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en Occident, quand Dieu fufcita de faints per- 16 p.565. fonnages, dont le zèle ardent lui donna com- HA. 1. me un nouveau commencement. Dès l'année LIV. n. fuivante 910, Guillaume, duc d'Aquitaine, 43. fonda le monastère de Clugni, & en donna la conduite à l'abbé Bernon, qui avec le fecours du moine Hugues, tiré de S. Martin d'Autun, recueillit la tradition de l'obfervance la plus pure de la règle de S. Benoît, qui s'étoit conTervée en quelques monaftères.

Saint Odon, fucceffeur de Bernon, per- HiA. l. fectionna l'établiffement de Clugni, & y joignit Lv. n. 24. plufieurs autres monaftères dont il avoit la conduite, y faifant garder le même ordre, c'est-à-dire, la même obfervance d'où vint enfuite le nom d'ordre, appliqué aux différentes communautés, pratiquant la même règle, comme l'ordre de faint Benoît, de faint Auguftin, de faint François, & les autres. Celui de Clugni fut très-célèbre, par la vertu & la doctrine de fes premiers abbés, faint Maïeul, faint Odilon & faint Hugues : mais au bout de deux cents ans il tomba dans une grande obfcurité; & je n'y vois plus d'homme diftingué, depuis Pierre le vénérable.

Or je trouve deux caufes de cette chute les richeffes, & la multiplication des prières vocales. Le mérite fingulier des premiers abbés de Clugni, leur attira l'eftime & l'affection des princes, des rois & des empereurs, qui les Hift. 1. comblèrent de bienfaits: dès le temps de faint Lv.7.24. Odon le nombre en fut fi grand, qu'il en refte jufqu'à cent quatre-vingt-huit chartres. Il eft à craindre que ces faints n'euffent pas affez réfléchi fur les inconvéniens de la richeffe, fi bien marqués dans l'évangile, & connus même des philofophes païens. Les riches font

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IV. 17.

naturellement orgueilleux, perfuadés qu'ils n'ont befoin de perfonne, & qu'ils ne manqueront jamais de rien. C'eft pourquoi faint Tim. Paul recommande à Timothée d'exhorter les riches à ne point s'élever dans leurs pensées, & ne pas mettre leur efpérance dans les richeffes incertaines. Les grands biens attirent de grands foins pour les conferver; & ces foins ne s'accordent guère avec la tranquillité de la contemplation, qui doit être l'unique but de la vie monaftique: ainfi dans une communauté riche, le fupérieur au moins, & ceux qui le foulagent dans le maniement des affaires, quand ils ont véritablement l'efprit de leur état, trouvent qu'ils ne font prefque plus moines. Ajoutez que fouvent l'amour-propre fe déguise fous le nom fpécieux du bien de la communauté; & qu'un procureur ou un cellerier fuivra fon inclination naturelle pour amaffer ou pour épargner, fous prétexte qu'il ne lui revient aucun avantage particulier.

La richeffe commune est dangereuse, même pour les particuliers. Dans une abbaye de vingt moines, jouiffans de trente mille livres de rente, chacun eft plus fier de favoir qu'il a part à ce grand revenu; & il eft tenté de méprifer les communautés pauvres, & les religieux mendians de profeffion. Il veut profiter de la richeffe de la maifon, ou pour fa commodité particulière, & être auffi-bien nourri, vêtu & logé que fon obfervance le permet, & quelHift. 1. quefois au-delà. C'eft ce qui étoit arrivé à LXVII. n. Clugni, comme on voit dans l'apologie de faint Bernard. Les moines faifoient la meilleure Opufc. 5. chère qu'ils pouvoient en maigre, & s'habilloient des étoffes du plus grand prix les abbés marchoient à grand train, fuivis de quantité

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de chevaux, & faifant porter de grands équipages les églifes étoient bâties magnifiquement, & richement ornées, & les lieux réguliers à proportion.

60.

L'autre caufe du relâchement fut la multi- Hift. 1. plication des prières : je dis de la pfalmodie & LXIII. n. des autres prières vocales; car ils en avoient beaucoup ajouté à celles que prefcrit la règle de faint Benoît, comme on voit dans les coutumes de Clugni, écrites par faint Ulric, qui vivoit Spicil. encore vers la fin du onzième fiècle. Ils avoient to. 4. P. entr'autres ajouté l'office des morts dont ils 21. étoient les auteurs, & ils le chantoient toute l'année. Cette longue pfalmodie leur ôtoit le temps du travail des mains ; & Pierre le Vé- Hift. l. nérable en convient, répondant aux objections Lxvii. n. de faint Bernard. La règle, dit-il, l'ordonne 50. feulement pour éviter l'oifiveté, que nous évitons en rempliffant notre temps par de faints exercices, la prière, la lecture, la pfalmodie. Comme fi faint Benoît n'avoit pas affez donné de temps à ces faints exercices, & n'avoit pas eu de bonnes raifons pour donner plus de fept heures entières de travail.

