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Reg.

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& ceux de Cîteaux ; & tous les ordres religieux venus depuis, ont fuivi leur exemple. Enfin il a paffé même aux religieufes, & on diftingue chez elles les filles du choeur & les fours converfes, quoique la même raifon n'y foit pas : puifqu'ordinairement elles ne favent pas plus de latin les unes que les autres.

Or cette diftinction entre les religieux a été une grande fource de relâchement : les moines du chœur voyant les frères lais au-dessous d'eux, les ont regardés comme des ignorans & des hommes groffiers deftinés à les fervir, & fe font regardés eux-mêmes comme des feigneurs : car c'eft ce que fignifie le titre Dom, abrégé c. de Dominus ou Domnus, qui, en Italie & en Efpagne, eft encore un titre de nobleffe ; & je ne crois pas qu'on le trouve attribué aux fimples moines avant l'onzième fiècle, au moins la règle de faint Benoît ne le donne qu'à l'abbé feul. C'est donc principalement depuis ce temps qu'ils ont cru le travail des mains indigne d'eux, fe trouvant fuffisamment occupés de la prière & de l'étude.

D'un autre côté les frères convers ont été une fource de divifion dans les monaftères, qui étant compofés de deux corps fi différens, n'ont plus été parfaitement unis. Les frères manquant d'étude, & fouvent d'éducation, ont quelquefois voulu dominer, comme étant plus néceffaires pour le temporel que le fpirituel suppose: car il faut vivre avant que de prier & d'étudier. Vous avez vu ce qui arriva dans l'ordre de Hift. 1. Grandmont fous le pape Innocent III, & comLXXXV.7. ment il fut obligé de réprimer l'infolence des 28. frères, qui vouloient régler même le fpirituel; & l'ordre ne s'est jamais bien remis de cette divifion. Ce font apparemment de tels exem

ples qui ont obligé tous les religieux en général

tenir les frères convers fort bas & fort foumis; ce qui eft difficile, fans s'élever au-dessus d'eux; l'uniformité de la règle de faint Benoît étoit plus sûre.

:

que

Les moines ayant abandonné le travail des mains, crurent l'étude étoit une occupation .plus digne d'eux, & l'ignorance des féculiers, même des clercs, les y engageoit par une efpèce de néceffité. Or ils ne fe bornèrent pas à l'étude qui leur étoit la plus convenable, l'écriture-fainte & les pères, en un mot la théologie en quoi ils auroient imité faint Jérôme, & quelques autres anciens moines; mais depuis le huitième & le neuvième siècles, ils embrassèrent toutes fortes d'études, comme on yoit entr'autres par Alcuin. Ils joignirent à la théologie l'étude des canons, qui fait partie de la fcience eccléfiaftique, mais plus convenable aux évêques & aux prêtres deftinés à gouverner les peuples. Les moines ne laifsèrent de s'y appliquer fortement, comme on voit par le fameux Gratien, auteur du décret; & cette étude attira celle du droit civil, principalement depuis la découverte du Digeste, ́& des autres livres de Juftinien.

pas

Les moines donnèrent encore dans une autre étude plus éloignée de leur profeffion, favoir la médecine. Rigord, moine de faint Denis, étoit phyficien, c'eft-à-dire médecin du roi Louis le Gros, dont il a écrit l'hiftoire ; & faint Bernard parle d'un moine de fon ordre, qui s'étoit rendu fameux dans cet art. Je veux croire que les moines avoient commencé à s'y appliquer par charité pour les malades: mais comme il falloit fortir pour les vifiter, c'étoit toujours une fource de diffipation. On peut

VI.

Etudes des mois

'nes.

LXVIII.

LXVIII.

n. 54.

dire le même de la jurifprudence, qui attiroit

aux moines des confultations.

Mais s'ils avoient commencé ces études par charité, ils les continuèrent par intérêt, soit pour conferver les biens de la communauté ou leur propre fanté, foit pour gagner de l'argent Can. 6. comme auroient fait des féculiers. C'est ce Hift. liv. que nous apprend le concile de Reims, tenu par le pape Innocent II en 1131, qui défend n. 9. Can. 7. aux moines & aux chanoines réguliers d'étudier Hift. liv. les lois civiles ou la médecine, & ajoute: c'est l'avarice qui les engage à fe faire avocats, & à plaider des caufes juftes ou injuftes fans diftinction: c'est l'avarice qui les engage à méprifer le foin des ames, pour entreprendre la guérifon des corps, & arrêter leurs yeux fur des objets dont la pudeur défend même de parler. Ces défenfes furent réitérées au concile de Latran, tenu par le même pape en 1139, & encore au concile de Tours, tenu par Alexandre III en 1163. On ne défend qu'aux religieux les profeffions de médecin & d'avocat, & non aux clercs féculiers, parce que les laïques en étoient incapables, n'étant point lettrés.

