'eftime & la confiance. Vous croyez vous rendre terribles & vous faire obéir ponctuellement en prodiguant les cenfures, & par-là vous les rendez méprisables & inutiles. Inftruisez-vous au moins par les faits; & profitez des fautes de vos pères.

Deux fortes de perfonnes trouvent mauvais que l'on rapporte des faits défavantageux à 'églife. Les premiers font des politiques profanes, qui ne connoiffant point la vraie religion, la confondent avec les fauffes, & la regardent comme une invention humaine pour contenir le vulgaire dans fon devoir, & craignent tout ce qui pourroit en diminuer le refpect dans l'efprit du peuple, c'est-à-dire, felon eux, le défabuser. Je ne dispute point contre ces politiques, il faudroit commencer par les inftruire & les convertir. Mais je crois devoir fatisfaire, s'il eft poffible, les gens de bien fcrupuleux, qui, par un zèle peu éclairé, tombent dans le même inconvénient de trembler, lorsqu'il n'y a pas fujet de craindre. Que craignez-vous leur dirois-je ? Est ce de connoître la vérité ? Vous aimez donc à demeurer dans l'erreur, ou du moins dans l'ignorance? Et pouvez vous y demeurer en fureté, vous qui devez inftruire les autres? car je parle aux eccléfiaftiques, à qui il convient principalement de favoir l'histoi re de la religion. Peut-on encore, dans la lumière de notre fiècle, foutenir la donation de Conftantin & les décrétales d''fiore? Et fi ces pièces font infoutenables, peut-on en approuver les conféquences?

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contreles

ques.

Reconnoiffons donc de bonne foi que Gré goire VII & Innocent lil, trompés par ces pièces & par les mauvais raisonnemens des théologiens de leur temps, ont pouffé trop loin leur autorité, & l'ont rendue odieuse à force de l'étendre ; & ne prétendons pas foutenir des excès dont nous voyons les caufes & les funeftes effets. Car enfin, quoi qu'on puiffe dire, il eft évident que les premiers fiècles nous fourniffent un plus grand nombre de faints papes que les derniers; & que les mœurs & la difcipline de l'églife Romaine étoient bien plus pures. Or il n'eft pas croyable que les papes n'ayent commencé à connoître leurs droits & à exercer leur puiflance dans toute fon étendue, que depuis que leur vie a été moins édifiante, & leur troupeau particulier moins bien réglé. Cette réflexion fournit un préjugé fâcheux contre les nouvelles maximes.

XIV. De tous les changemens de difcipline, je n'en Rigueur vois point qui ait plus décrié l'églife, que la héréti- rigueur exercée contre les hérétiques & les autres excommuniés. Vous avez vu comme Seve re Sulpice blâme les deux évêques Idace & Ithace de s'être adreffés aux juges féculiers pour faire chaffer les Prifcillianiftes, & traite de honteufes les pourfuites qu'ils firent contre eux HA. 1. auprès de l'empereur Gratien. On fut bien plus XVII. 2. indigné, quand on les vit fuivre les coupables 58. Sulp. à Trèves en qualité d'accufateurs. Saint Martin preffoit Ithace de fe défiiter, & prioit l'empereur Maxime d'épargner le fang des hérétiques; mais quand ils eurent été exécutés à mort faint Ambroife & faint Martin ne communiquèrent plus avec Ithace, ni avec les évêques qui demeuroient dans fa communion, quoiqu'ils fuffent protégés par l'empereur; & l'évêque

hift. 1.2.

L. XVIII.

n. 29. 30.

a. 39.

Théognofte rendit publiquement une fentence contre eux. Enfin saint Martin se reprocha toute fa vie d'avoir communiqué en paffant avec ces Ithaciens pour fauver la vie à des innocens. Tant il paroiffoit horrible que des évêques euffent trempé dans la mort de ces hérétiques, quoique leur fecte fût une branche de l'héréfie déteftable des Manichéens.

Les Donatiftes & particulièrement leurs Cir- Ep. 100% concellions exerçoient contre les Catholiques al 197.. Hift. des cruautés inouies; & toutefois voici comme XX11. A. faint Auguftin écrit à Donat, proconful d'Atri 18. que, fon ami, chargé d'exécuter contre eux les lois impériales: quand vous jugez les caufes de l'églife, quelques atroces que foient les injures qu'elle a fouffertes, nous vous prions d'ou blier que vous avez le pouvoir d'ôter la vie ; & ne méprifez pas cette prière que nous vous faifons pour ceux dont nous demandons à Dieu la correction, Outre que nous ne devons jamais nous écarter de notre réfolution, de vaincre le mal par le bien : confidérez qu'il n'y a que les eccléfiaftiques, qui prennent foin de porter devant vous les caufes de l'eglife. De forte que, fi vous puniffez de mort les coupables vous nous ôterez la liberté de nous plaindre; & ils fe déchaîneront plus hardiment contre nous, nous voyant réduits à la néceffité de nous laiffer ôter la vie, plutôt que de la leur faire perdre par vos jugemens. Il finit fa lettre par ces paroles remarquables: quelque grand que foit le mal qu'on veut faire quitter & le bien qu'on veut faire embraffer, c'est un travail plus onéreux qu'utile, d'y contraindre, au lieu d'inftruire.

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Ep. 133 al. 159. hf. lib.

Saint Augustin écrivit de même quelques xx11. années après au comte Marcellin en faveur des 47.

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