Peut-être que Pierre le Vénérable & ceux qui penfoient comme lui, étoient trompés par leur préjugé de leur temps, & regardoient le travail corporel comme une occupation baffe & fervile. L'antiquité n'en jugeoit pas ainfi, comme j'ai fait ailleurs ; & fans parler des M. Ifr. Ifraélites & des autres Orientaux, les Grecs n. 6. & les Romains s'en faifoient honneur: mais les nations Germaniques & les Barbares du Nord, accoutumés à ne s'occuper que de la chaffe & de la guerre, ont toujours méprifé l'agriculture & les arts, comme on voit encore aux mœurs de notre nobleffe.

IV.

LXIV.

n.

64. LXVI.

1. 21.

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Deux cents ans après la fondation de Clugni, Ordre de Dieu fufcita d'autres grands hommes, qui Citeaux. ramenèrent l'efprit de la règle de faint Benoît, Hift. je veux dire les fondateurs de Cîteaux, particulièrement S. Bernard, que je regarde comme la merveille de fon fiècle. Dieu fembloit avoir pris plaifir à raffembler en lui tous les avantages de la nature & de la grâce: la nobleffe, la vertu des parens, la beauté du corps, les perfections de l'efprit; vivacité, pénétration, difcernement fin, jugement folide. Un cœur généreux, des fentimens élevés, un courage ferme, une volonté droite & conftante: ajoutez à ces talens naturels une bonne éducation, les meilleures études que l'on pût faire de fon temps, foit pour les fciences humaines, foit pour la religion: une méditation continuelle de l'écriture-fainte, une grande lecture des pères : une éloquence vive & forte, un ftyle véritablement trop orné, mais conforme au goût de fon fiècle. Ajoutez les effets de la grâce. Une humilité profonde, une charité fans bornes, un zèle ardent: enfin le don des miracles.

HiA. 1. Il faut toutefois avouer que fon zèle ne fut pas LXI. n. affez réglé par la difcrétion, en ce qui regardoit 14.7.43. fa fanté, qu'il ruina de bonne heure par des

auftérités exceffives; & vous avez vu le foin que fut obligé d'en prendre fon illuftre ami Guillaume de Champeaux. J'eftime plus les Egyptiens & les autres anciens moines, qui favoient fi bien accorder l'austérité avec la fanté, qu'ils vivoient fouvent près de cent ans.

V. S. Bernard étoit fort affectionné au travail Frères des mains, rétabli férieufement dans l'obferlais. vance de Cîteaux: mais on y introduifit une nouveauté, qui dans la fuite contribua au relâchement, je veux dire la distinction des moi

nes du chœur, & des frères lais. La règle n'en fait aucune mention, & jufqu'à l'onzième siècle les moines fe rendoient eux-mêmes toutes fortes de fervices, & s'occupoient tous des mêmes

travaux.

LXIII. n.

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Saint Jean Gualbert fut le premier qui infti- Hift. l. tua des frères lais en fon monastère de Vallom- LX1, n. 4. bréufe, fondé vers l'an 1040. La raison de cette inftitution fut apparemment l'ignorance des laï- Mabil. ques, qui la plupart ne favoient pas lire, même præf. 1. les nobles de forte que le latin n'étant plus la Sac.n.9. langue vulgaire comme du temps de faint Annal. Benoît, ils ne pouvoient apprendre les pfeaumes par cœur, ni profiter des lectures qui fe font à l'office divin: au lieu que les moines étoient dès-lors clercs pour la plupart, ou deftinés à le devenir. Mais il femble que ceux qui introduifirent cette diftinction, ne confidéroient pas que l'on peut arriver à la plus haute perfection fans aucune connoiffance des lettres. La plupart des anciens moines d'Egypte ne favoient pas lire, & faint Antoine tout le premier; & faint Arfene s'étant retiré chez eux, dit je fais les fciences des Grecs & des Romains; mais je n'ai pas encore appris l'alphabet de ce vieillard que vous trouvez fi groffier. On occupoit donc ces frères lais aux travaux corporels, du ménage de la campagne & des affaires du dehors; pour prières on leur prefcrivoit un certain nombre de Pater, à chacune des heures canoniales ; & afin qu'ils s'en puffent acquitter, ils portoient des grains enfilés, d'où font venus les chapelets. Ces frères étoient vêtus un peu différemment des moines, & portoient la barbe longue comme les autres laïques. Les Chartreux eurent de ces frères dès le commencement auffi-bien que les moines de Grandmont

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