Can. 8.
Hift. 1.

LXX. n.

63.

HA. 1.

LXXIII.

.5.4.

Au commencement du fiècle fuivant, on permettoit encore aux religieux d'exercer la fonction d'avocat pour des réguliers, comme on voit au concile de Paris, tenu par le légat Robert de Corçon en 1212; & ce même concile marque un grand relâchement dans les communautés religieufes de l'un & de l'autre fexe. On en voit encore plus au grand concile de Latran, tenu trois ans après: qui, pour y remédier, ordonne la tenue des chapitres généraux tous les trois ans. Mais ce remède a eu peu d'effet; & depuis ce temps les moines & les chanoines réguliers ont continué de fe relâcher

de plus en plus, jufqu'aux dernières réformes. D'ailleurs les chapitres généraux ont leurs inconvéniens, & la diffipation inféparable des voyages eft plus grande : & plus ils font grands, plus eft la dépenfe, qui oblige à faire des impofitions fur les monaftères, fources de plaintes & de murmures. Et quel eft le fruit de ces chapitres? De nouveaux règlemens, & des députations de vifiteurs pour les faire exécuter, c'eft-à-dire multiplication de voyages & de dépenfes & le tout fans grande utilité comme a fait voir l'expérience de quatre fiècles. Auffi faint Benoît n'a-t-il rien ordonné de femblable, quoiqu'il ait eu en même temps la conduite de plufieurs monaftères; chacun étoit gouverné par fon abbé, & chaque abbé avoit pour infpecteur fon évêque, qui étant fur le lieu, étoit plus propre que tout autre à lui faire obferver la règle.

:

cations

Ne nimia

Le même concile de Latran en 1215, défen- VII. dit d'inventer de nouvelles religions, c'eft-à- Multipli dire de nouveaux ordres ou congrégations de d'ordres peur, dit le canon, que leur trop grande diver- relifité n'apporte de la confufion dans l'églife. Mais gieux, quiconque voudra entrer en religion, embraf- Can. 13. fera une de celles qui font approuvées. Cette extra 9 défenfe étoit très-fage, & conforme à l'efprit extra de de la plus pure antiquité. S. Bafile, dans fes relig. règles, demande s'il est à propos d'avoir en un dom. Reg. même lieu deux communautés religieufes; & il fuf.n.36. répond que non. Il ne s'agiffoit pas de deux ordres différens, mais feulement de deux maifons du même inftitut; & S. Bafile rend deux raifons de fa réponse négative; la première, qu'il eft difficile de trouver un bon fupérieur, & encore plus d'en trouver deux: la feconde, que la multiplication des monaftères eft une fource

E

de divifion. D'abord ce ne fera qu'une émulation louable à qui pratiquera mieux la règle ; enfuite l'émulation fe tournera en jalousie, en

mépris, en averfion: on cherchera à fe décrier Plat. Re- & fe nuire l'un à l'autre telle eft la corruption pub. lib. de la nature. Les Païens mêmes ont pris pour SP. 418. fondement de la politique, que la république

Gr.

Hift. 1.

1.XXXV, n.

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fût unie autant qu'il feroit poffible, & qu'on éloignât d'entre les citoyens toute femence de division. Combien doit-on plus travailler à en préferver l'églife de J. C. fondée fur l'union des cœurs & la charité parfaite ? C'est un feul corps dont il eft le chef, & dont les membres doivent avoir une entière correfpondance, & compatir en tout les uns aux autres.

Or les divers ordres religieux font autant de corps, & comme autant de petites églifes dans l'églife univerfelle. Il eft moralement impoffible qu'un ordre eftime autant un autre institut que le fien, & que l'amour-propre ne pouffe pas chaque religieux à préférer l'inftitut qu'il a choifi, à fouhaiter à fa communauté plus de richeffes & de réputation qu'à toute autre, & fe dédommager ainfi de ce que la nature fouffre à ne pofféder rien en propre. Je laiffe à chaque religieux à s'examiner de bonne foi fur ce fujet. S'il n'y avoit qu'une fimple émulation de vertu, verroit-on des procès fur la préféance & les honneurs, & des difputes fi vives, pour favoir de quel ordre étoit tel Saint, ou l'auteur d'un tel livre de piété ?

Le concile de Latran avoit donc très-fagement défendu d'inftituer de nouvelles religions: mais fon décret a été fi mal obfervé, qu'il s'en eft beaucoup plus établi depuis, que dans tous les fiècles précédens. On s'en plaignit dès le concile de Lyon, tenu foixante ans après: on

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